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Le Conte

Tout sur les contes

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CONTE ET ROMAN CHEZ FLAUBERT<br />

dédoublement ancillaire, Nastasie <strong>Le</strong>roux, femme Barette, sœur de Félicité, porte le<br />

nom de la première bonne d'Emma. »<br />

D'une manière plus générale, les personnages des contes font partie,<br />

ponctuellement, du groupe social et psychologique constitué par les écrits antérieurs.<br />

Félicité réincarne Catherine <strong>Le</strong>roux ; la description de la femme dans Saint-Julien<br />

(développée dès f°434v°) est un avatar tout à la fois de Salomé et de la reine de<br />

Saba.<br />

Cela explique que les premières pages de Madame Bovary retracent les<br />

avatars d'une éducation qui ressemble étrangement à celle de Julien. Cela explique<br />

aussi que la troisième partie d'Hérodias rappelle de très près les discussions du salon<br />

Dambreuse 1 ou de Chavignoles 2 .<br />

Dans les Carnets de Flaubert3 on relève des éléments (il suffit de mettre<br />

Rome à la place de Paris) qui se retrouveront dans Hérodias : « <strong>Le</strong> grand roman<br />

social à écrire (maintenant que les rangs et les castes sont perdus) doit représenter la<br />

lutte ou plutôt la fusion de la barbarie et de la civilisation ; la scène doit se passer au<br />

désert et à Paris en Orient et en Occident. Opposition de mœurs, de paysages et de<br />

caractères, tout y serait, et le héros devrait être un barbare qui se civilise auprès d'un<br />

civilisé qui se barbarise. »<br />

Quel que soit le texte, la société flaubertienne a tendance à être la même - il<br />

serait possible d'avancer que des structures sociales identiques se retrouvent à peu<br />

près partout dans ses romans, qu'ils soient historiques ou modernes : la description<br />

de Creil dans L'éducation sentimentale évoque les mêmes liens de dépendance que<br />

les cabanes des serfs au début de Saint-Julien 4 .<br />

En même temps, l'œuvre de Flaubert est parcourue d'épisodes récurrents : on<br />

a repéré depuis longtemps dans tous les romans le motif des fêtes, de la nourriture.<br />

<strong>Le</strong> festin d'Hérodias, comme celui qui a lieu lors de la naissance de Julien, possède<br />

toutes les caractéristiques de la noce de Madame Bovary, ou du début de Salammbô.<br />

<strong>Le</strong> mouvement, comme la terminologie sont très largement similaires : « il y eut un<br />

repas qui dura trois jours et quatre nuits » (Saint-Julien) est très proche de telle page<br />

de Madame Bovary : « Il y eut une noce, où vinrent quarante trois personnes, où l'on<br />

resta seize heures à table, qui recommença le lendemain et quelque peu les jours<br />

suivants » 5 .<br />

Confronté à ces vulgarités, l'ailleurs exotique, perçu ou vécu, substance des<br />

Trois <strong>Conte</strong>s comme de Salammbô, avait déjà envahi les rêves d'Emma Bovary.<br />

C'est une extension de cette préoccupation littérale ou métaphorique de l'art, noble<br />

1 Lowe M. et Burns C., « Flaubert’s Hérodias, a new evaluation. » Montjoie, vol. 1, n° 1, p. 16-23, May,<br />

1953.<br />

2 Fusion que Flaubert n'a réalisé que grâce à l'interaction des Trois <strong>Conte</strong>s. Voir en outre Marotin F.<br />

« <strong>Le</strong>s Trois <strong>Conte</strong>s, un carrefour dans l'oeuvre de Flaubert » in Frontières du <strong>Conte</strong>, Paris1982, p. 112-<br />

118.<br />

3 CHH vol. 8, p. 262.<br />

4 « où travaillaient les gens. » n.a.f. 23663, f°410 (fin).<br />

5 Madame Bovary, Classiques Garnier, p 27.<br />

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