11.01.2017 Views

Le Conte

Tout sur les contes

Tout sur les contes

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

DESCRIPTION SÉMIOTIQUE D'UN CONTE PHILOSOPHIQUE : CANDIDE<br />

traitement similaire. 1) Voltaire reprend les distinctions rituelles mais en les<br />

ridiculisant par un grossissement facétieux des détails. 2) La distinction entre<br />

convaincus et repentants croise dans le conte l'opposition maître et disciple. L'enjeu<br />

du conte philosophique est donc bien là : prendre en compte l'actualité du moment<br />

(institution, coutumes, opinions, croyances_) mais pour apprendre au lecteur à<br />

désautomatiser ses représentations afin de voir derrière le réel les discours qui le<br />

parlent. D'où ce double mouvement, constant dans le conte : 1) de<br />

vraisemblabilisation de la fiction par la multiplication de connotateurs de réel et<br />

d'opérateurs d'allusion. 2) de dénaturalisation du référentiel par une représentaiton<br />

distanciée. Soit par une déformation burlesque (cf. les exemples précédents), soit par<br />

une inappropriation pragmatique (ex. la théâtralisation esthétique de la bataille (p.<br />

148 : III) exprimant le point de vue royal et panglossien opposé à la vision du jeune<br />

Candide confronté au terrain.<br />

En filiation avec la tradition des entretiens philosophiques, le conte<br />

philosophique accorde une place importante au dialogique (disputes philosophiques<br />

(ex. sur le bonheur, le droit, la liberté_ contreverses religieuses, etc_ Comme l'écrit<br />

M. Roelens :<br />

« _le conte philosophique ouvre l'espace clos du dialogue d'idées à toutes les<br />

violences du réel et fait de la relation qui supporte les entretiens le récit des<br />

aventures et des infortunes encourues par le philosophe dans le monde de<br />

l'histoire » 1 .<br />

D'où cette diatopie particulièrement remarquable dans Candide. Héros<br />

« mobile » (Lotman), c'est-à-dire capable de passer à travers des « mondes »<br />

différents, Candide traverse successivement : 1) L'Ancien Monde mythique. 2)<br />

L'Ancien monde réel. 3) <strong>Le</strong> Nouveau Monde. 4) L'Anti-Monde des Oreillons. 5)<br />

L'Autre Monde utopique. 6) <strong>Le</strong> Nouveau Monde. 7) L'Ancien Monde. 8) <strong>Le</strong> Para-<br />

Monde de l'Utopie finale. Point d'exotisme pour l'exotisme, ici, les différents<br />

mondes, comme on l'a montré, servent de faire dévaloir du discours panglossien et<br />

surtout des institutions dominantes dans le monde référentiel.<br />

<strong>Le</strong> régime énonciatif<br />

a) La mise en phase des actants transnarratifs<br />

Bien que son identité soit indécidable (Docteur Ralph ou Voltaire lui-même),<br />

le narrateur primaire explicite 2 apparaît dès la troisième phrase du texte (« je crois »<br />

(p. 143 : I)), instituant, malgré son unique occurrence, la matrice des relations entre<br />

les interlocuteurs. De même, l'utilisation de pronoms « nous » et « vous » (« la<br />

première journée de nos deux voyageurs_ » (p. 197 : XIX) ; « il tire son épée,<br />

quoiqu'il eût les moeurs fort douces, et vous étend l'Israélite raide mort_ » (p. 164 :<br />

des tisons embrasés avec des flammes qui s'élèvent et des démons tout à l'entour_ mais ceux qui<br />

s'accusent et ne sont pas relaps portent sur leurs samarras des flammes renversées la pointe en bas_ »<br />

Dellon.<br />

1 Maurice ROELENS, « La description inaugurale dans le dialogue philosophique au XVII° et XVIII°<br />

siècles », Littérature N° 18, 1975, p. 62.<br />

2 Pour ces notions de narrateur primaire (explicite, effacé, anonyme), voir Laurent DANON-BOILEAU,<br />

Produire le fictif, Klincksiek, 1982, p. 40.<br />

173

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!