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LA<br />
FORCE<br />
EN<br />
DEDANS<br />
<strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong> et l’art singulier<br />
DESSINS, PEINTURES, SCULPTURES
-2-
LA<br />
FORCE<br />
EN<br />
DEDANS<br />
<strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong> et l’art singulier<br />
DU 24 AVRIL AU 20 MAI 2017<br />
En avril 2017, l’Association des Amis du Singulier<br />
<strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong>, avec la collaboration du service<br />
culturel de la mairie d’Arles, organise une exposition<br />
autour de l’oeuvre et du travail pédagogique de<br />
l’artiste <strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong>. Cette exposition pr<strong>en</strong>dra<br />
place dans le cadre de l’Eglise des Frères Prêcheurs.<br />
En 2003 déjà, la mairie d’Arles avait sout<strong>en</strong>u un<br />
évènem<strong>en</strong>t <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t dédié à cet artiste. Avec cette<br />
nouvelle exposition, seront prés<strong>en</strong>tés un choix de<br />
peintures et de sculptures représ<strong>en</strong>tatives du travail<br />
de ce singulier de l’art <strong>en</strong> regard d’une sélection de<br />
travaux réalisés par certains de ses élèves (Martine<br />
Bayle, Jeanne Disdero, R<strong>en</strong>ée Fontaine, André Gouin,<br />
Arlette Watelet Thozet) à l’Atelier du Quinconce Vert,<br />
que <strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong> anima de 1977 à 1990. En<br />
parallèle, pour illustrer le rayonnem<strong>en</strong>t de l’oeuvre<br />
de <strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong>, des oeuvres réalisées par<br />
certains des artistes avec lesquels il <strong>en</strong>tretint de<br />
fructueux échanges tout au long de sa vie, tels Jaber<br />
et Danielle Jacqui. Enfin, une salle t<strong>en</strong>tera de recréer<br />
l’esprit « cabinet de curiosités » d’une des pièces de<br />
la maison de l’artiste dans laquelle il accrochait dans<br />
un ordre aléatoire les dessins, peintures et sculptures<br />
troqués ou offerts par ses amis artistes, tels Pakito<br />
Bolino, Chromo, Paul Duchein, Fernand Michel,<br />
Bruno Montpied, Marie Morel, Gérard Nicollet et<br />
beaucoup d’autres <strong>en</strong>core.<br />
<strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong> - <strong>La</strong> Danseuse la Rosa Rouge<br />
-3-
L'ART<br />
INVENTIF,<br />
RAYMOND REYNAUD<br />
SON ÉCOLE<br />
<strong>La</strong> Prov<strong>en</strong>ce riche d’un passé artistique et d’un foisonnem<strong>en</strong>t de courants d’expression plastique,<br />
autant autochtones qu’extérieurs, a vu apparaître voilà un quart siècle, l’Art Inv<strong>en</strong>tif, un concept<br />
imaginé par <strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong>.<br />
Ce passionné de peinture, égalem<strong>en</strong>t musici<strong>en</strong>, suivit tout d’abord l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t des Beaux-arts<br />
à Salon, puis se perfectionna au cours de stages dans la capitale. Face au savoir-faire traditionnel<br />
rapidem<strong>en</strong>t un blocage et une impossibilité de peindre s’installera durant des années. Puis<br />
la découverte des travaux d’artistes naïfs et des œuvres de Gaston Chaissac l’am<strong>en</strong>èr<strong>en</strong>t<br />
à compr<strong>en</strong>dre que l’imaginaire devait se libérer d’un savoir-appris et d’une technique<br />
emprisonnant la spontanéité. Il élaborera alors sa propre expression artistique. Sans le savoir, à<br />
l’époque, il rejoignait déjà les préoccupations id<strong>en</strong>tiques de Jean Dubuffet, du groupe Cobra, des<br />
Hors-les-normes, des Singuliers et de bi<strong>en</strong> d’autres artistes de ces dernières déc<strong>en</strong>nies.<br />
Comme eux, tâtonnant, il cherchera un langage plastique qui r<strong>en</strong>de au mieux sa vision du monde.<br />
Il forgera les propres outils de son expression artistique. Tel un <strong>en</strong>fant att<strong>en</strong>tif et émerveillé,<br />
il redécouvrira alors le monde. Ainsi, une série de gouaches évoque avec délectation foires et<br />
