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Le Conte

Tout sur les contes

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LE CONTE<br />

morale mais plus particulièrement une crise financière, et qu'il a un besoin pressant<br />

d'argent - et qu'il reprend Bouvard et Pécuchet, interrompu depuis deux ans, dès que<br />

sa sécurité semble assurée.<br />

Flaubert est atypique à d'autres égards encore : son activité se situe non pas<br />

dans une quelconque continuité chronologique, mais bien dans un processus<br />

d'interaction très intime, puisqu'il abandonne un roman, Bouvard et Pécuchet, pour<br />

écrire les Trois <strong>Conte</strong>s, avant de reprendre son dernier roman en 1877.<br />

Dans ce processus d'interaction ponctuelle, on doit également tenir compte du<br />

rapport qui existe entre les Trois <strong>Conte</strong>s et les projets abandonnés ou dont la mort de<br />

Flaubert interdit la réalisation : Harel Bey, La Spirale, imbus comme ils sont de<br />

politique et d'exotisme.<br />

<strong>Le</strong> problème qui m'intéresse concerne surtout la transposition d'éléments<br />

similaires dans un cadre d'écriture (et de thèmes) parfois très différent.<br />

Au départ, on peut postuler (en pastichant Georges Poulet) que toute écriture<br />

est réécriture de quelque chose, réutilisation de substances (thématiques, diégétiques,<br />

mythiques) et de structures (qui existent déjà). Cette réécriture se manifeste sur deux<br />

plans, à deux niveaux. En effet, le romancier qui se met à écrire des contes se<br />

conforme très largement à la notion préexistante de conte ; en même temps il apporte<br />

à sa nouvelle activité des pratiques élaborées au cours de son activité de romancier -<br />

et vice versa.<br />

Chez Flaubert, les interférences avec les romans sont d'autant plus inévitables<br />

que chacun des Trois <strong>Conte</strong>s (même Hérodias), a ses origines dans une activité<br />

littéraire très lointaine : si la composition des Trois <strong>Conte</strong>s datent de la période<br />

1875-1877, les premiers plans de Saint-Julien l'Hospitalier et d'Un cœur simple<br />

datent de 1856 - tandis que de nombreux éléments dans Madame Bovary et dans<br />

Salammbô préfigurent Hérodias...<br />

En même temps, les Trois <strong>Conte</strong>s ne sont pas des romans écourtés, tronqués -<br />

chacun des Trois <strong>Conte</strong>s n'est pas une sorte d'appendice, de version abrégée d'un<br />

roman antérieur ou abandonné 1 . Il s'agit chez Flaubert du moins, de la réalisation de<br />

formes et d'écritures nouvelles - tout n'est pas que répétition, interférence, d'autant<br />

plus que la substance des Trois <strong>Conte</strong>s est plus dense, plus variée que celle des<br />

contes traditionnels 2 . Tout le démontre : descriptions, psychologie, syntaxes,<br />

vocabulaire, enchaînements typiques.<br />

Commençons, cependant, par des éléments relativement simples : à savoir la<br />

reprise dans les Trois <strong>Conte</strong>s d'éléments en tous genres qui figurent déjà dans les<br />

romans antérieurs.<br />

Comme l'affirme Raymonde Debray-Genette 3 : « Rien ne démontre mieux le<br />

lien étroit entre Un cœur simple et Madame Bovary que le fait que Félicité soit le<br />

nom de la bonne d'Emma qui s'enfuira avec Théodore, le domestique de Guillaumin.<br />

<strong>Le</strong> seul homme aimé de notre Félicité s'appelle Théodore. Enfin par une sorte de<br />

1 Raitt A. « Flaubert and the art of the short story » Essays by Diverse Hands, Oxford, 1975 p.122.<br />

2 Raitt A. W., ibid. p. 118.<br />

3 dans « La technique romanesque de Flaubert dans Un cœur simple », in M. Issacharof éd. Langaqes de<br />

Flaubert, Minard 1976, p. 102).<br />

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