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Le Conte

Tout sur les contes

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LE CONTE<br />

plus profond dans le parcours génératif du discours, correspond à un investissement<br />

sémantique abstrait, de nature conceptuelle, n'ayant aucune attache avec l'univers du<br />

monde naturel : ainsi, par exemple, les thèmes de l'/amour/ et de la /bonté/, si<br />

fréquents dans nos contes merveilleux, ne sauraient être liés, de manière biunivoque,<br />

à tel ou tel comportement somatique (et donc, figuratif), comme en témoigne la<br />

grande variabilité des gestes que se choisissent les récits pour les exprimer ; ce que<br />

confirme encore, à sa façon, le discours parabolique qui présente un même sens<br />

conceptuel sous des formes figuratives différentes. Corrélativement, le figuratif, lui<br />

aussi, n'est pas rattachable de manière biunivoque au thématique : on sait, par<br />

exemple, que le fait de laisser - au cours d'un repas - quelques restes au fond de son<br />

assiette après s'être servi, sera considéré en France comme une marque<br />

d'/impolitesse/, et en Équateur, comme signe de /politesse/ ; de même, une « grève »<br />

donnée, présentée par tous les journaux du matin, y donnera lieu à des interprétations<br />

thématiques variables, voire contradictoires : tout comme, encore, l'entrée des<br />

Soviétiques en Afghanistan a pu être présentée tant comme /libération/ que comme<br />

/invasion/.<br />

Si l'on doit ainsi reconnaître l'autonomie des deux niveaux thématique et<br />

figuratif, il convient d'ajouter aussitôt que leurs rapports réciproques sont de<br />

caractère complémentaire, ou, plutôt, que si le thématique peut se dire en quelque<br />

sorte par lui seul, il n'en va point de même du figuratif. Dès qu'il apparaît dans un<br />

récit donné, le figuratif est comme nécessairement thématisé : il est clair, en effet,<br />

comme nous avons pu le montrer ailleurs 1 , que le figuratif n'est jamais tourné sur luimême<br />

(il n'aurait plus alors de sens), mais qu'il est toujours au service du thématique.<br />

C'est reconnaître ainsi la priorité du thématique sur le figuratif : dans l'organisation<br />

syntagmatique du discours, les figures du monde ne sont jamais que prétexte à<br />

l'affirmation renouvelée de systèmes de valeurs préalablement posés. En ce sens, on<br />

comprendra que A. G. Greimas ait cru devoir homologuer le rapport<br />

figuratif/thématique à celui de signifiant/signifié 2 , mais alors au risque d'oublier -<br />

comme il sera ici démontré - que si le sens est lié aux positions syntaxiques occupées<br />

par les figures, il est aussi fonction, simultanément, des relations paradigmatiques<br />

qu'elles entretiennent les unes par rapport aux autres.<br />

Il convient, en effet, de préciser ici que, à la différence du niveau<br />

sémantique le plus profond, le thématique (en tant qu'investissement sémantique<br />

conceptuel) se caractérise par sa forme syntagmatique, ajustable donc, pour ainsi<br />

dire, à une structure syntaxique donnée (sémio-narrative ou discursive) : pour<br />

reprendre nos exemples précédents, on devine que l'/amour/ et la /bonté/ sont<br />

évidemment sous- tendus, au niveau sémio-narratif, par une structure actantielle<br />

faisant intervenir sujets et objets. C'est dire qu'à ce point syntaxe et sémantique se<br />

conjoignent pour donner lieu à ce qu'on appellera alors, selon le plan retenu, le<br />

thématico-narratif ou le thématico-discursif. Et c'est, bien sûr, à ce double dispositif<br />

syntaxico-sémantique qu'il revient de prendre en charge les éléments figuratifs pour<br />

leur donner sens : on dira alors que les figures, mises en œuvre dans une version d'un<br />

1 J. Courtés, « Contre-note » à F. Rastier, « <strong>Le</strong> développement du concept d'isotopie », Actes Sémiotiques<br />

- Documents, GRSL (EHESS/CNRS), III, 29, 1981, p. 37-47.<br />

2 A.J. Greimas, « De la figurativité », Actes Sémiotiques - Bulletin, VI, 26, juin 1983, p. 50.<br />

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