cirques, fanfares, orchestres et divas. Dev<strong>en</strong>u chantre de l’homme du commun, il revisite l’art<br />
populaire. Pour impressionner le spectateur, le lion ne doit-il pas être dix fois plus grand que le<br />
dompteur et la diva avoir une bouche capable d’avaler tout un orchestre ?<br />
Ces observations de la vie au quotidi<strong>en</strong> lui serviront de point de départ pour une quête initiatique<br />
de plus <strong>en</strong> plus exigeante. Son œuvre s’avancera toujours plus avant dans la recherche du<br />
mystique, du sacré, du besoin d’absolu. Dans sa série des péchés capitaux, il explore à travers une<br />
mise <strong>en</strong> scène des plus évocatrices, les turpitudes de la nature humaine, tandis que sa longue<br />
fresque « la danse macabre », témoigne de notre l<strong>en</strong>te déchéance jusqu’à la mort inévitable.<br />
-4-
Dans sa représ<strong>en</strong>tation de son Don<br />
Quichotte où dit-il : «J’ai voulu interroger<br />
notre culture méditerrané<strong>en</strong>ne et retrouver<br />
nos racines profondes», comm<strong>en</strong>t ne pas<br />
y voir cette éternelle dualité de l’homme<br />
évoluant <strong>en</strong>tre utopies et réalités terrestres.<br />
Face à cette désespérante réalité, émerg<strong>en</strong>t<br />
des compositions très architecturées,<br />
des mandalas chargés de mysticisme.<br />
A ce niveau-là, il rejoint ce que Jung<br />
avance devant les peintures symboliques<br />
indi<strong>en</strong>nes ou tibétaines : “L’artiste n’y<br />
dépeint pas la froide imagerie de quelques<br />
traités d’iconographie, mais il y déverse les<br />
fantasmes de son ego, subconsci<strong>en</strong>t dont<br />
il peut à la fois pr<strong>en</strong>dre connaissance et se<br />
libérer<br />
on conçoit que tout naturellem<strong>en</strong>t il<br />
ait voulu partager son expéri<strong>en</strong>ce. Une<br />
nécessité intérieure l’a poussé vers les<br />
autres pour les am<strong>en</strong>er vers une expression<br />
plastique la plus auth<strong>en</strong>tique possible,<br />
libérée du formalisme et de la tradition.<br />
Ainsi, <strong>en</strong> 1976 à la Maison de la Culture<br />
de Salon-de-Prov<strong>en</strong>ce, il fonde un groupe<br />
expérim<strong>en</strong>tal de peintres : “Le Quinconce<br />
-Vert”. Là, durant une quinzaine d’années,<br />
assez curieusem<strong>en</strong>t une c<strong>en</strong>taine de<br />
femmes, plus stagiaires qu’élèves, vont<br />
à son contact désappr<strong>en</strong>dre traditions et<br />
ritualisme des beaux-arts. Initiateur att<strong>en</strong>tif,<br />
il va sans cesse insister sur le rôle de la<br />
réinv<strong>en</strong>tion.<br />
A travers ses rapports à la création plastique,<br />
proches des traditions du compagnonnage,<br />
<strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong> - Rejets de Rose la mariée<br />
-5-
<strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong> - Souv<strong>en</strong>ir d’un Auguste<br />
Pour cela il fait appel aux rêves, à l’imaginaire le<br />
plus débridé, aux analogies avec la musique ainsi<br />
qu’à d’autres disciplines. Dans son “<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t<br />
“ des plus spécifiques, il cherche à am<strong>en</strong>er ses<br />
“élèves” sur la voie d’une création impliquant<br />
toute leur personnalité. Certains le compar<strong>en</strong>t à<br />
un maïeutici<strong>en</strong>, aidant à l’éclosion, à la libération<br />
du pot<strong>en</strong>tiel de création de tout individu, mais<br />
sa relation aussi avec l’autre révèle des similitudes<br />
proches de celle de l’analyste.<br />
En 1989, il arrête I’ “<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t collectif’, pour<br />
se consacrer à un échange plus étroit <strong>en</strong>tre maître<br />
et élève. En même temps, une remise <strong>en</strong> question<br />
sur la créativité aboutit au “Mouvem<strong>en</strong>t <strong>Raymond</strong><br />
<strong>Reynaud</strong>”.<br />
Toujours soumis à de perpétuelles interrogations,<br />
il a avancé dans son exist<strong>en</strong>ce, construisant sa<br />
propre cosmogonie vers la lumière d’un ailleurs,<br />
assurém<strong>en</strong>t secret. Il laisse une œuvre majeure<br />
