Va vers le pays que je te montrerai

Fr. Laurent – G. Quatrefages, s.j.
mAtière
à
exercices
Va vers le pays
que je te montrerai
Vivre dans la prière l’itinéraire d’Abraham
Éditions Vie chrétienne

Va vers le pays
que je te montrerai

Matière à exercices
Un parcours spirituel, non seulement à lire,
mais aussi à vivre, seul ou en petits groupes.
MATIÈRE
À
EXERCICES
ISBN 978-2-918975-37-3
Code article 564
© Éditions Vie chrétienne, 2015
47 rue de la Roquette 75011 Paris, France
www.viechretienne.fr
ISBN 978-2-87356-657-9
Dépôt légal belge : D.2015, 4323-10
© Éditions jésuites, 2015
7 rue Blondeau 5000 Namur, Belgique
www.editionsjesuites.com
Publié pour la première fois en 1990 comme supplément à la revue Vie chrétienne n o 336 sous le titre Abraham, Sara et les
autres…
Photos de couverture et de l’intérieur : avec l’aimable autorisation de M. Dominique Hiesse.

Françoise Laurent
Gérard Quatrefages, s.j.
Va vers le pays
que je te montrerai
Vivre dans la prière
l’itinéraire d’Abraham
Vie chrétienne | Fidélité
47 rue de la Roquette 75011 Paris | 7 rue Blondeau 5000 Namur

SOMMAIRE
INTRODUCTION ..............................................................................6
Pourquoi et pour quoi cette proposition ? ............................................6
Circonstances et milieu de composition du récit..................................7
Pourquoi remonter au déluge ? ............................................................8
SUR LE PARCOURS D’ABRAHAM ..................................................11
1. Le clan d’Abram (Gn 11, 27-32) ..................................................13
2. Une parole tranche sur les lieux de l’impossible (Gn 12, 1-9) ..18
3. Abram et Sara, sur les lieux de la peur,
soumis à l’épreuve du manque (Gn 12, 10-20) ..........................24
4. Du fusionnel au séparé (Gn 13 et 14) ........................................30
5. Dieu fait alliance (Gn 15) ..........................................................38
6. Sara et Agar ou la peur du manque, version féminine (Gn 16) 44
Récapitulatif ..................................................................................51
7. Dieu tient parole. Confirmation de l’Alliance (Gn 17)................53
8. Annonce à Sara — Abraham partenaire (Gn 18) ......................59
9. Dévoration sans foi ni loi (Gn 19) ..............................................66
10. Abraham, Sara et Abimelek (Gn 20)........................................73
11. La naissance d’Isaac, la séparation d’Ismaël,
le pacte avec Abimelek (Gn 21) ................................................75
12. L’épreuve (Gn 22) ....................................................................83
13. Une toile de fond : l’épreuve de Jésus (Lc 4, 1-13) ..................93
14. Le sacrifice de l’Agneau (Lc 22, 39-46 ; Lc 23, 35-48)..............97
Envoi ............................................................................................102
15. Vers le pays que je te montrerai...
jusqu’à l’auberge d’Emmaüs (Lc 24, 13-35) ..........................105
4

16. Sur le rivage du quotidien (Jn 21, 1-14) ..................................110
17. Isaac, Rebecca : l’heureuse rencontre (Gn 24)......................115
RELECTURE ................................................................................121
Sur ce clan « rétréci », la parole a « tranché » ..........................121
5

