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Le Conte

Tout sur les contes

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CONTE ET ROMAN CHEZ FLAUBERT<br />

À cela s'ajoute le réinvestissement explicite et non pas ponctuel d'une substance<br />

flaubertienne préexistante.<br />

<strong>Le</strong>s sources légendaires de Flaubert ont cette particularité nouvelle d'être très<br />

largement connues et véhiculés par un discours très largement réaliste, contrairement<br />

à ce qui se passe dans La Tentation de Saint Antoine.<br />

D'autre part, il s'agit d'une manipulation très cohérente et très soutenue, ce qui<br />

ne correspond pas du tout à l'approche fragmentée, épisodique de Bouvard et<br />

Pécuchet et de Saint Antoine<br />

La parenté est là - mais non l'imitation.<br />

Ce phénomène ne fut sans doute réalisable que grâce aux possibilités offertes<br />

par l'interaction de trois contes entre eux - sans parler de l'évolution depuis 1850 de<br />

la culture et de la sensibilité (mentalité géographique et historique nouvelle) qui<br />

amène Flaubert à écrire des textes qu'il n'aurait pu réaliser même dix ans auparavant.<br />

Retenons donc d'abord que l'une des caractéristiques majeures des Trois<br />

<strong>Conte</strong>s réside dans la manipulation des thèmes dans le sens d'une inter- et intratextualité<br />

profonde. Celle-ci se fait sur une échelle inconnue jusque là, si ce n'est<br />

dans Bouvard et Pécuchet, - on se rappelle que le dernier roman est précisément en<br />

cours de rédaction et que, plus qu'on ne l'a dit, il sert de repoussoir thématique aux<br />

Trois <strong>Conte</strong>s.<br />

On peut bien sûr s'interroger sur les origines autobiographiques,<br />

psychologiques, intellectuelles de ce processus : souvenirs d'enfance, pulsions<br />

œdipiennes. Il n'en étonne pas moins par l'importance des interférences qu'il<br />

déclenche. Il s'agit non pas tant de simples échos de texte, mais bien d'un système qui<br />

confère leur plein sens aux Trois <strong>Conte</strong>s.<br />

Ces combinaisons inusitées avec une substance flaubertienne bien<br />

reconnaissable se manifestent par exemple dans l'attitude d'Hérode envers Jean.<br />

Celle-ci développe le vieux motif flaubertien de la faiblesse, de l'incohérence, des<br />

tergiversations. Elle est significative à cause même d'une polyvalence textuelle qui<br />

met en convergence textes flaubertiens de la vie moderne et sources historiques.<br />

Flaubert rappelle et associe donc simultanément Frédéric Moreau (sa propre<br />

création) et des données connues de tout le monde qui lui parviennent du dehors.<br />

Il en résulte tout un réseau de confrontations qui éclairent le hors texte aussi<br />

bien que l'écriture flaubertienne proprement dite, puisqu'il « fait travailler » la<br />

préférence qu'il accorde au récit de Saint Marc (VI, 20), au dépens de celui de<br />

Mathieu. Marc en effet affirme qu'Hérode « avait du respect pour (Saint Jean-<br />

Baptiste), faisait beaucoup de choses selon ses avis et était bien aise de l'entendre » 1 .<br />

De telles convergences me paraissent différentes des échos de Madame<br />

Bovary qu'on relève sans difficulté dans Salammbô, ou de l'exploitation de sources<br />

journalistiques qu'on relève dans l'Éducation sentimentale. En effet, dans les Trois<br />

<strong>Conte</strong>s, Flaubert combine, sur une grande échelle, une substance qui lui est<br />

particulière avec un matériau connu, déjà largement utilisé et fort ancien qui possède<br />

un statut de légende, de mythe.<br />

1 Note condensée de Flaubert - f°683r°. La version plus dynamique de Mathieu, affirme qu'Hérode<br />

désirait mettre Jean à mort mais craignait la colère du peuple.<br />

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