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Le Conte

Tout sur les contes

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CONTE ET ROMAN CHEZ FLAUBERT<br />

lieu à l'aube. Ce n'est pas non plus celui qui éclaire, dans Harodias, le début du jour<br />

qui verra la véritable naissance du Christianisme.<br />

Des éléments qui sembleraient récurrents sont ainsi chargés d'une portée toute<br />

nouvelle. Si l'Aveugle existe bien, si Hannon dans Salammbô nous répugne, on<br />

connaît une note des Carnets de Flaubert qui change tout quand le même élément<br />

s'insère dans Saint-Julien. Il y est en effet question de la lèpre considérée comme une<br />

bénédiction ce qui concorde avec la formule de M. Hamon, de Port-Royal : « la<br />

maladie est l'état naturel du chrétien » 1 . Cette note, qui autorise une lecture très<br />

ironique de Saint-Julien l'Hospitalier, révèle la distance qui nous sépare de l'Aveugle<br />

d'Emma Bovary.<br />

Soit tel passage de Madame Bovary :<br />

« cette passion merveilleuse qui jusqu'alors s'était tenue comme un grand<br />

oiseau au plumage rose planant dans la splendeur des ciels poétiques » 2 .<br />

Soit également la vision de Léon qui trouve qu'Emma possède des qualités<br />

semblables :<br />

« et elle alla, dans son cœur, montant toujours et s'en détachant à la manière<br />

d'une apothéose qui s'envole » 3 .<br />

C'est déjà en puissance l'Ange d'Hérodias qui terrifie le bourreau ; c'est aussi,<br />

à la fin de Saint-Julien, le Christ qui monte au ciel ; c'est surtout, dans Un cœur<br />

simple, la vision finale de Félicité qui croit voir : « dans les cieux entr'ouverts, un<br />

perroquet gigantesque, planant au dessus de sa tête. »<br />

Cependant la portée de cette vision n'est plus la même dans les Trois <strong>Conte</strong>s.<br />

Si l'ironie sur la vision romantique n'est pas absente de ceux-ci, le discours ironique<br />

est comme renversé du fait que Flaubert évoque non pas l'impuissance discursive<br />

des personnages devant la passion, mais bien le corrélatif objectif d'une expérience<br />

(terreur ou béatitude) bien réelle.<br />

De même si le thème explicite de l'expérience religieuse, de la sainteté<br />

renvoie nécessairement à Saint Antoine, il n'en reprend nullement le discours. Il a en<br />

même temps très peu de choses à voir avec les romans précédents.<br />

Félicité a donc ses origines, comme ses cousins Julien et Saint Jean, dans les<br />

écrits de Maury et de Renan. Ceux-ci nous permettent de dire que c'est plutôt Félicité<br />

que Saint Jean qui est la plus conforme à la sagesse des premiers Chrétiens 4 .<br />

L'insertion du perroquet souligne à quel point la pensée religieuse explicite<br />

coiffe la thématique des Trois <strong>Conte</strong>s. Ce perroquet, symbole de l'inlassable<br />

répétition de clichés religieux, recrée ironiquement la colombe annonciatrice,<br />

l'Annonce faite à Marie. Il renforce les rapports érotico-mystiques, et les symboles<br />

de la virilité. Loin d'être un élément marginal, il constitue la plaque tournante du<br />

récit : De là telle note marginale des brouillons : « Rattacher au souvenir du neveu.<br />

1 CHH vol. 8, p. 260.<br />

2 ed. cit. p. 42.<br />

3 ibid. p. 109.<br />

4 Maury, Croyances et légendes de l'Antiquité, p. 73. A en croire Maury, les visions du père et de la<br />

mère de Julien seraient même des survivances païennes, alors que le contexte le plus sophistiqué, c'est<br />

Machaerous, le château d'Hérode.<br />

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