11.01.2017 Views

Le Conte

Tout sur les contes

Tout sur les contes

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

DESCRIPTION SÉMIOTIQUE D'UN CONTE PHILOSOPHIQUE : CANDIDE<br />

<strong>Le</strong> nom du gouverneur, par la démesure, rend compte iconiquement de la<br />

« grandeur » du personnage. Au niveau du contenu, ce nom connote évidemment<br />

« l'Amérique du Sud » mais la présence de signifiants comme « Figueora » (figure) et<br />

« Mascarenes » (masque) lui attribue une fonction plus insidieuse : signaler combien<br />

la puissance féodale tient du paraître. En avançant le masque des mots, le pouvoir<br />

nobiliaire, comme ce fut le cas dans le château initial, se fonde sur un coup de force<br />

langagier.<br />

Ex. : « Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmolonigologie » (p.<br />

144 : I).<br />

Pangloss, polyvalent, enseigne le tout du tout comme l'indique la longueur de<br />

la désignation de son objet d'étude. <strong>Le</strong>s lois du monde naturel (cosmologie) ne sont<br />

pas plus étrangères à Pangloss que celles du monde spirituel (métaphysique,<br />

théologie). Conformément à la littérarité onomastique (« Pan » : tout ; « glossa » =<br />

langue), le discours panglossien assume tous les discours. Cependant, la machine du<br />

signifiant grippe et produit, autour du suffixe « logie » qui marque les termes<br />

scientifiques, un « nigo » qui fait basculer la totalité du segment complexe dans la<br />

« nigologie », la science du nigaud.<br />

- focalisations<br />

<strong>Le</strong> narrateur, omniscient tout au long du récit, s'amuse à souligner les<br />

passages en focalisation interne. « Voici dans ce moment ce qui se passa dans l'âme<br />

de Candide et comment il raisonna_ » (p. 164 : IX). Ailleurs, le comique provient du<br />

mélange de deux points de vue. « Cunégonde_ vit entre des broussailles le docteur<br />

Pangloss qui donnait une leçon de physique expérimentale à la femme de chambre_<br />

d'être savante » (p. 145 : I). <strong>Le</strong> jeu s'appuie sur le télescopage de deux isotopies,<br />

l'une amoureuse et l'autre scientifique, à l'aide - technique fréquente dans les romans<br />

érotiques - d'un vocabulaire pouvant se lire sur deux niveaux. Ainsi « leçon de<br />

physique expérimentale », « expérience réitérée », « raison suffisante du docteur »,<br />

les effets et les causes renvoient aussi bien au sens usuel de didactique scientifique<br />

qu'à son sens circonstanciel de pratique amoureuse. Reste que les éléments<br />

contextuels (« parc », « broussailles », « femme de chambre_ jolie et très docile »,<br />

voyeurisme de Cunégonde) décident du sens à donner à la scène. Ce faisant, le<br />

narrateur montre au lecteur que le savoir panglossien est un leurrre et qui plus est, un<br />

leurre hypocrite.<br />

Ce « climat textuel singulier » (Weinrich) est le produit aussi de l'usage répété<br />

de deux procédures essentiellement illocutoires : l'ironie et la parodie.<br />

- les énoncés ironiques<br />

<strong>Le</strong> phénomène de l'ironie se caractérise par deux propriétés relevant de deux<br />

principes classificatoires hétérogènes, puisque entrent dans sa composition un<br />

ingrédient de nature illocutionnaire et un ingrédient proprement linguistique :<br />

a) Ironiser, c'est se moquer. L'ironie attaque, agresse, dénonce, vise une<br />

« cible », et à ce titre elle fait partie de ce que Freud appelle l'esprit<br />

tendancieux.<br />

b) Cela à l'aide du procédé linguistique de l'antiphrase, cas particulier<br />

d'infraction à une loi de discours que l'on peut appeler « loi de sincérité » 1 .<br />

1 Catherine KERBRAT-ORECCHIONI, « Problèmes de l'ironie » in Linguistique et Sémiologie n° 3,<br />

1976, p. 13.<br />

175

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!