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Une peinture <strong>de</strong> Jaber se lit comme un rébus, ou comme on déchiffre une carte <strong>de</strong><br />
corsaire, avec tous ses détails à décrypter dans tous les coins. Laurent Danchin<br />
Jaber El Majoub est né en 1938 dans une<br />
famille <strong>de</strong> bergers <strong>de</strong> M’Saken (banlieue<br />
<strong>de</strong> Sousse) en Tunisie.<br />
A l’âge <strong>de</strong> 6 ans il a perdu sa mère<br />
et a été pratiquement élevé par sa<br />
soeur. Il n’a pas pu fréquenter l’école<br />
car il <strong>de</strong>vait gar<strong>de</strong>r les animaux pour<br />
nourrir sa famille. Il n’a donc jamais pu<br />
apprendre à lire et écrire.<br />
En 1958 il prend la direction <strong>de</strong><br />
Marseille et y travaille comme<br />
boulanger avant <strong>de</strong> monter à<br />
Paris <strong>de</strong>ux ans plus tard. Les petits<br />
enfants du boulanger <strong>de</strong> la rue <strong>de</strong>s<br />
Blanc-Manteaux se souviennent<br />
encore <strong>de</strong> lui, car le grand-père a<br />
soigneusement conservé quelques<br />
pièces <strong>de</strong> Jaber.<br />
En effet dès qu’il avait une pause, il<br />
<strong>de</strong>ssinait par terre au charbon <strong>de</strong> bois<br />
et faisait cuire la pâte à pain en forme<br />
d’oiseau, <strong>de</strong> poisson ou <strong>de</strong> fleur.<br />
L’après-midi, il vendait ses gouaches<br />
et amusait le public place St Michel.<br />
Il s’intéressait aussi à la boxe et a<br />
effectué dix-sept combats. Ses talents<br />
<strong>de</strong> chanteur-auteur-compositeur<br />
lui ont ouvert les portes du Petit<br />
Conservatoire <strong>de</strong> Mireille. Il enregistra<br />
<strong>de</strong>ux 45 tours chez Pathé-Marconi.<br />
Quelques années plus tard, il fut<br />
découvert par une riche américaine<br />
qui l’emmena en Amérique. Elle<br />
avait découvert à juste titre qu’il avait<br />
la carrure pour <strong>de</strong>venir un artiste<br />
<strong>de</strong> dimension internationale. Ils se<br />
marièrent rapi<strong>de</strong>ment et Jaber ouvrit<br />
une galerie très bien située à San Francisco.<br />
Au bout <strong>de</strong> quelques mois, la galerie<br />
était <strong>de</strong>venue le lieu <strong>de</strong> ren<strong>de</strong>z-vous<br />
<strong>de</strong> tous les a<strong>de</strong>ptes <strong>de</strong> la scène Flower<br />
Power. L’aspect commercial <strong>de</strong> l’affaire<br />
ne l’intéressait pas. Il préférait offrir ses<br />
travaux aux visiteurs.<br />
En 1971, il obtint le premier prix <strong>de</strong><br />
peinture parmi 800 candidats au<br />
Plainfield Art Festival.<br />
Il <strong>de</strong>vint célèbre, mais son mariage fut<br />
un échec.<br />
JABER<br />
De retour à Paris il exposa en 1977<br />
à l’American Center of Artists, ce qui<br />
relança sa carrière à Paris. Ses amis et<br />
collectionneurs le firent participer ou<br />
organisèrent pour lui <strong>de</strong> nombreuses<br />
expositions prestigieuses.<br />
Il entra dans bon nombre <strong>de</strong> collections<br />
privées et publiques <strong>de</strong> par le<br />
mon<strong>de</strong> et figure aujourd’hui dans tous<br />
les musées consacrés à l’art brut ou<br />
outsi<strong>de</strong>r.<br />
Comme pour <strong>de</strong> nombreux artistes, sa<br />
pério<strong>de</strong> <strong>de</strong> gloire connut son déclin<br />
avec la crise <strong>de</strong> la fin <strong>de</strong>s années<br />
1990. Les galeries qui le défendaient<br />
disparurent.<br />
Au lieu <strong>de</strong> se lamenter, il prit son sort<br />
en main en vendant à nouveau ses<br />
gouaches cette fois dans le quartier<br />
Beaubourg, nouveau haut lieu <strong>de</strong> l’art<br />
contemporain.<br />
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