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Le Conte

Tout sur les contes

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SÉMANTIQUE DU CONTE MERVEILLEUX<br />

/aquatique/, ce qui ne prendra pas en compte, évidemment, l'opposition<br />

dynamique/statique sous-jacente à « rivière » vs « étang ». En ces rapprochements,<br />

on peut faire un pas de plus et - compte tenu de ce que, dans le conte populaire<br />

merveilleux français, le /clair/ fait partie de l'espace /céleste/, tout comme l'/obscur/<br />

est une des caractéristiques du monde /aquatique/ - reconnaître que les quatre<br />

couples d'oppositions (blanc/noir, jour/nuit, lune/rivière, soleil/étang) sont<br />

finalement subsumables (dans cet ensemble de contes donnés, et pas nécessairement<br />

en d'autres corpus) par une seule catégorie figurative, désignée ici arbitrairement<br />

comme /haut/ vs /bas/.<br />

On est ainsi amené à reconnaître une assez grande distance entre le code<br />

figuratif, articulable en catégories figuratives homologables les unes aux autres (ce<br />

qui permet la cohérence du discours), et les figures qui en délimitent les<br />

entrecroisements. Ainsi, l'« étoile » se définira au moins par ses aspects /brillant/,<br />

/lumineux/ et /céleste/ ; de même, le « feu », un des quatre éléments de la nature,<br />

n'est pas - dans ce corpus - une figure simple : il y comporte au moins les deux traits<br />

de /lumineux/ et de /brûlant/. En poursuivant l'analyse, on constate ainsi que chaque<br />

figure est composée, le plus souvent, de plusieurs traits figuratifs, comme rassemblés<br />

en paquets : on comprend alors qu'elle soit exploitée différemment, le cas échéant,<br />

dans les univers socio-culturels qui y ont recours, ou même à l'intérieur de chacun<br />

d'eux. Inversement, un même ensemble de traits figuratifs sera éventuellement pris<br />

en charge, selon les cultures, par des unités figuratives manifestées différentes : il ne<br />

saurait, en effet, y avoir équivalence ni, a fortiori, identité, entre une combinaison<br />

donnée de traits figuratifs et la figure du monde qu'un univers culturel sélectionne<br />

pour la représenter : l'ensemble /céleste/ + /brillant/ + /lumineux/ peut correspondre,<br />

par exemple, à l'« étoile », mais ne saurait suffire à sa définition figurative<br />

exhaustive, applicable qu'il est sûrement, en même temps, à d'autres figures plus ou<br />

moins voisines. En ce sens, on distinguera donc soigneusement le code figuratif luimême<br />

des unités découpées dans le monde naturel et choisies par une culture pour le<br />

réaliser. Comme l'écrivait jadis A. J. Greimas,<br />

« le même code peut donc rendre compte de plusieurs univers mythologiques<br />

comparables, mais manifestés de manière différente ; il constitue ainsi, à<br />

condition d'être bien construit, un modèle général qui fonde le comparatisme<br />

mythologique lui-même » 1 .<br />

Si l'on accepte cette hypothèse sur l'existence d'un code figuratif sous-jacent,<br />

on doit évidemment admettre qu'il déborde au univers mythologique particulier, qu'il<br />

s'identifie, en fait, au « mythique ». Dans cette perspective, on considérera qu'une<br />

mythologie donnée - telle celle celtique, comme le pensent d'aucuns à propos de<br />

certains de nos contes merveilleux, ou celle gréco-latine qui semble généralement la<br />

plus proche, comme cela a été partiellement démontré 2 , de nos récits traditionnels -<br />

n'est finalement qu'une des manifestations possibles (sous forme d'unités figuratives<br />

complexes distinctes) d'un code figuratif de portée beaucoup plus générale, sinon<br />

universelle.<br />

1 Du sens, Paris, Seuil, 1970, p. 197.<br />

2 J. Courtés, <strong>Le</strong> conte populaire : poétique et mythologie, Paris, P.U.F., 1986, 254 p.<br />

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