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Traiter les traumatismes psychiques

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QUATRE OBSERVATIONS DE PRISES EN CHARGE 195<br />

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit<br />

comme un message de son père par rapport à cet acte : il ne lui fait plus<br />

confiance, il la bannit.<br />

Pendant toute une période Leila parle beaucoup de ses frères, en<br />

particulier du martyr avec lequel elle avait toujours ressenti une grande<br />

complicité fondée sur leur hostilité commune envers leurs parents.<br />

« Il me protégeait, c’est moi qui aurais dû mourir, lui il combattait<br />

pour la justice, moi je ne vis que pour moi. »<br />

Un cauchemar extrêmement sanglant qui a pour décor un « petit<br />

mur » l’amène à évoquer un souvenir d’enfance. Elle est près de ce<br />

même petit mur avec Saïd et son père. Les enfants jouent, se bousculent<br />

et elle marche sur un tesson de verre qui entaille profondément son<br />

talon. La plaie saigne abondamment. Elle est affolée et se tourne vers<br />

son père. Celui-ci lui flanque une gifle retentissante, puis l’amène à<br />

l’hôpital.<br />

Son père justement. S’il avait toujours été très dur avec ses enfants,<br />

surtout ses fils, il ne cachait pas une réelle préférence pour Leila qui,<br />

disait-il, lui rappelait sa propre mère. Il voulait qu’elle se marie car seuls<br />

ses enfants à elle seraient susceptib<strong>les</strong> de l’intéresser. À cette évocation,<br />

la patiente est envahie par une « culpabilité atroce » d’avoir divorcé.<br />

Mais elle ajoute aussitôt, de façon incongrue :<br />

« Je dois prendre la relève de mon père. »<br />

Puis :<br />

« C’est grave ça parce que ça veut dire prendre la place du chef de<br />

famille. »<br />

À cette époque, qui se situe à peu près deux ans après l’attentat,<br />

Leila n’a plus de cauchemars de répétition. Son activité onirique n’en<br />

reste pas moins intense, toujours située en Algérie, incluant souvent<br />

des membres de sa famille, et représentant des scènes sanglantes. Ainsi<br />

ce rêve, où Saïd lui propose d’assassiner quelqu’un, et qui agit sur<br />

elle comme une révélation : ce frère-là et le disparu ont peut-être<br />

été eux-mêmes des assassins. Il faut alors l’hospitaliser car elle est<br />

véritablement affolée, elle sent une menace de mort peser sur elle,<br />

appelle plusieurs fois la police pour des motifs sans fondement. Ces<br />

« maudits liens du sang » qui la lient à ses frères lui font horreur et elle<br />

y voit la cause « de tout ce sang que je voyais dans mes rêves ». Ses<br />

cauchemars maintenant tournent tous autour de Saïd : « C’est comme<br />

une fascination », dit-elle, comme s’il fallait rester à proximité de ce<br />

mort. Car ce qu’elle perçoit bien dans le même temps, c’est qu’elle est<br />

en train de faire le deuil de cet homme et que, ajouterons-nous, si lui<br />

disparaît de ses rêves sanglants, qui donc viendra occuper cette place ?

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