Traiter les traumatismes psychiques
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QUATRE OBSERVATIONS DE PRISES EN CHARGE 203<br />
© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit<br />
à « tous <strong>les</strong> malheurs qu’[il] a traversés » et qu’il traverse ; il « aspire<br />
à une certaine puissance » et nous verrons plus loin l’importance de ce<br />
désir.<br />
Enfin, pour ce qui est de l’hospitalisation, outre <strong>les</strong> éléments déjà<br />
mentionnés, ajoutons plusieurs tentatives de suicide médicamenteuses,<br />
des conduites bizarres où il se donne des coups de poing sur le visage<br />
(il se luxe une fois la mâchoire), se tape la tête contre <strong>les</strong> murs, suit <strong>les</strong><br />
secrétaires du service quand el<strong>les</strong> rentrent chez el<strong>les</strong> et <strong>les</strong> menace de<br />
façon si convaincante qu’el<strong>les</strong> en sont terrorisées. Il se sent alors bien<br />
près d’exercer sa « puissance » et de <strong>les</strong> violer. Néanmoins, il craint<br />
réellement le chef de service, non pour <strong>les</strong> rétorsions qu’il pourrait<br />
exercer mais pour la place symbolique qu’il occupe. Sémiologiquement,<br />
cet élément est important car, comme la tristesse, il indique qu’une<br />
accroche transférentielle n’est pas impossible. Pour le moment, il est<br />
vrai, rien de tel ne s’est encore (apparemment) produit. Pierre quitte<br />
donc le service, avec une ordonnance, un stage en cours (où il est maintenant<br />
hébergé) et un futur emploi en poche. Il sera revu régulièrement<br />
en consultations jusqu’à ce qu’il parte en Écosse. Le travail le stabilise<br />
mais il reste isolé au milieu de ses camarades de stage et sa thymie<br />
reste très dépressive. L’équipe, elle, est soulagée de le voir partir. Il<br />
est réformé. L’avenir de ce jeune garçon qui refusait de se faire aider<br />
paraît bien sombre. Une tentative de relais en milieu civil sur le secteur a<br />
échoué, l’intéressé <strong>les</strong> a trouvés « nuls comme c’est pas possible, jamais<br />
je n’irai voir des psychiatres. »<br />
Arrêtons-nous ici sur la pathologie de ce jeune adulte, pour remarquer<br />
d’abord qu’elle correspond parfaitement aux critères diagnostiques<br />
de la CIM 10 (modifications durab<strong>les</strong> de la personnalité après une<br />
expérience de catastrophe) (CIM 10, 1993) : attitude permanente d’hostilité<br />
et de méfiance, retrait social, sentiment constant de vide et de<br />
perte d’espoir, parfois tendance à boire de façon excessive, sentiment<br />
d’être différent des autres, détresse subjective, <strong>les</strong> troub<strong>les</strong> sont souvent<br />
précédés d’un état de stress post-traumatique. Tous <strong>les</strong> critères sont au<br />
rendez-vous. On pourrait retrouver aussi la « personnalité traumatonévrotique<br />
» de L. Crocq (Crocq, 1999). Deux éléments dominent le<br />
tableau : son asocialité et la profonde et permanente dépression de son<br />
humeur. Les deux se conjuguent dans la très mauvaise opinion que<br />
Pierre a de lui-même et le jugement féroce qu’il porte sur <strong>les</strong> autres<br />
et la société : chacun ne pense qu’à soi, à satisfaire ses instincts <strong>les</strong> plus<br />
bas, si possible derrière le paravent de la loi et des principes moraux. Le<br />
mensonge et l’hypocrisie sont <strong>les</strong> décodeurs infaillib<strong>les</strong> des paro<strong>les</strong> des<br />
hommes. La société est pourrie. En fait, nous avons parlé de la mauvaise