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Traiter les traumatismes psychiques

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202 THÉRAPEUTIQUE<br />

criait à son père : « Tue-la, tue-la ! » Puis, ils ont disparu, mais le sujet<br />

en garde la mémoire très vive. Il n’a pas été possible de revenir avec<br />

lui sur ce « souvenir » (il s’est mis à le nier) mais il a été plus prolixe<br />

sur <strong>les</strong> années précoces de sa vie. Il a pu raconter l’ambiance de pure<br />

folie qui régnait dans ce couple, le lien très fort qui l’attachait à sa mère<br />

et le déchirement qu’a été son placement par la DASS (vécu comme<br />

un abandon par sa mère) ; <strong>les</strong> sévices subis par lui et sa sœur dans la<br />

famille d’accueil (authentifiés également dans le rapport de la DASS),<br />

où régnait une trouble atmosphère d’inceste (il a eu à caresser la mère, et<br />

plusieurs fois à masturber le grand-père), l’identité d’« Arabe » prêtée<br />

avec mépris aux deux petits par <strong>les</strong> parents et <strong>les</strong> enfants mais aussi par<br />

le village, etc. Il a développé à l’époque des tactiques pour se défendre<br />

des brutalités et, si possible, <strong>les</strong> faire retomber sur sa sœur. Mais il était<br />

aussi un enfant triste, ce qui, rétrospectivement, apparaît plutôt comme<br />

une bonne chose. Selon L. Daligand :<br />

« La tristesse signifie à la fois bien sûr l’atteinte au corps parlant de<br />

l’enfant, mais dans le même temps une tentative de reprise de la fonction<br />

symbolique. » (Daligand, 2000).<br />

Cette tristesse ne le quittera jamais plus. Comme l’avenir le montrera,<br />

elle est effectivement « du côté du symbolique », donc d’une parole<br />

possible. Au foyer, plus tard, Pierre n’a jamais joué franc-jeu avec <strong>les</strong><br />

adultes, <strong>les</strong> considérant comme des ennemis potentiels dont il fallait<br />

déjouer <strong>les</strong> menaces par quelque moyen que ce soit (mensonge, délation...).<br />

Sa mère venait le voir régulièrement mais ne répondait pas à<br />

ses demandes de le reprendre avec elle. Ce qu’elle lui disait sur son<br />

père l’effrayait, en particulier <strong>les</strong> revenus qu’il retirait à se prostituer et<br />

parfois dépouiller ses partenaires. Vers neuf-dix ans, quand ses parents<br />

se sont séparés, il a vécu dans la crainte encore actuelle que son père<br />

ne vienne l’enlever pour le prostituer dans la casbah d’Alger. Il y a<br />

eu d’ailleurs effectivement une tentative d’enlèvement quand il avait<br />

onze ans, déjouée par la directrice du foyer. Chez sa mère, rien ne s’est<br />

arrangé. L’immense bonheur des retrouvail<strong>les</strong> a tout de suite cédé la<br />

place à la rancune et à la haine. Il s’est mis à la battre (ainsi que sa<br />

petite sœur) tandis qu’elle reconnaissait en lui toutes <strong>les</strong> caractéristiques<br />

de son père et le lui disait. Il quittait très rarement le studio, sauf pour<br />

l’école, et s’est mis à présenter une symptomatologie phobique : peur du<br />

noir, de la foule, du métro, et des crises d’angoisse. Il a peur du regard<br />

d’autrui qui pourrait, s’il croise le sien, deviner tous ses problèmes,<br />

son origine (arabe) et qu’il est « fou ». Il s’isole et fuit tout contact.<br />

Mais dans le même temps, il veut se forger un « caractère fort » grâce

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