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Traiter les traumatismes psychiques

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LES SOINS POST-IMMÉDIATS (LE DÉBRIEFING) 155<br />

cité, M. Lassagne et J. Reges, qui en sont coauteurs, nous racontent un<br />

débriefing de quarante soldats qui eut lieu à Dubrovnic.<br />

Un avion américain s’était écrasé sur une montagne proche et des soldats<br />

français eurent à se relayer la nuit suivante pour empêcher que <strong>les</strong> cadavres<br />

et <strong>les</strong> objets éparpillés dans la nature ne soient pour <strong>les</strong> premiers dérobés et<br />

<strong>les</strong> seconds dépouillés. Dans le débriefing collectif, que ces deux médecins<br />

organisèrent, à peu près la moitié de l’effectif purent s’exprimer sur <strong>les</strong><br />

émotions qu’ils avaient ressenties pendant <strong>les</strong> heures de garde auprès de<br />

« leurs cadavres », solitaires dans la nuit croate. Quand ils ont été revus<br />

individuellement, la semaine d’après, certains d’entre eux jouèrent vraiment<br />

le jeu du débriefing et parlèrent des fantasmes sexuels qu’avait fait naître<br />

chez eux la présence du cadavre.<br />

© Dunod – La photocopie non autorisée est un délit<br />

La réussite d’un débriefing passe donc par une prise en compte très<br />

rigoureuse de cet aspect temporel et nécessite que quelqu’un évalue<br />

l’état psychique des participants. Dans l’armée, c’est généralement le<br />

médecin de l’unité qui remplit cette tâche. Le débriefing doit être un<br />

travail de parole sur l’événement et non une plongée dans l’événement.<br />

Il arrive souvent que le groupe éprouvé ait eu un ou plusieurs morts<br />

dans ses rangs. Dans ce cas, il est important d’attendre que <strong>les</strong> funérail<strong>les</strong><br />

aient eu lieu, généralement en présence des collègues ou des<br />

camarades qui ont affronté le même drame. Tel psychiatre, venu proposer<br />

dans le cadre de la cellule d’urgence un débriefing à un groupe<br />

d’ouvriers endeuillés, s’est vu agressé et renvoyé. Il a, au contraire, été<br />

très bien accueilli quand il est revenu, pour la même raison, quelques<br />

jours après <strong>les</strong> obsèques. Il est alors possible dans le débriefing de traiter<br />

à la fois l’événement et la perte dont celui-ci est la cause.<br />

Le débriefing nécessite une situation stable et du temps devant soi<br />

pour permettre aux victimes et impliqués de prendre la mesure de<br />

l’événement, le premier moment de stupeur ou d’apparente indifférence<br />

passé. Mais s’il est pratiqué trop tard, et si <strong>les</strong> gens qui ont vécu la même<br />

situation vivent ou travaillent sur <strong>les</strong> mêmes lieux, une fable collective<br />

peut alors se construire et se fixer, qui va constituer un obstacle au travail<br />

de groupe, surtout si <strong>les</strong> médias ont abondamment couvert l’affaire. En<br />

outre, l’évolution spontanée d’un groupe confronté à l’horreur peut être<br />

de se ressouder autour de la contemplation de l’événement mortifère<br />

que <strong>les</strong> victimes ont maintenant en commun. Cela peut prendre la<br />

forme, dans certaines situations, d’un désir de vengeance. Tout travail<br />

personnel sur le drame sera dès lors impossible, d’autant que <strong>les</strong> mécanismes<br />

individuels de défense, installés pour se protéger du trauma,<br />

deviendront diffici<strong>les</strong> à abandonner. On observe bien ces phénomènes

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