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Le Conte

Tout sur les contes

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LE CONTE<br />

essentiellement la notion de réécriture existe seulement en filigrane. Dans Trois<br />

<strong>Conte</strong>s, par contre, elle est massivement présente qu'il s'agisse de sources verbales<br />

ou non-verbales<br />

Machaerous au moment de la mort de Saint Jean-Baptiste. v. J. H. Cannon,<br />

« Flaubert's documentation for Herodias ». French Studies, July 1960, p. 328.<br />

<strong>Le</strong> problème est non d'identifier les sources de Flaubert, mais bien de cerner<br />

les principes selon lesquels il les réécrit.<br />

Il ne suffit donc pas de dire que les documents seraient « de simples<br />

auxiliaires, entièrement subordonnés au plan de l'ouvrage et à l'effet recherché » 1 . La<br />

documentation ne peut que jouer un rôle positif dans l'élaboration scripturale, qu'il<br />

s'agisse du simple choix de noms de chiens, ou de la notation de l'harmonie du<br />

chasseur et des bêtes dont il se sert. Quant il s'agit de recherches légendaires,<br />

bibliques préalables, celles-ci, même quand les décisions de Flaubert sont très<br />

actives, ne peuvent être que déterminantes tant pour la forme que pour le fond. Ceci<br />

concerne Un cœur simple, puisque ce conte n'est réellement lisible qu'à la lumière<br />

des deux autres. <strong>Le</strong> légendaire ne permet pas d'écrire n'importe quoi.<br />

Ces éléments font l'objet d'une manipulation intratextuelle de contrastes et de<br />

parallèles qui dépasse les limites des contes pris séparément. Ce « différencier », de<br />

la main de Flaubert, qui préside à l'élaboration de structures contrastives rattache les<br />

deux chasses de Julien aux deux fermes d'Un cœur simple, Geffosses (bourgeoise) et<br />

Toucques (rustique) comme à leurs tenanciers, dont l'un est grognon et pleurard et<br />

l'autre grand et petit, anguleux et obèse 2 .<br />

Voilà qui instaure à l'intérieur des Trois contes un réseau très dense d'échos<br />

de toutes sortes. Celui-ci à son tour établit des rapports très étroits avec un discours<br />

extra-flaubertien. C'est pourquoi on est amené à privilégier le thème de la sainteté<br />

dans sa résonance culturelle et intratextuelle bien plus que dans ses rapports avec<br />

d'autres textes de Flaubert - on souligne ainsi la parenté thématique du lépreux (le<br />

Christ), et du père Colmiche, mais non de l'Aveugle.<br />

<strong>Le</strong> point de départ théorique peut cependant être le même que pour les<br />

romans antérieurs - à savoir le rapport grinçant entre l'écriture et la documentation et<br />

les questions d'équilibre qu'il soulève : « Un livre peut être plein d'énormités et de<br />

bévues et n'en être pas moins fort beau _ L'étude de l'habit nous fait oublier<br />

l'âme. » 3 ; « Si la couleur n'est pas une, si les détails détonnent, si les mœurs ne<br />

dérivent pas de la religion et les faits des passions, si les caractères ne sont pas<br />

suivis, si les costumes ne sont pas appropriés aux usages et les architectures au<br />

climat, s'il n'y pas, en un mot, harmonie, je suis dans le faux. Sinon non. Tout se<br />

tient. » 4<br />

1 Debray-Genette, art. cit. p. 96.<br />

2 Debray-Genette, art. cit. p. 99.<br />

3 A. Feydeau, fin juillet-début août 1857 - Conard IV p. 212.<br />

4 A. Sainte-Beuve, 23-24 décembre, 1862 - Conard V p. 66-67 ; cf. « je regarde comme très secondaire<br />

le détail technique, le renseignement local, enfin le côté historique et exact des choses. Je recherche par<br />

dessus tout la beauté, dont mes compagnons médiocrement sont en quête. » (à George Sand, décembre<br />

1875, Conard VII, p. 281).<br />

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