INTRODUCTION
Pourquoi et pour quoi cette proposition ?
La pratique des retraites accompagnées et la nécessité dans ces démarches
d’une référence capable d’éclairer d’autorité l’expérience personnelle
qui s’y révèle nous amène à utiliser les récits de la Bible. A travers les
personnages qu’ils mettent en scène, ces récits racontent mon histoire et ce
que je suis en train de vivre. Car l’Ecriture parle de nous, les hommes. Nous
utilisons donc de nombreux récits de l’Ancien et du Nouveau Testament.
Parmi eux, celui de la geste d’Abraham a pris une importance particulière.
Il est le récit du commencement heureux de la rencontre de Dieu et de
l’homme. La rencontre y survient de façon durable, dans le cadre d’une proposition
d’Alliance enfin tenue. Elle réussit à ouvrir un avenir prometteur
et sans exclusive, élargi pour toute la terre à toute l’humanité, autant dire
un avenir capable de transformer toute l’histoire et toute histoire.
C’est ce récit que nous proposons ici comme guide d’une démarche
de prière et de discernement. Pour qui veut bien en faire le parcours, il
pose un fondement solide pour une histoire humaine et spirituelle personnelle.
Entendre un appel à « sortir » pour exister pleinement, guider
les orientations d’une recherche et en marquer les étapes, déployer les
exigences d’une croissance, permettre l’acquisition des aptitudes correspondantes
et, au terme, mettre en mesure de transmettre à d’autres, indéfiniment,
cette ouverture vers l’avenir, voilà autant d’objectifs qui
caractérisent cette histoire d’un commencement dont nous avons à nous
inspirer pour nos propres (re)mises en route.
Nous prenons ce récit tel qu’il se présente, avec l’ensemble des épisodes
qui le constituent, au lieu de ne retenir comme on le fait généralement que
le début et la fin du parcours. S’agissant du premier succès définitif de la
vigoureuse pédagogie divine avec l’homme, il importe d’en respecter
toutes les étapes. Chacun des chapitres intermédiaires représente autant
d’obstacles à franchir ; l’ordre progressif, les effets cumulatifs ou dissuasifs,
6

Introduction
les exigences de passage à l’acte conditionnent la « mise en jambe » spirituelle.
Ce sont là des étapes nécessaires pour accéder au saut ultime d’une
foi qui se livre à Dieu sans limite. Il y faut alors la certitude que, quoi qu’il
en soit de la demande divine et sur la base de l’expérience antérieure de
vie avec lui, il ne peut s’agir que d’une demande d’amour. Elle ne comporte
aucun danger et ne peut susciter aucune crainte, même si elle ne peut savoir
comment cela sera possible. Un tel terme, aussi ambitieux que fou,
s’avère incompréhensible et insoutenable, faute des médiations préalables
sans lesquelles il n’y a aucun accès à l’intelligence de la foi.
Circonstances et milieu de composition du récit
tel que nous le lisons aujourd’hui
Le texte de Gn 12 à 25 où la vie divine trouve en Isaac reçu et offert un
avenir pour tous n’est pas un récit immédiat. Il ne peut sans précaution
être lu au premier degré ! Plusieurs niveaux rédactionnels, sans doute, s’y
combinent. La disposition qui en résulte est tardive et non sans intentionnalité.
Composé très tard, au temps de la royauté ou même aux jours
post-exiliques, chacune des versions qui reprend l’histoire du patriarche
l’argumente au bénéfice de l’un des pouvoirs concurrents au moment de
sa rédaction. Le fait qu’il ait servi d’argumentaire pour fonder l’autorité
et sa légitimité face à l’avenir, loin de nuire à la compréhension de ce récit
et du personnage qui l’anime, en fait, au contraire, une figure de proue,
un récit et un homme des commencements.
Il a été sans cesse repris comme le modèle attestant en Israël l’existence
d’un chemin divin irrévocable. Il convient d’être situé dans cette similitude
pour en devenir à la fois le bénéficiaire et le continuateur. Concernant
Abraham, ancêtre prophétique de David et figure du Messie, toutes
ces utilisations et les interprétations auxquelles il a donné lieu travaillent
le texte et ne peuvent être ignorées. Elles ne semblent pas empêcher pour
autant, malgré les dysharmonies, répétitions et autres accumulations (telle
la litanie de tous les sanctuaires concurrents des Royaumes du Nord
et du Sud), de prendre le texte dans son état et d’en faire, à travers une
lecture continue, le point de départ d’un itinéraire spirituel cohérent sans
tomber nécessairement dans une utilisation fondamentaliste.
7