dans la mouvance de l’art singulier, comme de<br />
l’art tout court, heureusem<strong>en</strong>t préservée par<br />
l’association des Amis de <strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong>.<br />
Mais dans l’av<strong>en</strong>ture de la Singularité il reste<br />
aussi le maître de Sénas, celui qui a am<strong>en</strong>é des<br />
c<strong>en</strong>taines d’élèves sur les voies d’une création<br />
autre libérée de bi<strong>en</strong> des formalismes.<br />
Jean-Claude Caire<br />
20 juin 2016<br />
-6-
QU’EST-CE<br />
QUE L’ART<br />
SINGULIER<br />
Si l’art singulier ne se laisse pas <strong>en</strong>fermer facilem<strong>en</strong>t par<br />
une définition, il est égalem<strong>en</strong>t difficile de dater avec<br />
précision l’apparition de ce terme. <strong>La</strong> plupart des spécialistes<br />
s’accord<strong>en</strong>t cep<strong>en</strong>dant pour l’associer à la mythique<br />
exposition organisée <strong>en</strong> 1978 au musée d’art moderne de la<br />
ville de Paris par Alain Bourbonnais et Michel Ragon. Si une<br />
définition exacte semble lointaine, un certain nombre de<br />
constantes se retrouve néanmoins chez la plupart des créateurs<br />
dits singuliers. Si certains sont autodidactes, d’autres ont reçu<br />
une formation académique, mais s’<strong>en</strong> sont <strong>en</strong>suite très vite<br />
détournés au profit d’une démarche beaucoup plus personnelle.<br />
Les productions d’un artiste singulier, lorsque ce dernier ne<br />
cède pas à des facilités que dénonçait avec vigueur <strong>Raymond</strong><br />
<strong>Reynaud</strong>, répond<strong>en</strong>t d’abord à un besoin vital de création. Un<br />
besoin qui le pousse à emprunter des voies différ<strong>en</strong>tes pour<br />
parv<strong>en</strong>ir à exprimer son monde intérieur. Il découvre et inv<strong>en</strong>te<br />
souv<strong>en</strong>t ses propres techniques picturales au fur et à mesure que<br />
son univers imaginaire s’affirme.<br />
?<br />
Plus souple que la notion d’art brut, moins puriste et<br />
restrictif, c’est aujourd’hui le concept d’ «art singulier» qui semble <strong>en</strong> fait le meilleur<br />
équival<strong>en</strong>t français de la notion d’art outsider .<br />
<strong>La</strong>ur<strong>en</strong>t Danchin<br />
-7-
-8-
RAYMOND<br />
REYNAUD<br />
Révélateur d’âmes<br />
<strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong>, était un artiste, un vrai,<br />
mais aussi un formidable révélateur d’âmes<br />
pour ceux qui acceptai<strong>en</strong>t de s’<strong>en</strong>gager à<br />
ses côtés au sein de l’atelier du Quinconce<br />
Vert. Il savait accompagner tses « élèves »<br />
jusqu’aux tréfonds d’eux-mêmes, là où la<br />
peinture n’était plus une simple activité de<br />
peintre du dimanche, mais dev<strong>en</strong>ait une<br />
av<strong>en</strong>ture tant plastique que spirituelle.<br />
Mais c’était aussi un bon copain, avec qui<br />
on pouvait parler d’art, de cuisine ou de<br />
jardinage. Avec ses mots inimitables, sa<br />
bonhomie naturelle, il parlait plus juste que<br />
bi<strong>en</strong> des intellectuels pat<strong>en</strong>tés.<br />
Nous nous étions r<strong>en</strong>contrés <strong>en</strong> 1991 alors<br />
que je v<strong>en</strong>ais d’arriver dans la région. A<br />
Caphan, chez R<strong>en</strong>ée Fontaine, je lui avais<br />
montré mon travail. Et bi<strong>en</strong> que ne faisant<br />
pas partie du cercle d’artistes singuliers issus<br />
du Quinconce Vert, l’atelier qu’il avait animé<br />
avec rigueur et passion p<strong>en</strong>dant 15 années<br />
à Salon-de-Prov<strong>en</strong>ce, il avait accepté mes<br />
collages au sein de l’exposition collective<br />
“Peintures singulières” à Saint Martin de<br />
Crau.<br />
<strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong> aux “bordilles” ca 1992 DR<br />
-9-
A de multiples occasions, nos<br />
chemins se sont <strong>en</strong>suite croisés<br />
lors de visites à sa maison atelier<br />
de Sénas, que j’ai fait découvrir<br />
à mes proches ainsi qu’à de très<br />
nombreux amis, ou lors de sa<br />
première exposition arlési<strong>en</strong>ne <strong>en</strong><br />
2003.<br />
