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Le Conte

Tout sur les contes

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CONTE ET ROMAN CHEZ FLAUBERT<br />

qu'un mois avant d'avoir terminé Hérodias, il soit toujours « perdu dans les<br />

prophètes. » 1<br />

Non seulement la génétique suit des stades relativement constants, mais elle<br />

vise, semble-t-il, dans tous les textes à une écriture similaire, fondée sur des<br />

procédés dont tous les avant-textes font l'objet - pour citer un exemple tout à fait<br />

élémentaire, mais très significatif, les suppressions massives de conjonctions qui<br />

déterminent toutes sortes de structures temporelles et causales.<br />

ÉVOLUTION GÉNÉTIQUE<br />

Ces constantes, ces récurrences (diégétiques, structurales, leitmotivesques) ne<br />

sont, à mon avis, que superficielles. On ne définit guère les Trois <strong>Conte</strong>s, pas plus<br />

que d'autres œuvres, en alléguant naïvement de simples phénomènes d'intertextualité.<br />

Schématiquement, la question la plus pertinente consiste à se demander ce qui<br />

distingue Salammbô d’Hérodias, Madame Bovary d'Un cœur simple.<br />

Flaubert nous y encourage par son désir explicite d'éviter qu'Hérodias ne<br />

ressemble à Salammbô. « Tous mes efforts », dira-t-il à Edmond de Goncourt,<br />

« tendent à ne pas faire ressembler ce conte-là à Salammbô » 2 . On comprend donc la<br />

suppression de passages où il est question par exemple des activités mercenaires de<br />

Julien 3 .<br />

L'intertexte, chez Flaubert, serait donc simultanément un phénomène à<br />

exploiter et un élément à éviter. C'est là son originalité.<br />

Ainsi se met en place une thématique profonde particulière aux Trois <strong>Conte</strong>s.<br />

A cette fin, Flaubert supprime par anticipation un certain nombre d'éléments<br />

récurrents. C'est ce qui efface par exemple la présence de Saint-Julien dans les<br />

brouillons de Madame Bovary 4 .<br />

Il semblerait donc légitime d'avancer que ce changement de discours,<br />

paradoxalement, est prévisible de longue date et qu'il trahit la présence en filigrane<br />

d'un courant de pensée souterrain. Flaubert est conteur au sens plein pendant toute sa<br />

jeunesse, et conteur en puissance au moment de terminer Madame Bovary - mais en<br />

puissance seulement.<br />

Quoi qu'il en soit, Flaubert, dans une période de grande complexité, donne<br />

l'impression en écrivant Trois <strong>Conte</strong>s, de se livrer à une activité génétique nouvelle :<br />

ce travail interrompu, l'abandon et la reprise de Bouvrard et Pécuchet en est la<br />

preuve essentielle.<br />

Il affirme d'ailleurs que les Trois <strong>Conte</strong>s ne sont qu'un intermède. A George<br />

Sand, il écrira au sujet de son dernier roman : « Je ne voudrais pas mourir avant de<br />

1 <strong>Le</strong>ttre de janvier 1877 à Caroline in CHH vol 15, p. 525.<br />

2 <strong>Le</strong>ttre du 31 décembre 1876 CHH vol 15 p. 520. Cf. lettre du 27 septembre 1876, CHH vol 15 p. 498 à<br />

Mme Roger des Genettes : « J'ai peur de retomber dans les effets produits par Salammbô, car mes<br />

personnages sont de la même race et c'est un peu le même milieu ». <strong>Le</strong>s brouillons portent également des<br />

traces de cette distanciation par laquelle Flaubert manifeste son désir de ne pas reprendre les motifs<br />

superficiels de Madame Bovary, ou des Œuvres de Jeunesse.<br />

3 v 23663 f°493 : « Il *servit comme mercenaire*

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