Va vers le pays que je te montrerai
Pourquoi remonter au déluge ?
Du point de vue de la foi, l’histoire d’Abraham est unique. Son récit
en constitue le prototype. Une dizaine de chapitres, dans la Genèse (12 à
22) nous en décrivent le point de départ, les étapes — au gré de la pédagogie
divine et des réponses humaines correspondantes —, enfin l’accomplissement
ou la plénitude avec le dit « sacrifice d’Isaac ». D’où
l’utilisation fréquente de ces textes dans la pédagogie spirituelle.
Cependant, l’usage qui en est fait invalide leur utilisation. Généralement,
seuls sont retenus le point de départ de l’histoire (Gn 12, vocation
d’Abraham) et le point d’arrivée (Gn 22, sacrifice d’Abraham). Tels quels
ces seuls textes demeurent insignifiants et irrecevables. D’entrée de jeu,
que vient faire cette injonction ? D’où sort-elle ? Quelle en est la raison
d’être ? Pourquoi faut-il qu’une promesse lui soit associée : carotte ou bâton
? Au terme comment justifier le sacrifice exigé ? Sans connaissance et
prise en compte explicite de tout ce qui a précédé, de l’entrée en Canaan
jusqu’au moment de l’épreuve décisive après le séjour au pays des Philistins,
comment le comprendre sinon comme un horrible infanticide satisfaisant
aux exigences de je ne sais quel Moloch ? Le récit ainsi mutilé parle
de tout autre chose que de la foi ou alors nous sommes bien crédules !
Mais l’étude des récits de l’Ecriture, comme celle des contes merveilleux,
nous a montré que leur composition obéit à certaines règles. Les
travaux d’Edouard Pousset, nous renvoyant aux études de W. Propp, font
commencer tout récit, qu’il soit biblique ou profane, par un méfait venant
subvertir une situation originelle de bonheur (bienfait). Tout le dynamisme
et l’intérêt de l’histoire résulteront de la prise en compte de ce
méfait en vue de le convertir. L’exploit consistera à réussir cette conversion.
Le héros sera l’homme capable d’en réaliser l’exploit. Si tant est
qu’Abraham soit le héros d’un tel récit, quel pourrait être le méfait de départ
et en quoi pourrait consister son exploit ?
Un examen de ce qui précède (c’est-à-dire les chapitres 1 à 11) devrait
nous renseigner. Ces chapitres nous font survoler la création de l’humanité
et les premières étapes de son histoire. C’est d’abord l’histoire d’un
couple originel ayant eu quelque peine à s’accorder avec le don de Dieu
et à réaliser sa vocation dans la ligne de l’appel créateur pour lui et pour
sa descendance. Il faudra attendre la génération des petits-fils avec Enosh
(fils de celui qui avait pris la place d’Abel tué par son frère Caïn) pour
que la descendance invoque le nom de Yahvé (Gn 4, 26). C’est ensuite
8

Introduction
l’histoire de patriarches dans la lignée de Seth et d’Enosh, faisant fi de
l’autre lignée, celle de Caïn et d’Hénok, les constructeurs de ville. La lignée
retenue aboutit à Noé. L’état de l’humanité d’alors est décrit en
termes de héros du temps jadis, hommes fameux issus des Fils de Dieu
et des filles des hommes. Quoi qu’il en soit de la signification de cette alliance,
l’humanité résultante est corrompue. Elle va amener la colère de
Dieu, le déluge et la disparition de tous les contemporains.
Un seul sera rescapé : Noé, juste et intègre, marchant devant Dieu et devant
les siens avec lui ; ses fils (Sem, Cham et Japhet), sa femme et les femmes
de ses fils ; Noé, un de ces hommes dont les dispositions du cœur devant
Yahvé sont capables d’entraîner le salut personnel sinon collectif : « Un de
ces hommes qui sauveraient leur vie grâce à leur justice » (Ez 14, 14-20). Avec
lui, c’est un nouvel ordre du monde qui s’instaure : une vie préservée sort de
l’arche. Elle est redonnée après le déluge sous forme de bénédiction, à condition
de ne plus répandre à nouveau le sang. Retour à une nouvelle origine,
d’avant Caïn, cette réconciliation se marque dans le ciel par le signe de l’arc
dans la nuée ; alliance entre Dieu et toute chair sur terre.
Or, le second essai ne fut pas plus concluant que le premier. Qu’il s’agisse
des fils de la première génération de Noé, le plus jeune des trois, Canaan,
est maudit. Qu’il s’agisse des clans des divers descendants de Noé, une nouvelle
entreprise commune de démesure (« Bâtir une tour dont le sommet
pénètre les cieux », Gn 11, 4), réplique de la démesure du couple parental
originel, va amener pour eux aussi confusion et dispersion sur toute la face
de la terre. Pour finir, une généalogie des patriarches d’après le déluge reprend
la suite de la généalogie des patriarches d’avant le déluge.
Nous voici donc à nouveau dans la suite ancestrale qui monte d’Adam
vers Noé et, de là, va nous conduire vers de nouvelles figures, Sem et Terah,
avant d’aboutir à Abraham. La marque caractéristique qui accompagne
jusqu’ici toutes ces générations est une perversion de la vie et de
l’humanité qui la porte. Bannie du jardin d’Eden et interdite du chemin
de l’arbre de vie (Gn 4, 24), puis effacée de la surface du sol par le déluge
(Gn 7, 23), enfin incapable de communiquer et dispersée de Babel sur
toute la surface de la terre (Gn 11, 9), l’humanité résultante voit son espérance
de vie s’inverser. La généalogie qui d’Adam « montait » vers Noé
et Sem va désormais « descendre » de Sem vers Terah et Abram. La symbolique
des âges en témoigne. A la stabilité des âges des patriarches
d’avant le déluge qui naviguaient, multicentenaires, de 777 ans minimum
(Lameck) à 969 ans maximum (Mathusalem), succède la décroissance
9

