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SÉMANTIQUE DU CONTE MERVEILLEUX<br />
conte donné, sont sous-tendues par une forme thématico-narrative ou thématicodiscursive,<br />
qui permet de les situer, les unes par rapport aux autres, sur l'axe<br />
syntagmatique.<br />
En examinant les contes merveilleux, on s'aperçoit, en fait, que les figures<br />
peuvent entretenir entre elles non pas un seul type de rapport, mais bien deux. <strong>Le</strong><br />
premier, le plus apparent aux yeux de l'analyste, est précisément celui de nature<br />
syntagmatique, dont on doit reconnaître qu'il correspond souvent à un schéma<br />
stéréotypé, de caractère socio-sémiotique. Soit, par exemple, dans ce corpus de<br />
contes, le cas du « filage » : nous avons là tout un ensemble de figures (« fil »,<br />
« fileuse », « filage », « fuseau », « quenouille », « rouet », etc.) qui, toutes, sont<br />
évidemment rattachables à une fonction syntaxique donné, et surtout qui, toutes,<br />
occupent - chacune pour sa part - la même position syntaxique, quelle que soit par<br />
ailleurs l'exploitation contextuelle qui est faite de la configuration du « filage » dans<br />
les récits qui y ont recours. De même la configuration de l'« habillement »<br />
comportera toujours un /sujet d'état/ (« habillé »), un /sujet de faire/ (« habilleur ») et<br />
un /objet/ (« habit »).<br />
A la différence de ces configurations (« filage », « habillement ») - où chaque<br />
figure se voit dévolue, une fois pour toutes, une position syntaxique donnée - d'autres<br />
ensembles de figures, au contraire, manifestent une autonomie, pour le moins<br />
relative, par rapport aux organisations syntaxiques : en ce dernier cas, chacune des<br />
figures constituantes jouera n'importe quel rôle syntaxique.<br />
Dans nos contes merveilleux, on relève, par exemple, la récurrence de deux<br />
ensembles de figures, respectivement « noix »/ « noisette »/ » amande » et « soleil »/<br />
« lune »/ « étoile ». Soit la version (= v.)29 1 de Cendrillon (conte-type 510 A) où il<br />
nous est dit que<br />
« Petit Cendron était demeurée près de l'âtre. Elle ouvrit sa noix. Elle fut<br />
aussitôt revêtue d'une robe couleur des étoiles, avec chaussures, coiffure et<br />
bijoux assortis, et elle fut transportée aussitôt à l'église (…)<br />
Ses deux sœurs parties, Petit Cendron ouvrit son amande. Elle apparut à la<br />
messe avec une toilette couleur de lune (_) Ce jour-là (_) Petit Cendron ouvrit<br />
sa noisette. Elle apparut avec un vêtement de soleil ».<br />
De ce passage, nous pouvons rapprocher un fragment de la v. 94 de La<br />
recherche de l'époux disparu (conte-type 425) :<br />
« Au bout de 15 ans, la femme ne voyait pas revenir son mari et elle s'en<br />
inquiétait. Elle alla trouver la lune pour lui demander où était son mari.<br />
- Il va se marier avec une autre, lui dit la lune. Mais voici une amande. Va et<br />
écrase-la sur le portail de l'église quand la noce passera.<br />
La femme prit la noix et alla trouver le soleil.<br />
- Voici une noisette. Va et écrase-la sur le portail de l'église quand la noce<br />
passera ».<br />
(De l'amande est sortie « une très belle robe » ; de la noix, « il en sortit une<br />
robe cent fois plus belle que la première » ; de la noisette « une robe mille fois<br />
plus belle qu'aucune robe dans le monde »).<br />
1 La numérotation des versions est ici celle qui a été adoptée par P. Delarue et M.-L. Tenèze dans <strong>Le</strong><br />
conte populaire français, tome II, Paris, Maisonneuve et Larose, 1964, qui donne le références précises<br />
des récits retenus.<br />
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