<strong>Raymond</strong> avait égalem<strong>en</strong>t eu<br />
la g<strong>en</strong>tillesse de monter une<br />
exposition de mes dessins à Sénas<br />
au Cellier Saint Augustin, cave à<br />
vins transformée pour l’occasion <strong>en</strong><br />
galerie d’art.<br />
<strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong> avait cette<br />
faculté rare de pouvoir <strong>en</strong>trer <strong>en</strong><br />
contact avec des g<strong>en</strong>s d’âge et de<br />
milieu très différ<strong>en</strong>ts tout <strong>en</strong> restant<br />
toujours lui-même, fidèle à sa<br />
vision d’un art inspiré, auth<strong>en</strong>tique<br />
et sauvagem<strong>en</strong>t mystique.<br />
Il voulait sans cesse aller plus loin<br />
dans sa peinture, était rarem<strong>en</strong>t<br />
satisfait, poursuivant sa quête<br />
perpétuelle d’une peinture « vraie »<br />
et auth<strong>en</strong>tique.<br />
Mais loin d’être c<strong>en</strong>tré sur son<br />
seul travail, il aidait les artistes<br />
qui l’approchai<strong>en</strong>t à progresser,<br />
à se frayer un chemin au cœur<br />
de leur imaginaire. Il était très<br />
méfiant <strong>en</strong>vers les profiteurs,<br />
les rapaces, les capitalistes, les<br />
pollueurs, les magouilleurs, ceux<br />
qui représ<strong>en</strong>tai<strong>en</strong>t à ses yeux le<br />
pouvoir de l’arg<strong>en</strong>t.<br />
Gérard Nicollet<br />
-10-
DR<br />
Un art viscéral, écorché, électrique, dont le graphisme tremblé, la fragm<strong>en</strong>tation infinie de l’image, les symétries approximatives<br />
à main levée ou les effets bizarres d’<strong>en</strong>cadrem<strong>en</strong>ts décoratifs font tout le charme étrange et déroutant.<br />
<strong>La</strong>ur<strong>en</strong>t Danchin<br />
-11-
BIOGRAPHIE<br />
<strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong> est né le 8 octobre 1920 à<br />
Salon-de-Prov<strong>en</strong>ce.<br />
Il est le fils de François <strong>Reynaud</strong> et de Charlotte Vouland,<br />
commerçants <strong>en</strong> grains et fourrages. <strong>Raymond</strong><br />
perd sa mère vers l’âge de douze ans et sera élevé par<br />
sa « marâtre » après le remariage de son père.<br />
Peintre, sculpteur et plastici<strong>en</strong> français, proche de<br />
la démarche artistique de Jean Dubuffet, il s’inscrit<br />
dans le mouvem<strong>en</strong>t de l’art singulier maïeutique.<br />
Grand admirateur de Chaissac et de l’art brut, il se<br />
définissait lui-même comme un artiste « singulier ».<br />
En 1934, il <strong>en</strong>tre <strong>en</strong> appr<strong>en</strong>tissage de peintre <strong>en</strong><br />
bâtim<strong>en</strong>t, ayant échoué au certificat d’études.<br />
De 1935 à 1939, il suit parallèlem<strong>en</strong>t les cours du<br />
soir de peinture-décoration, d’anatomie, de fusain<br />
et de crayon à l’école d’art de Salon, où <strong>en</strong>seign<strong>en</strong>t<br />
des artisans bénévoles. Il obti<strong>en</strong>t un premier prix<br />
de dessin anatomique et un troisième prix de<br />
fusain. Bouleversé par la découverte d’un nu cubiste<br />
de Picasso, il continue à peindre des paysages<br />
prov<strong>en</strong>çaux dont il n’est pas satisfait. Par suite de<br />
problèmes cardiaques, il est réformé au conseil de<br />
révision.<br />
De 1938 à 1944, il travaille comme peintre de lettres<br />
au camp d’aviation de Salon et il étudie le saxophone<br />
et le solfège. Il anime de nombreux bals p<strong>en</strong>dant<br />
cinq ans (Donald et ses Boys, puis Right Music, Bikini<br />
Jazz et Atomic Jazz), gagnant assez d’arg<strong>en</strong>t pour<br />
s’établir à son compte.<br />
-12-
En 1949, il devi<strong>en</strong>t artisan peintre<br />
à Sénas où il exercera cette<br />
activité p<strong>en</strong>dant dix-sept ans. Il pr<strong>en</strong>d<br />
l’habitude, quand il termine un<br />
chantier, de laisser une de ses peintures<br />
au-dessus de la cheminée.<br />
En 1950, sur le conseil d’un instituteur,<br />
Jean-Marie Serre, il suit un premier<br />
stage d’arts plastiques auprès de<br />
peintres travaillant dans le courant de<br />
l’Ecole de Paris.<br />
Jusqu’<strong>en</strong> 1980, dev<strong>en</strong>u lui-même<br />
