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SÉMANTIQUE DU CONTE MERVEILLEUX<br />
titre, compte tenu de ce que les figures rapprochées sont, en fait, disséminées dans le<br />
discours, que A. J. Greimas a proposé de parler en ce cas d'isotopies « diffuses » 1 ,<br />
par opposition aux isotopies « compactes » qui ne requièrent point la procédure<br />
d'extraction.<br />
En réponse à une telle objection sur l'arbitraire de l'extraction, qu'il nous<br />
suffise de rappeler au moins que bien des versions de nos contes merveilleux<br />
disposent, pour ainsi dire, d'une procédure d'embrayage de la dimension mythique, à<br />
savoir le recours à la duplication ou à la triplication : en y faisant appel à des figures<br />
différentes (« soleil »/ » lune »/ » étoile » ; « noix »/ » noisette »/ » amande »), elles<br />
cherchent manifestement à établir des isotopies que, dans un premier temps de notre<br />
recherche, nous considérions intuitivement comme « connotatives », mais que nous<br />
préférons aujourd'hui qualifier de « mythiques ».<br />
En faisant appel encore à une autre terminologie, on pourrait se demander -<br />
ainsi que nous y avons fait récemment allusion 2 - si tout le jeu des oppositions<br />
figuratives paradigmatiques dans le conte merveilleux n'équivaut pas, tout<br />
simplement, à un processus de symbolisation : nombre de figures ou de<br />
configurations correspondraient alors à autant de cristallisations sociolectales de<br />
réseaux figuratifs paradigmatiques sous-jacents : par où s'expliqueraient mieux, peutêtre,<br />
les ressemblances/différences constatées, par exemple, entre le matériau<br />
folklorique français et les données d'univers mythologiques avoisinants, les<br />
cristallisations du code figuratif - sous forme de telle ou telle figure du monde -<br />
variant le plus souvent d'un monde socio-culturel à l'autre.<br />
Il convient d'ajouter enfin, en forme conclusive et tout spécialement à<br />
l'attention des folkloristes, que le code figuratif dégagé des récits merveilleux n'est<br />
point l'apanage exclusif de ces contes populaires, plus, que les figures choisies pour<br />
le manifester se retrouvent équivalemment, dans une forme souvent moins<br />
narrativisée, aussi bien dans les rites, les coutumes ou, plus largement, dans la<br />
totalité des pratiques dites fokloriques. Ainsi l'opposition céleste/terrestre s'exprime,<br />
par exemple, dans le cas de la « noisette » (dont il faut ici rappeler qu'elle est<br />
traditionnellement liée, chez nous, à la fécondité du sol et, par-delà, à celle de la<br />
femme) que l'amoureux rend à sa bien-aimée, après y avoir gravé une « étoile », pour<br />
qu'elle la porte ensuite, accrochée à sa ceinture. Sans multiplier les exemples - ils<br />
pourraient être ici fort nombreux - mentionnons encore cette coutume vaudoise,<br />
recueillie par P. Sébillot, relative au rite de « consultation » pratiquée jadis par les<br />
jeunes filles pour savoir qui sera leur futur mari :<br />
« Il faut, la veille de Noël, à minuit, descendre de son lit, en posant à terre, le<br />
pied gauche le premier, et si la lune brille, aller à un carrefour et dire :<br />
Lune, ô ma tant belle lune,<br />
Toi qui connais ma fortune<br />
Oh ! fais-moi voir en rêvant<br />
Qui j'aurai pour mon amant !<br />
1 « De la figurativité », Actes sémiotiques - Bulletin, VI, juin 1983, p. 50.<br />
2 J. Courtés, « Figures, code figuratif et symbolisation », Actes sémiotiques-Bulletin, VI, 26 juin 1983, p.<br />
44-47.<br />
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