Va vers le pays que je te montrerai
des âges des patriarches d’après le déluge. Les 500 ans de Salem déclinent
régulièrement jusqu’aux 119 ans de Nahor pour remonter en un dernier
spasme aux 205 ans de Terah. Faut-il voir dans cette ultime poussée avec
Terah quelque chose d’analogue à l’ultime sursaut vital avant l’extinction
totale qui fit « sortir » l’ancêtre d’Abram d’Our en Chaldée pour aller au
pays de Canaan ? Quoi qu’il en soit, Terah manqua de forces ou de temps
puisqu’arrivé à Harân, le clan s’y établit et Terah mourut.
Quant à la descendance de Terah, la situation n’est pas plus brillante.
Elle porte la marque accompagnatrice de la vie des générations précédentes
sous la forme aggravée du rétrécissement des alliances matrimoniales
aboutissant finalement à la stérilité. Des trois fils de Terah, en effet :
- le troisième, Harân, mourut prématurément en présence de son
père, au pays natal, laissant trois orphelins : un garçon Lot et deux
filles Milka et Yisha,
- le second, Nahor, réplique du grand-père (n’ayant atteint qu’un
minimum de 119 ans), n’a pas d’autre imagination que de prendre
sa nièce Milka pour femme,
- le premier, Abram, se marie avec sa demi-sœur Saraï comme nous
l’apprendra Gn 20, 12.
Quoi d’étonnant alors que la stérilité soit au rendez-vous de ces mariages
paresseux et endogamiques 1 (Gn 11, 30 : « Saraï était stérile, elle
n’avait pas d’enfant ») ? Quoi d’étonnant aussi qu’au départ d’Harân pour
Canaan, Lot, orphelin, suive son oncle Abram, lui tenant lieu de pseudo-fils
? Quoi d’étonnant, enfin, que, réfugié plus tard dans la montagne
de Çoar après la destruction de Sodome, les deux filles de Lot n’aient
d’autre moyen que l’ivresse de leur père et l’inceste pour lui susciter une
descendance ?
Tels sont les préalables de l’histoire d’Abraham. Au terme du chapitre
11, c’est donc un homme amoindri, au statut dérisoire, acculé à une dernière
tentative de sortie pour arriver au pays de Canaan qui recueille l’héritage
du clan sémite avant que l’établissement à Harân ne tourne à
l’extinction. Ces antécédents nous permettent-ils de répondre à la question
préalable que nous nous posions quant au récit et à son héros ? Y a-
t-il un méfait initial et quels indices nous fournit-il quant à l’exploit que
va réaliser son héros ?
1. Règle sociologique qui désigne les partenaires avec lesquels, dans un groupe ethnique, le mariage
est prescrit. Il y a endogamie si le mariage a lieu entre membres du même groupe, clan, tribu.
10

SUR LE PARCOURS D’ABRAHAM
Peut-être ce parcours raconte-t-il mon histoire et ce que je suis en train
de devenir ! Il m’invite donc à faire le voyage, à me laisser déplacer au
rythme des divers épisodes de la traversée. Consentir à cette mise en route,
c’est d’abord accueillir tout ce qui, du texte, résonne au cœur de notre
propre réalité et nous affecte. Il s’agit de nous laisser toucher par une parole
venue d’ailleurs et d’accueillir ce qui survient avec elle. Alors nos
yeux s’ouvriront sur l’avenir promis : « Le pays que je te montrerai !»
11