animateur, il suivra de nombreux stages<br />
à Marly-le-Roi, Dinan et Boulouris, dans<br />
le cadre des Académies Populaires ou<br />
d’associations liées à la Fédération Léo<br />
<strong>La</strong>grange. Ses instructeurs sont Luci<strong>en</strong><br />
<strong>La</strong>utrec, Gilles Duché, R<strong>en</strong>ée David et<br />
Pierre Huss<strong>en</strong>ot.<br />
En 1952, il fonde le Groupe d’arts plastiques<br />
des Alpilles sous la direction de<br />
la fédération des Académies populaires<br />
d’arts plastiques et y reste jusqu’<strong>en</strong><br />
1957. <strong>La</strong> direction nationale des<br />
Académies populaires, présidée par<br />
Luci<strong>en</strong> <strong>La</strong>utrec, contribue à cette époque<br />
à la formation d’un grand nombre d’artistes,<br />
tant à Paris qu’<strong>en</strong> province.<br />
P<strong>en</strong>dant dix ans de 1958 à 1968, il<br />
arrête ses activités plastiques pour un<br />
temps de réflexion, se s<strong>en</strong>tant bloqué<br />
et prisonnier d’un système.<br />
En 1959, il épouse Arlette Roux,<br />
membre du groupe des Alpilles. Le<br />
couple s’installe à Orgon.<br />
En 1964, ils déménag<strong>en</strong>t au Quartier<br />
de la Peyronnette à Sénas.<br />
DR<br />
En septembre 1965 il met fin à son<br />
<strong>en</strong>treprise d’artisan-peintre, affaibli par<br />
de graves problèmes de santé (jusqu’à<br />
la retraite, il percevra une p<strong>en</strong>sion). Dix<br />
ans de dépression s’<strong>en</strong> suiv<strong>en</strong>t.<br />
En 1968, il se remet au dessin puis à la<br />
peinture, sous le choc de la découverte<br />
des naïfs yougoslaves et de Gaston<br />
Chaissac, au musée des Ponchettes,<br />
à Nice. Son œuvre personnelle<br />
comm<strong>en</strong>ce. Il travaille par thèmes<br />
ou par séries : les quatre saisons, les<br />
sept péchés capitaux, les cirques, les<br />
fanfares.<br />
En 1973, première exposition<br />
personnelle à la mairie de<br />
Saint-Maximin.<br />
En 1976, il participe à une exposition<br />
«Autour de Chaissac» à l’abbaye<br />
St-Pierre de Maillezais, <strong>en</strong> V<strong>en</strong>dée.<br />
En 1977, il crée et anime un atelier de<br />
peinture pour adultes Le Quinconce<br />
Vert à Salon-de-Prov<strong>en</strong>ce. Cet atelier<br />
donne une formation artistique à des<br />
personnes sans expéri<strong>en</strong>ce dans les<br />
arts plastiques ou non satisfaites de<br />
l’<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t académique. Le but de<br />
<strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong> est de travailler sur<br />
l’imaginaire et de le faire déboucher sur<br />
une expression plastique singulière.<br />
Il travaille ses premiers totems et<br />
assemblages de bois récupérés dans<br />
les ‘bordilles’, les berges de la Durance.<br />
Jean Dubuffet lui apporte ses<br />
<strong>en</strong>couragem<strong>en</strong>ts, de même que Michel<br />
Thévoz, conservateur de la Collection de<br />
l’art brut de <strong>La</strong>usanne.<br />
En 1979, il expose au Couv<strong>en</strong>t Royal de<br />
St Maximin, organisée par Jean-Claude<br />
Caire, avec la participation de Frédéric<br />
Altmann.<br />
-13-
En août 1980, il visite la Collection de l’Art Brut de <strong>La</strong>usanne<br />
et r<strong>en</strong>contre Michel Thévoz.<br />
De 1980 à 1981, il travaille sur une série intitulée « Les<br />
grandes Figures » dans laquelle il réinv<strong>en</strong>te le portrait <strong>en</strong><br />
peignant des visages qui occup<strong>en</strong>t la toile <strong>en</strong>tière.<br />
Le 8 avril 1982, il reçoit une lettre d’<strong>en</strong>couragem<strong>en</strong>t de<br />
Jean Dubuffet. Par la suite, les travaux de <strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong><br />
<strong>en</strong>treront dans la collection Neuve Inv<strong>en</strong>tion à <strong>La</strong>usanne<br />
(collection annexe de l’art brut).<br />
En 1984, il <strong>en</strong>voie deux sculptures à <strong>La</strong>usanne.<br />
En 1985, après quatre années de travail, il termine le<br />
polyptyque « Jean de Florette », inspiré des personnages du<br />
roman de Marcel Pagnol.<br />
