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POUR L'INTERPRÉTATION D'UNE ETHNOLITTÉRATURE<br />
type de société ou un autre. Cet investissement ethnique repérable, et qui ne<br />
constitue pour nous qu'un accident géographique et culturel étudié par l'ethnologie,<br />
fait que le conte déploie une certaine logique opérationnelle en relation avec<br />
l'environnement et les préoccupations de la société qui génère, ou régénère, le récit<br />
et l'histoire à partir d'espèces qui lui sont familières, d'épisodes de la vie<br />
communautaire ou privée qui est la sienne. <strong>Le</strong> tabac, le miel, la calebasse, le couteau<br />
de jet, le puits sont autant d'objets que le conte africain utilisera ; le départ de la fille<br />
avec son mari, l'échange des biens et des services, la fabrication du sel, la<br />
préparation de la nourriture, la quête de l'eau constituent les conduites qui à leur tour<br />
constituent les épisodes et les récits dont les contes sont faits. A l'intérieur d'un<br />
même récit, on peut découvrir des ensembles de figurèmes qui peuvent être<br />
interprétés suivant des isotopies variées (alimentaires, sexuelles, météorologiques,<br />
organisationnelles...) : le mortier, la calebasse, le feu peuvent constituer une de ces<br />
triades susceptibles d'instaurer les isotopies décrites plus haut. On peut encore<br />
remarquer que sur un axe horizontal on passe du simple au complexe, de l'élément à<br />
la construction, alors que l'axe vertical va, de bas en haut, de l'universel au<br />
particulier - ce qui n'aurait pas déplu à G. Guillaume 1 .<br />
<strong>Le</strong>s niveaux choisis pour étudier le conte sont effectivement des coupes plus<br />
ou moins tardives, plus ou moins précoces effectuées dans le mouvement de pensée<br />
interprétatif qui s'attache à saisir le conte à des moments particuliers de sa genèse.<br />
5. MOTIFS AFRICAINS<br />
Reprenant, réajustant et complétant la nomenclature des contes recueillis par<br />
D. Paulme, on peut dresser une liste non exhaustive des motifs susceptibles d'une<br />
interprétation mythique et qui sont les plus courants dans le domaine africain. <strong>Le</strong>s<br />
contes qui sont représentatifs de ces motifs ne sont ni des mythes théogoniques, ni<br />
cosmogoniques, ni eschatologiques mais contiennent des conduites et des figures qui<br />
semblent appartenir à des mythes érodés et les motifs-occurrences ou motifèmes<br />
semblent renvoyer à des motifs types constitutifs des mythes du monde entier. <strong>Le</strong>s<br />
termes de la liste ci-après ne sont que des étiquettes commodes pour résumer le<br />
contenu discursif de chaque motif :<br />
1-L'enfant travesti 5-L'enfant animal 9-<strong>Le</strong> monstre dévorant<br />
2-L'enfant espiègle 6-L'enfant justicier 10-La restitution impossible<br />
3-L'enfant abandonné 7-L'origine de la mort 11-La fille difficile<br />
4-L'enfant jalousé 8-<strong>Le</strong> nom inconnu 12-<strong>Le</strong>s deux sœurs<br />
Il est assez difficile de distinguer, dans la Mère Dévorante 2 entre les contes<br />
du type Petit Poucet et ceux de l'enfant Malin ou de l'enfant Sorcier. La cause en est<br />
que les occurrences du type ne sont pas pures. Dans notre terminologie on peut<br />
concevoir que certains motifs incluent des conduites qui renvoient à des motifs<br />
d'autres types de contes. Il y a aussi une contamination entre motifs et conduites<br />
1 L'intuition géniale de Guillaume, qui se représentait la pensée comme un flux sans cesse en mouvement<br />
entrainé de l'universel vers le particulier puis s'inversant pour revenir à l'universel, a été extrèmement<br />
féconde pour expliquer nombre de faits syntaxiques ; elle devrait pouvoir rendre compte avec autant de<br />
bonheur des faits narrativo-discursifs. Cf. M. Wilmet, Gustave Guillaume et son école linguistique,<br />
Nathan, 1972.<br />
2 D. PAULME, La mère dévorante, Gallimard, 1973.<br />
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