11.01.2017 Views

Le Conte

Tout sur les contes

Tout sur les contes

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

LE CONTE<br />

Tout d'abord, le médaillon n'est pas porté indifféremment sur l'une ou l'autre<br />

face, mais le couvercle qui se soulève de bas en haut se porte caché, comme un<br />

envers, tandis que la partie fixe au moment où le médaillon s'ouvre, et qui constitue<br />

donc un fond stable, est justement celle qui se porte montrée, comme un endroit. <strong>Le</strong><br />

modèle qui sert à cette répartition des deux faces en envers et endroit est celui de la<br />

médaille, à l'endroit de laquelle se trouve le portrait, et à l'envers de laquelle se<br />

trouve la devise. Contrairement à l'organisation ordinaire d'un reliquaire ou même<br />

d'un retable, le volet qui masque l'image à l'intérieur ne coïncide pas avec l'endroit<br />

du contenant, mais avec son envers, ce qui entraîne une manipulation supplémentaire<br />

au moment de l'ouverture. D'emblée le destinataire du médaillon est mis en devoir<br />

d'acquérir une compétence, un savoir faire qui comporte des manipulations, et non<br />

seulement l'observation et la lecture. Ce médaillon présente différentes<br />

« modulations » de l'espace 1 , qui témoignent d'une conception très élaborée de la<br />

notion même d'objet.<br />

La manipulation est une mise en acte du principe même du médaillon, car le<br />

fait d'ouvrir correspond à l'idée d'un contenant et de son contenu, et cela sans passer<br />

par le langage, alors que celui-ci est au contraire essentiel en ce qui concerne<br />

l'emblème sur le couvercle. (Fig. 1. b)<br />

En effet, les emblèmes du XVI° siècle sont des ensembles signifiants dans<br />

lesquels entrent en relation une devise et une illustration de celle-ci, ce qui suppose<br />

que l'image fait l'objet d'une lecture, c'est-à-dire d'une transposition dans le langage,<br />

à laquelle la devise sera comparée. Sur ce médaillon, on distingue une Arche<br />

d'Alliance sur des flots agités, navigant sous un ciel d'orage. Autour de l'image, sur le<br />

cadre ovale, on lit la devise : SAEVAS TRANQUILLA PER UNDAS (Tranquille<br />

sur les vagues furieuses). L'arche de cet emblème est en soi un contenant qui rappelle<br />

le coffre des contes populaires français, lequel va sous terre ou par mer et contient de<br />

beaux habits, ou même, pour le coffre de verre, une belle princesse 2 . Son contenu<br />

« merveilleux », c'est le texte de l'Alliance grâce auquel les événements prennent un<br />

statut miraculeux.<br />

Car cet emblème célèbre un événement, celui de la victoire anglaise et de la<br />

défaite espagnole, les galions ayant sombré du fait d'une tempête dévastatrice, tandis<br />

que l'île d'Angleterre, telle un vaisseau, a « traversé » saine et sauve. La devise<br />

s'applique à la fois à la tempête bénéfique, à l'insularité de l'Angleterre et au rapport<br />

« biblique » d'alliance entre Elisabeth 1ère et son Dieu car elle est chef de l'église<br />

anglicane. Un jeu sémantique sur la polysémie de « per » articule ce faisceau de<br />

valeurs distinctes, puisque l'énonciataire peut lire à la fois « malgré la tempête » et<br />

« grâce à la tempête ». La figure de l'arche est insérée dans un système sémantique<br />

fondé sur une caractéristique du langage, à savoir la pluralité des signifiés. En outre,<br />

en ce qui concerne l'image de l'arche, la polysémie se fonde sur des référents<br />

culturels, c'est-à-dire le texte de la Bible, le texte fondateur de l'église anglicane, et le<br />

récit des vainqueurs après la déroute de l'Armada. L'image emblématique entre donc<br />

1 Maurice MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception, Paris, Gallimard, 1945, p. 169.<br />

2 COURTES, op. cit. p. 127-8.<br />

194

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!