En 1986, il <strong>en</strong>tre <strong>en</strong> contact avec Madeleine Lommel de<br />
l’Aracine, Alain Bourbonnais de <strong>La</strong> Fabuloserie et Françoise<br />
H<strong>en</strong>rion d’Art <strong>en</strong> Marge, à Bruxelles.<br />
En 1987, il r<strong>en</strong>d visite à Chomo, dans la forêt de<br />
Fontainebleau.<br />
Le 20 septembre 1988, il est opéré du cœur à l’hôpital de <strong>La</strong><br />
Timone à Marseille.<br />
En 1989, l’œuvre de <strong>Reynaud</strong> fait l’objet d’un mémoire de<br />
maîtrise rédigé par Alice Splimont-Anglade et sout<strong>en</strong>u à la<br />
faculté Paul Valéry de Montpellier sous le titre de « <strong>Raymond</strong><br />
<strong>Reynaud</strong>, peintre singulier ». C’est la première fois qu’un<br />
peintre singulier est représ<strong>en</strong>té à l’université. Ces travaux de<br />
recherche ont été dirigés par le professeur et histori<strong>en</strong> de l’art<br />
Marie-Domitille Porcheron.<br />
L’année 1990 voit la création du Mouvem<strong>en</strong>t singulier<br />
<strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong> à Sénas et la dissolution de l’atelier du<br />
Quinconce Vert. Ce mouvem<strong>en</strong>t regroupe des élèves ou des<br />
peintres dans la mouvance de l’art singulier. <strong>La</strong> même année,<br />
sa Maison Musée à Sénas, où l’artiste habite avec son épouse<br />
Arlette et où sont installées des c<strong>en</strong>taines de tableaux et<br />
de sculptures, est répertoriée dans le livre de Claude Arz, le<br />
« Guide de la France insolite » aux éditions Hachette- 1995.<br />
De 1992 à 1994 : polyptyque sur le thème du Don Quichotte<br />
de Cervantès.<br />
En 1993, sort un docum<strong>en</strong>taire de Stéphane Jean-Baptiste,<br />
Pascale Massicot et Eric Potte (Art et Communication, Nevers)<br />
« <strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong> : le troisième cerveau ».<br />
En 1993, deux tableaux sont <strong>en</strong>voyés à la Collection de l’art<br />
brut de <strong>La</strong>usanne.<br />
D’octobre 1995 à juillet 1996, Don Quichotte est prés<strong>en</strong>té<br />
dans Art Brut & Compagnie, à la Halle Saint Pierre, à Paris.<br />
En 1995, création de l’Association des Amis de <strong>Raymond</strong><br />
<strong>Reynaud</strong>. Un projet de musée et de fondation voir le jour<br />
mais n’aboutira pas faute de moy<strong>en</strong>s financiers.<br />
Le 21 avril 1996, visite d’une délégation du Folk Art Museum<br />
de New York guidée par Chris Cappiello et Beth Bergin.<br />
En 1998, il participe à la réalisation de « Hôpital brut », un<br />
film d’animation du collectif « Le dernier cri » diffusé sur Canal<br />
+.<br />
Depuis les années 1980, il est l’objet de nombreux articles<br />
dans la presse culturelle et de reportages télévisés.<br />
En effet, l’universitaire spécialiste de l’art brut et singulier<br />
<strong>La</strong>ur<strong>en</strong>t Danchin consacre plusieurs analyses de ses travaux<br />
dans le magazine d’art anglais Raw Vision (cette publication<br />
périodique a obt<strong>en</strong>u le Prix Camera de l’UNESCO de meilleur<br />
magazine d’Art <strong>en</strong> 1998).<br />
En 1999, Alain Paire édite « <strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong>, un singulier<br />
de l’art » (En Manœuvres Editions, Marseille).<br />
-14-
<strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong> est prés<strong>en</strong>té aux côtés d’autres<br />
artistes sur Arte lors du Théma « Les allumés de l’art<br />
brut ».<br />
En octobre et novembre 2001, rétrospective à<br />
Martigues.<br />
En janvier et février 2003, exposition à l’Espace<br />
Van Gogh, à Arles.<br />
D’avril à juin 2004, exposition au Château des<br />
Templiers de Gréoux-les-Bains.<br />
Le 10 juillet 2007, <strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong> décède<br />
à Cavaillon, soit trois jours avant le début d’une<br />
exposition rétrospective, prés<strong>en</strong>tant plus de<br />
cinquante années de création, au château de<br />
l’Empéri à Salon-de-Prov<strong>en</strong>ce.<br />
Après son décès, il fait l’objet de nombreux hommages<br />
dont l’inauguration d’un square à son nom<br />
