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Le Conte

Tout sur les contes

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LE CONTE<br />

Enfin, pour mieux illustrer ce faire mythique, nous allons l'appréhender de<br />

biais à travers les thèmes de la quête du désir, de la violence, de la séparation et de la<br />

négation qui parcourent notre texte de référence mais aussi les autres textes du<br />

répertoire « <strong>Conte</strong>s Merveilleux Marocains » 1 .<br />

4. LA POLYPHONIE DU CONTE<br />

Quoique porté par une énonciation anonyme, le récit du conte est le lieu<br />

d'émergence d'une pluralité de voix qui se croisent et s'affrontent, s'interpénètrent et<br />

se disloquent en une multitude de discours. Il « enferme en lui un autre conte, une<br />

infinité de contes », écrit Khatibi (op. cit., p 229). Et ces contes sont autant<br />

d'actualisations de voix internes à la narration qui se conjuguent pour dessiner la<br />

trajectoire du faire mythique sous-jacent.<br />

En effet, qui parle dans le récit ? En premier lieu les acteurs du discours (le<br />

Sultan, les épouses, les enfants du Sultan, le pêcheur, le Vizir, l'homme conseiller,<br />

l'Oiseau), en second lieu les actants du discours, i.e. les différentes voix anonymes de<br />

l'Enonciation. Cette « partition » de voix se joue à plusieurs niveaux :<br />

- sémiologique avec la circulation des signes comme des objets valeurs entre<br />

les actants du récit (le don de la jeune fille par la tribu-mère cherchant l'alliance<br />

royale et répétant un geste millénaire dans la tradition islamique ; la substitution des<br />

enfants par des chiots pour marquer une situation de filiation bloquée ; l'abandon en<br />

mer des enfants, lequel renvoie au récit biblique archi-connu : la pêche miraculeuse,<br />

autre motif religieux ; les figuiers de la vie qui remontent loin dans l'imaginaire<br />

collectif et le transfert de pouvoir soulignant un éclatement des signes et une rupture<br />

de discours au plan de l'Énonciation ;<br />

- narratif avec les différents plans du faire énonciatif qui met en exergue<br />

quatre instances de l'Enonciation. La première instance (En 1 ) est prise en charge, de<br />

manière explicite, par la conteuse qui intervient dans la narration (« Vous savez,<br />

nous, les femmes, nous sommes patientes ») pour justifier l'exploit de la jeune fille.<br />

La seconde instance (En 2 ) est assumée par le groupe social, sans spécification<br />

particulière. C'est la voix de la morale finale : « Vizir ! dit le Sultan, tes ruses se sont<br />

retournées contre toi, mais elles sont profitables pour le pêcheur et les enfants ». La<br />

troisième instance (En 3 ) est celle de la société tribalo-féodale qui défend le<br />

patriarcat, le lignage, les coutumes et les institutions du groupe social. Quant à la<br />

quatrième instance (En 4 ), elle est lisible en filigrane du texte. Elle est celle de l'Antisociété<br />

tribalo-féodale qui juge les réalisations présentes et se projette dans le futur<br />

pour acquérir une seconde altérité. L'accession de la femme au statut de Héros<br />

triomphant et la rupture du pouvoir transmis au plus méritant (le pêcheur) et non pas<br />

aux héritiers naturels (les fils) sont les signes-phares de cette instance. « Ainsi se<br />

joue la rupture du réel par l'illimité du possible » note Khatibi (op. cit, p. 235) ;<br />

- discursif avec les principaux acteurs du récit et qui s'adjugent le pouvoir de<br />

la parole : le Sultan, auteur d'un discours absolu, de l'ordre du performatif où le dire<br />

s'accompagne du faire ; où l'excès de pouvoir est compensé par l'excès d'équité ; les<br />

1 E.M. CHADLI, Corpus de <strong>Conte</strong>s Merveilleux Marocains (Juillet-Août 1978, Boulemane, Maroc).<br />

Annexe (vol. II) de la Thèse de 3e cycle, Paris, E.H.E.S.S., 1980.<br />

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