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Traiter les traumatismes psychiques

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36 CLINIQUE<br />

Observation 7<br />

Cet homme a 21 ans. Il conduit sa voiture lorsqu’au sortir d’un tournant<br />

un véhicule roulant en sens inverse à vive allure « se met en toupie »<br />

et s’écrase sur son pare-brise : « C’était comme au cinéma, je l’ai vu<br />

arriver ; mais je n’y pouvais rien, j’étais impuissant devant ça et je ne savais<br />

pas comment ça allait se terminer. » Il n’a eu alors ni certitude de mort<br />

imminente, ni absence de pensée. Il se retrouve sur le plancher de la voiture<br />

et s’en extrait. Il est gardé deux jours à l’hôpital en observation : « Je ne<br />

m’attarde pas sur ce genre de choses, je <strong>les</strong> mets dans un coin et je n’y<br />

pense plus. Cela m’a plutôt fortifié, ce sont des expériences. »<br />

Nous le voyons dix ans plus tard après un autre événement. Entré dans la<br />

police, il est cette nuit-là en protection d’un commissariat dans une banlieue<br />

en ébullition après une supposée « bavure ». L’endroit est désert. Tout d’un<br />

coup, il entend une « déflagration ». Il pense que c’est un « gros pétard ».<br />

Puis son collègue lui dit qu’il ressent une douleur au pied (il a une b<strong>les</strong>sure<br />

par balle) et il voit à quelques mètres une ombre qui s’enfuit dans la nuit. Il<br />

court se mettre à l’abri puis fait demi-tour et revient chercher son collègue<br />

b<strong>les</strong>sé. Toute cette séquence montre que ce policier, qui n’a ressenti jusquelà<br />

aucune émotion, a de la difficulté à prendre en compte la réalité dans un<br />

contexte de menace mortelle.<br />

Le surlendemain, il retourne sur <strong>les</strong> lieux pour l’enquête. Au moment où il se<br />

place à l’endroit où il était lors du coup de feu, il ressent un grand malaise :<br />

« J’avais <strong>les</strong> larmes aux yeux, je ne contrôlais plus rien. » Il cherche en vain<br />

à cacher son angoisse. Il est mis en congé maladie, ce qui ne l’apaise qu’en<br />

partie. À la consultation (quelques mois plus tard), il a beaucoup de mal à<br />

faire le récit de ce deuxième événement. Il bégaie, cherche sa respiration.<br />

Le récit de l’accident de voiture, en revanche, ne lui cause aucun trouble.<br />

Même lorsque, plus tard, il nous paraîtra nécessaire d’y revenir : En serrant<br />

de plus près l’enchaînement des faits, il est tout étonné d’avoir à admettre<br />

qu’entre le moment où le véhicule adverse retombe sur son pare-brise et le<br />

moment où il s’extrait de la voiture, il a perdu connaissance. En particulier ;<br />

il ne se souvient ni du choc, ni de l’éclatement de la vitre et du froissement<br />

des tô<strong>les</strong>, ni de l’attente des secours.<br />

Il est difficile de mesurer l’impact qu’a eu sur ce patient cet événement<br />

très probablement traumatique qu’il continue de minimiser. Pourtant, sa<br />

trajectoire vitale s’infléchit alors rapidement : il abandonne la maîtrise de<br />

biologie qu’il était en train de faire, rentre par la base dans la police, épouse<br />

une femme en détresse profonde et se montre, en tant que père, un piètre<br />

éducateur. Depuis la « reconstruction » de l’agression, outre son angoisse,<br />

il fait état de troub<strong>les</strong> du caractère (émotivité, irritabilité) : « Je ne suis<br />

plus comme avant. » En particulier, il manque de ce « dynamisme » qui<br />

l’a toujours caractérisé et il a un sommeil agité. Contrairement à ce qui est<br />

habituel dans <strong>les</strong> névroses traumatiques, il ne fait pas état d’un syndrome<br />

de répétition : ni cauchemars, ni reviviscences diurnes de l’un ou l’autre<br />

événement.

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