Les suggestions présentées pour prier avec ce parcours ne sont
qu’instruments pour rentrer dans l’histoire. Si elles peuvent aider en
quelque sorte à établir le contact avec le texte biblique, elles ne sont
pas à majorer, ni à utiliser de manière rigide ou systématique.
Voici de quelle façon ces suggestions s’organisent :
1. UN PRÉALABLE : il consiste à visiter les lieux.
Il est destiné à faire percevoir la situation globale. Il s’agit d’une présentation
de l’épisode, prise de contact avec ce qui se passe, pour en
percevoir l’enjeu et mettre en évidence la continuité du récit.
2. DES SUGGESTIONS pour la prière proprement dite, repères pour
vivre le temps de l’oraison et « ruminer » la Parole en nous appliquant
à l’entendre et nous laisser affecter par le texte offert à notre contemplation.
Pour cela, suite à la visite de l’épisode,
- rappel sera fait chaque fois de LA GRÂCE A DEMANDER :
« Demander ce que je désire »,
- un découpage du texte en plusieurs « POINTS » sera donné, signalant
dans chacun de ces points quelques éléments susceptibles d’attirer
l’attention, pour fixer le regard et solliciter l’écoute, quitte à ce
qu’ensuite, ce soit tout autre chose que le texte donne à entendre
au cours de la prière. De toute façon, la Parole est souveraine et
s’adresse de manière très personnelle à chacun. Seul ce qui touche
personnellement vient nous instruire.
Ces suggestions sont donc à accueillir avec « un cœur large », mais
sans servitude ; les retenir si elles s’avèrent une aide, s’en départir si
elles deviennent un obstacle ou une gêne.
Au fur et à mesure que se déroule le voyage, vous vous laisserez traverser
par la Parole, entendrez ce qui vous parle d’un « Autre », de
vous, de la « tribu » à laquelle vous appartenez et du devenir auquel cet
Autre vous appelle…

1. Le clan d’Abram (Gn 11, 27-32)
Une généalogie ou l’histoire en miniature
Au moment de nous mettre en route, jetons un coup d’œil sur la situation
de départ. Qui est celui que, dix-huit siècles avant Jésus Christ,
la Parole ébranle ? Où en est-il de son histoire ?
Abram réside en Chaldée. Il est le fils de Terah, frère de Nahor et de
Harân. Ce dernier frère, décédé prématurément — avant son propre père
— laisse un fils Lot, désormais attaché au clan d’Abram. Le patriarche est
maître d’un clan qui périclite. Certains noms sont auréolés de grandeur,
mais la réalité que ces noms prétendent désigner n’est pas au rendezvous.
Jugez plutôt !
Abram signifie « Père haut, élevé ». Sa femme Saraï signifie « ma princesse
». Or, ce père élevé n’a pas de descendance ; sur qui règne-t-il ? Saraï
est demeurée stérile. Qui plus est, demi-sœur et femme d’Abram, son
nom prestigieux de princesse est précédé d’un possessif qui désigne une
appropriation aussi forte qu’ambivalente. Ma femme, ma sœur et ni « tu »
ni « vous » en somme, ou les deux à la fois.
Avec le vieillissement qui est aussi au rendez-vous, les chances d’avenir
s’amenuisent singulièrement. Le clan promis à la grandeur, du fait des
unions consanguines ou des involutions sur lui-même, se vide de sa substance.
La vie reflue vers l’origine et particulièrement celui qui est censé
l’être : Abram. Il y a là comme une inversion mortelle qui fait de ce lieu,
de cette situation, un rendez-vous entre la mort et la vie.
13

Va vers le pays que je te montrerai
Un regard sur l’arbre généalogique qui miniaturise cette histoire nous
en convaincra :
NAHOR
TERAH
décédé
SARAÏ ABRAM
femme-sœur
AGAR
servante-épouse
stérilité
vieillesse
LOT
fils-neveu
aînée cadette
INCESTE
HARAN
Yska
Milka
femme-nièce
NAHOR
nom de l’aïeul
Au travers des relations de descente et de différenciation (trait bleu),
puis de retour vers l’origine et de fusion (trait rouge), on discerne un processus
de désagrégation où la vie se défait et désavoue les intentions :
- le petit-fils reprend le nom du grand-père et sa nièce pour femme,
- Abram reprend sa demi-sœur pour femme et son neveu orphelin
pour fils,
- plus tard, Lot vieillissant et réfugié dans la montagne n’aura d’autre
recours que l’inceste avec ses filles pour engendrer Ammon et Moab…
Tout ici est englobant. Non pas explosion vitale, mais implosion mortelle.
C’est l’enfermement dans l’autosuffisance. L’inversion semble bien
installée et générale. Ce couple sans enfants dont les entrailles demeurent
stériles, va-t-il marquer un point final pour l’avenir ?
14

