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Traiter les traumatismes psychiques

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QUATRE OBSERVATIONS DE PRISES EN CHARGE 213<br />

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit<br />

liés dans son discours à la question de ses origines et à son désir<br />

incestueux : on ne devrait pas laisser à des irresponsab<strong>les</strong> (comme ses<br />

parents) le « droit » de faire des enfants, rabâche-t-il souvent.<br />

La fascination pour <strong>les</strong> scènes de violence de son enfance est perçue<br />

seulement au moment où il s’agit de s’en déprendre. Jusqu’alors<br />

el<strong>les</strong> n’étaient vécues que comme une douloureuse expérience qui lui<br />

donnait le sentiment d’être un individu à part, différent des autres, qui<br />

avait reçu une initiation refusée au commun des mortels. Il l’exprimait<br />

clairement : il ne voulait pas être « comme <strong>les</strong> autres » pour <strong>les</strong>quels<br />

il témoignait d’un insondable mépris. Mais en contrepartie, il était<br />

alors plus qu’identifié à l’agresseur paternel, il était l’horreur même,<br />

le déchet.<br />

La honte et l’abandon sont aussi très présents chez Pierre. Honte<br />

d’avoir été dans l’effroi de l’événement et de sa répétition, déserté par<br />

le signifiant : que dire du néant qui le hante sinon le mettre en acte dans<br />

des tentatives de suicide souvent sanglantes ? Et abandon par le langage,<br />

renouvelé dans la réalité, et ressenti d’abord passivement : sa mère l’a<br />

abandonné, la DASS l’a livré aux exactions d’une famille déboussolée ;<br />

chaque rencontre aboutit à un rejet. Puis abordé sous l’angle actif de<br />

la répétition : se faire abandonner, jeu auquel il a épuisé une équipe de<br />

psychiatrie pourtant solide. Le destin des névrosés traumatiques graves<br />

est souvent celui-là : se faire exclure de la famille, du travail, enfin de<br />

la société (Lebigot, 2000).<br />

Terminons avec le problème de la culpabilité. Elle est massive quoiqu’inconsciente.<br />

Pierre se vit comme un monstre et le seul remède<br />

qu’il peut imaginer est d’être l’alter ego de son thérapeute idéalisé. La<br />

levée du poids écrasant de cette culpabilité qui fait de sa vie un chemin<br />

de croix (voir la couronne d’épines) n’a lieu que lorsqu’il est capable<br />

d’inventer un montage logique où il est réellement coupable, retrouvant<br />

de cette façon la sauvagerie d’un fantasme archaïque inaccessible, d’une<br />

faute originelle (le trauma de l’adulte ne débouche jamais dans la<br />

psychothérapie sur une « faute originelle » explicitée, comme ici). La<br />

scène traumatique est devenue un acte du sujet. La mort n’est plus le<br />

néant. Elle est maintenant liée par lui à la faute œdipienne et c’est<br />

comme ça qu’il parvient enfin à cesser de haïr sa mère, et même son<br />

père.<br />

Néanmoins, l’interdit du désir incestueux ne l’a pas encore mené vers<br />

une autre femme. Il lui reste une de ces frayeurs devant le lien amoureux<br />

qui embarrassent bien des névrosés ordinaires. Pour le moment, il ne<br />

s’en plaint pas. Il se sent encore très jeune.

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