le 28 septembre 2007 et d’une statue <strong>en</strong> prés<strong>en</strong>ce<br />
de l’actrice Andréa Ferréol le 21 mai 2008 à Sénas.<br />
Il a réalisé aussi d’étranges mandalas d’un<br />
graphisme électrique qui n’est pas sans rapport<br />
avec les problèmes nerveux dont il se plaignait.<br />
DR<br />
On doit fuir le calculé, le professionnel, le peintre doit aller vers le spontané, le<br />
mystérieux, le fantasme, le rêve, véritables langages primitifs et naturels des<br />
communications universelles.<br />
-15-
LE<br />
QUIN<br />
CONCE<br />
VERT<br />
<strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong> anima<br />
l’atelier du Quinconce Vert de<br />
1977 à 1990. Cet atelier était<br />
original car il était ouvert à des<br />
personnes de formations diverses<br />
issues de milieux sociaux très<br />
variés.<br />
Il apportait une formation<br />
plastique à des g<strong>en</strong>s qui n’avai<strong>en</strong>t<br />
jamais peint ou qui étai<strong>en</strong>t<br />
mal à l’aise dans les écoles<br />
traditionnelles.<br />
<strong>La</strong> majorité des participants étai<strong>en</strong>t<br />
des femmes, seuls quelques<br />
hommes étai<strong>en</strong>t prés<strong>en</strong>ts.<br />
Le but de son fondateur était de<br />
révéler l’imaginaire prés<strong>en</strong>t <strong>en</strong><br />
chacun des élèves à travers une<br />
expression plastique singulière et<br />
personnelle.<br />
Jean Dubuffet apporta ses<br />
<strong>en</strong>couragem<strong>en</strong>ts à cet atelier,<br />
de même que Michel Thévoz,<br />
conservateur de la collection d’art<br />
brut de <strong>La</strong>usanne.<br />
-16-
J’ai créé mon école pour plusieurs raisons...<br />
D’abord je p<strong>en</strong>sais que je pouvais appr<strong>en</strong>dre à dessiner et<br />
à peindre à ceux qui <strong>en</strong> avai<strong>en</strong>t le désir, <strong>en</strong>suite, je trouvais<br />
qu’il fallait déf<strong>en</strong>dre la bonne peinture et am<strong>en</strong>er les g<strong>en</strong>s<br />
à distinguer une œuvre valable d’un tableau médiocre.<br />
L’école a été fondée avec l’accord de la MJC de Salon.<br />
Nous l’avons appelée “Le Quinconce Vert”.<br />
Elle a fonctionné avec un nombre d’élèves important.<br />
Au bout de quelques années, j’ai estimé que le travail<br />
stagnait et qu’il fallait avoir de plus grandes exig<strong>en</strong>ces.<br />
J’ai donc augm<strong>en</strong>té la difficulté.<br />
Certains se sont découragés, le nombre des<br />
élèves s’est réduit. C’est un bi<strong>en</strong> :<br />
la qualité est plus grande.<br />
Soucieux de maint<strong>en</strong>ir ce<br />
niveau, j’ai décidé d’arrêter mon<br />
<strong>en</strong>seignem<strong>en</strong>t à la MJC.<br />
Cep<strong>en</strong>dant je ne r<strong>en</strong>once pas<br />
à faire travailler ceux qui sont<br />
désireux de poursuivre avec moi :<br />
le groupe se restreint et se donne<br />
d’autres exig<strong>en</strong>ces.<br />
C’est tout et c’est bi<strong>en</strong>. Désormais,<br />
il s’appelle : “Mouvem<strong>en</strong>t<br />
Singulier <strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong>”<br />
<strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong><br />
Affiche du Quinconce Vert<br />
-17-
LES<br />
ÉLÈVES<br />
MARTINE BAYLE<br />
Née <strong>en</strong> 1949 à Sénas<br />
Martine Bayle est une coloriste de grand<br />
tal<strong>en</strong>t qui, avec une maîtrise parfaite des<br />
graphismes et des harmonies, sait, <strong>en</strong><br />
très peu de couleurs donner l’impression<br />
d’une grande explosion de tonalités.<br />
Jeanine Rivais<br />
J’ai p<strong>en</strong>sé à <strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong> parce<br />
que je le connaissais par le biais des<br />
élèves que j’avais eu, qui trouvai<strong>en</strong>t<br />
que c’était quelqu’un de rigoureux dans<br />
le travail, même peut-être un peu trop,<br />
finalem<strong>en</strong>t était v<strong>en</strong>u le mom<strong>en</strong>t où j’<strong>en</strong><br />
avais besoin et que je l’acceptais, et j’ai<br />
été voir <strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong>. <strong>La</strong> première<br />
chose qu’il m’a demandé c’est : « Vous<br />