En lecture partielle…

Éditions Vie chrétienne
OUVRAGES DANS LA MÊME COLLECTION
AUX ÉDITIONS VIE CHRÉTIENNE
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VIE SPIRITUELLE ET DISCERNEMENT
204 Mener sa vie selon l’Esprit J. Gouvernaire, s.j.
309 Discerner ensemble J-Cl. Dhôtel, s.j.
270 Puis-je haïr Dieu ? P. Wolff, s.j.
325 Alpha et Oméga Y. Raguin, s.j.
339 Mener sa vie selon l’Esprit. Tome 2 J. Gouvernaire, s.j.
347 La spiritualité ignatienne J-Cl. Dhôtel, s.j.
354 Relire sa vie pour y lire Dieu Vie chrétienne
358 Le Principe et la fin E. Pousset, s.j., M. Rosaz
365 Expérience de Dieu et chemins de prière L. Scherer, s.j.
366 Vers le bonheur durable A. Demoustier, s.j.
425 La onzième heure ou se décider pour le ChristC al Carlo Maria Martini
445 Appelés ? I. Parmentier
464 La décision de vivre M. Cl. Berthelin
470 Passeur de l’autre rive J. Laplace, s.j.
480 Discerner, que se passe t il en nous ? M. Lorrain
485 Le juste grandira comme un palmier G. Berliet
511 Le combat spirituel L. Scherer, s.j.
523 Libre pour se décider J. Fédry, s.j.
530 La Consolation N. Rousselot
543 Naviguer avec saint Ignace N. Becquart
555 Être accompagné L. Scherer, s.j.
556 Dieu au quotidien J-Cl. Dhôtel, s.j.
557 La grâce d’agir Edouard O’Neill, s.j.
560 Repères pour la vie spirituelle L. Scherer, s.j.
562 Lâcher prise ? R. Scholtus
563 Ordonner son temps* Denis Delobre, s.j.
ÉCOUTER LA PAROLE
212 Actes des Apôtres E. Haulotte, s.j.
226 Le Christ et son mystère Y. Raguin, s.j.
245 Il leur dit : « Ceci est mon Corps » E. Pousset, s.j.
327 Qu’est-ce que la Tradition ? P. Grelot, s.j.
336 Abraham, Sarah et les autres F. Laurent
et G. Quatrefages
369 Et moi, je suis avec vous C al Carlo Maria Martini
(avec Ignace, méditer Matthieu)
391 Magnificat P. Veyron, s.j.
513 Ricochets de la Parole C. Robet
520 Récit de l’origine B. Régent, s.j.
552 L’offrande de Dieu M. Pochon, s.j.
558 Les promesses de l’Éden Martin Pochon, s.j.
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Éditions Vie chrétienne
MISSION DANS LE MONDE ET L’ÉGLISE
200 Promouvoir la justice Pedro Arrupe, s.j.
222 Des hommes disponibles Vie chrétienne
314 Laïcs et prêtres : perspectives d’avenir J-P Deloupy, s.j.
331 Quand incroyance et indifférence parlent à la foi J-M. Glé, s.j.
342 La Justice et la Foi, la loi et l’Évangile J. Guillet, s.j.
406 Un message de salut pour tous Y. Raguin, s.j.
409 Serviteurs de la mission du Christ Vie chrétienne
436 Accompagner un groupe de jeunes H. Herbreteau
457 Foisonnement religieux Vie chrétienne
458 La traversée de l’impossible X. Lacroix
478 Dieu partagé. Le chemin de François Xavier B. Vermander, s.j.
501 Christianisme et nature F. Euvé, s.j.
559 Résister et oser l’espérance M. Rondet, s.j.
et Y. de Gentil Baichis
ÉCOLE DE PRIÈRE
189 Invitation à la prière Cl. Flipo, s.j.
380 Jalons pour prier Bethy Oudot
431 Les Psaumes.
«Poèmes de Dieu, prières des hommes» D. Rimaud, s.j.
454 Jour après jour. Psaumes D. Rimaud, s.j.
553 Prier dans l’instant M. Cl. Berthelin
564 Va vers le pays que je te montrerai* Fr. Laurent
et G. Quatrefages, s.j.
RÉCITS ET TÉMOIGNAGES
155 Qui es tu Ignace de Loyola ? J-C. Dhôtel, s.j.
348 Ignace de Loyola (BD) E. Vandermeersch
350 Ignace de Loyola par lui-même Illustré par Ch. Hénin
495 Naître sous X… et inventer sa vie M.F. Bergerault
502 Le corps mal entendu M-H Boucand
531 Quand l’œil écoute E. de Rosny, s.j.
540 Au fil des jours blessés P.M. Hoog, s.j.
554 Les Couleurs de Dieu Arcabas et M. Rondet, s.j.
561 Lumière au cœur de la nuit Alfred Delp, s.j.
N.B. — Les titres marqués d’un astérisque contiennent « Matière à exercices ».
125

