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Traiter les traumatismes psychiques

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66 CLINIQUE<br />

Un réfugié africain de trente ans, demandeur d’asile, n’envisage même pas<br />

qu’il puisse travailler et vit de mendicité. Plusieurs fois par jour, il entend des<br />

« bruits dans sa tête » puis des voix qui crient et appellent au secours, puis<br />

à nouveau des bruits violents. Pendant tout le temps que durent ces pseudohallucinations,<br />

sa relation au monde environnant change, il a l’impression<br />

de voir un film ; ainsi, si quelqu’un est en train de lui parler, il voit « une tête<br />

avec <strong>les</strong> lèvres qui remuent ». Il y a deux ans, dans son pays, il s’est porté<br />

au secours de trois jeunes fil<strong>les</strong> que des soldats s’apprêtaient à violer, il a<br />

été roué de coups, a eu des dents cassées et une baïonnette lui a fait une<br />

large entaille sur le cuir chevelu et la joue : « J’étais entre la vie et la mort. »<br />

Il ne fait pas la relation entre ces bruits et ces voix qu’il entend et le vacarme<br />

de l’irruption des soldats et des appels de détresse des trois fil<strong>les</strong>. Il pense<br />

qu’il s’agit des conséquences pour lui de son traumatisme crânien.<br />

Parfois, ces reviviscences prennent une forme carrément hallucinatoire.<br />

Le réel efface alors la réalité. Il arrive aussi que ces reviviscences<br />

se prolongent des heures, voire des jours : le sujet revit en permanence<br />

la scène traumatique.<br />

Un ingénieur français était parti à Brazzaville avec un de ses collègues<br />

pour vendre à un ministre du pays un projet industriel, au moment des<br />

troub<strong>les</strong> sanglants qui agitaient le Congo. En sortant dans la rue, ils sont<br />

agressés par un groupe d’ado<strong>les</strong>cents armés, vociférants, très excités qui<br />

se saisissent de son collaborateur et lui coupent la tête d’un coup de<br />

machette. Au moment où ils s’approchent de lui pour lui faire subir le même<br />

sort, des enfants sortent de l’école sur le trottoir d’en face ; <strong>les</strong> agresseurs<br />

se retournent brusquement, tirent des rafa<strong>les</strong> de mitraillettes sur <strong>les</strong> gamins<br />

et font un horrible carnage. Alerté par le bruit un char français arrive et<br />

met tout le monde en fuite. L’ingénieur est amené à l’aéroport pour rejoindre<br />

d’autres rapatriés. Il séjournera cinq jours dans un camp militaire à Libreville<br />

puis regagnera la France avec ses compagnons d’infortune. À l’accueil de<br />

ces passagers, nous voyons arriver cet homme : il a l’air d’un zombie, tout le<br />

corps raide, <strong>les</strong> yeux dans le vague, marchant comme un automate. Nous<br />

venons le chercher avec un infirmier et l’installons dans un fauteuil de la<br />

salle d’embarquement. Complètement halluciné, il fixe quelque chose en<br />

face de lui, le corps secoué parfois de violents sursauts. Chacun d’un côté,<br />

nous lui prenons le bras et l’épaule en insistant pour qu’il nous dise ce qui se<br />

passe : la scène ne cesse pas de se dérouler devant lui, il entend le bruit de<br />

la machette et <strong>les</strong> rafa<strong>les</strong> de mitraillette. Il était certainement ainsi à Libreville<br />

à l’insu de tous et il nous faudra presque six heures pour lui imposer d’abord<br />

notre présence, puis commencer à le tirer de son cauchemar, enfin pour<br />

l’amener apaisé dans un lit de l’infirmerie de l’aéroport.

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