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Nouvelle revueVie chrétienne
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Ecole de prière
Fr. Laurent – G. Quatrefages, s.j.
Va vers le pays que je te montrerai
Vivre dans la prière l’itinéraire d’Abraham
C’est aussi mon histoire que racontent les récits de la Bible. A travers
les personnages qu’ils mettent en scène, je peux reconnaître aussi ce
que je suis en train de vivre. Le livre de la Genèse, aux chapitres 12 à
25, décrit, à travers la geste d’Abraham, le commencement de la rencontre
de Dieu et de l’homme, dans le cadre d’une proposition d’Alliance,
élargie à toute l’humanité.
Françoise Laurent et Gérard Quatrefages proposent ce récit comme
un guide concret d’une démarche de prière et de discernement propre
à poser un fondement solide pour une histoire spirituelle personnelle.
Après une analyse fine de chaque chapitre, ils suggèrent des pistes
pour l’oraison, visant à entendre un appel à « quitter, pour aller vers… » en vue d’exister
pleinement, de libérer et laisser se déployer les énergies d’une croissance et, au terme,
devenir capable de transmettre à d’autres cette ouverture vers l’avenir. Le parcours, prolongé
en Christ, préfiguré par Abraham, s’appuie sur les attitudes fondamentales des
Exercices spirituels de saint Ignace.
Cet itinéraire de prière pourra inspirer pour des (re)mises en route et aider les accompagnateurs
spirituels.
Françoise Laurent, membre de l’Institut des Sœurs de saint Joseph de spiritualité ignatienne, a développé
à travers une grande variété de services (pastorale catéchétique, services en milieu hospitalier ;
formation à l’écoute et à la spiritualité de saint Ignace, accom pa gne ment personnel…) un intérêt croissant
pour l’étude et la mise à l’écoute de textes de l’Ecriture en vue d’une croissance spirituelle personnelle.
Elle propose ainsi, seule ou avec d’autres, des parcours de retraite qui suivent un personnage ou
des récits bibliques et incitent le retraitant au discernement selon la pédagogie ignatienne.
Gérard Quatrefages, s.j. (1927–2005) a consacré une grande partie de sa vie à deux activités complémentaires
: comme psychosociologue, il intervient dans des structures de tout genre qui souhaitent
revoir leur mode de fonctionnement ; parallèlement, il forme nombre de religieux aux Exercices spirituels.
Il trouve la source de son travail et de sa prière dans la Bible. Sa connaissance de l’âme humaine
et sa fréquentation sans trêve de la Parole l’ont conduit à travailler à quatre mains avec Françoise Laurent
pour partager aux lecteurs des Editions Vie chrétienne les méditations spirituelles inspirées par
de grands personnages bibliques comme Abraham ou Job.
viechretienne.fr
ISBN 978-2-918975-37-3
fidelite.be
ISBN 978-2-87356-657-9
12,50 €
© Éditions Vie chrétienne, 2015
47 rue de la Roquette 75011 Paris, France
Code article 564
9 782918 975373
9 782873 566579
Publié pour la première fois en 1990 comme
supplément à la revue Vie chrétienne n o 336
sous le titre Abraham, Sara et les autres…
Illustration de couverture :
© Dominique Hiesse