êtes v<strong>en</strong>u me voir pourquoi ? ».<br />
Et là ça été la grande surprise parce que<br />
je n’avais pas p<strong>en</strong>sé du tout à ce qu’on me<br />
pose comme ça brutalem<strong>en</strong>t la question,<br />
et que finalem<strong>en</strong>t c’était la question profonde<br />
que j’aurais du me poser, et je me<br />
suis <strong>en</strong>t<strong>en</strong>due dire : « J’ai un problème<br />
de fond et de forme ». Il m’a demandé<br />
si j’acceptais de lui montrer mon travail,<br />
et <strong>en</strong> lui montrant mon travail, ce dont<br />
il s’est aperçu et qui était flagrant, c’est<br />
qu’<strong>en</strong> fait la forme avait vraim<strong>en</strong>t pris la<br />
place du fond et que ça s’était inversé.<br />
-18-
Il m’a dit : « Ce qui va être gênant chez vous, c’est<br />
votre métier, vous avez un parcours classique, vous<br />
avez fait les beaux-arts, vous avez été <strong>en</strong>seignante,<br />
donc vous avez un discours culturel sous une certaine<br />
forme, et est-ce que vous allez être capable<br />
d’<strong>en</strong>lever toute certitude et de travailler sur un trait,<br />
la qualité d’un trait par rapport à une émotion, de<br />
rester très prêt de cette chose là ».<br />
Et effectivem<strong>en</strong>t, ça été très dur parce que je ne<br />
m’étais jamais aperçu que le passé culturel et le<br />
savoir faire avai<strong>en</strong>t pesé si lourd dans la balance.<br />
Je p<strong>en</strong>se que quand <strong>Raymond</strong> dit « J’amène les<br />
g<strong>en</strong>s vers l’art singulier », je p<strong>en</strong>se qu’il veut dire,<br />
j’amène les g<strong>en</strong>s depuis où ils sont, dans leur<br />
culture, avec ce qu’ils sont, et ce qu’ils ont acquis,<br />
de trop, de pas assez, et <strong>en</strong> trouvant le fil conducteur<br />
propre à chacun. Il a un côté très intuitif qui<br />
fait qu’il s<strong>en</strong>t très bi<strong>en</strong> qu’il y a ce petit fil conducteur,<br />
il le découvre, et il vous le fait découvrir<br />
après, et il vous amène petit à petit à vous faire<br />
reconnecter avec vos possibilités profondes. Même<br />
si c’est quelque chose qui ne va pas sortir sous<br />
une forme jolie, esthétique, c’est quelque chose<br />
qui vous apparti<strong>en</strong>t profondém<strong>en</strong>t, qui ne lui<br />
apparti<strong>en</strong>t pas, et finalem<strong>en</strong>t être singulier c’est<br />
être profondém<strong>en</strong>t original.<br />
Martine Bayle<br />
Martine Bayle - Sans titre<br />
Extrait de « <strong>La</strong> <strong>force</strong> <strong>en</strong> <strong>dedans</strong> » (2000),<br />
docum<strong>en</strong>taire de Jean-Michel Zazzi<br />
-19-
-20-<br />
R<strong>en</strong>ée Fontaine - <strong>La</strong> tour de Babel.
RENÉE FONTAINE<br />
Née <strong>en</strong> 1936. Vit à Saint-Martin-de-Crau.<br />
Institutrice à la retraite.<br />
Peintre amateur de reproductions ou de<br />
paysages, elle avait cessé de peindre <strong>en</strong><br />
1975, ne trouvant plus les moy<strong>en</strong>s de<br />
progresser dans son travail.<br />
En 1982, elle r<strong>en</strong>contre <strong>Raymond</strong><br />
<strong>Reynaud</strong> à l’occasion d’une confér<strong>en</strong>ce<br />
destinée aux <strong>en</strong>seignants où ce dernier<br />
prés<strong>en</strong>te sa conception de la peinture.<br />
Depuis, R<strong>en</strong>ée Fontaine a fréqu<strong>en</strong>té<br />
l’atelier du Quinconce Vert jusqu’à sa<br />
fermeture. <strong>La</strong> peinture est pour elle un<br />
moy<strong>en</strong> d’aller chercher au plus profond<br />
d’elle-même l’émotion ress<strong>en</strong>tie face au<br />
monde, et de l’exprimer avec des couleurs<br />
et des formes, au delà des mots et des<br />
appar<strong>en</strong>ces, pour mieux s’<strong>en</strong> libérer et<br />
retrouver une forme de sérénité.<br />
En octobre 1983, j’ai r<strong>en</strong>contré <strong>Raymond</strong><br />
à une journée pédagogique dans le<br />
cadre des maternelles. J’avais été invité<br />
par une collègue de Salon qui m’avait dit<br />
« Tu devrais v<strong>en</strong>ir, demain après-midi, il y<br />
a un peintre qui vi<strong>en</strong>t nous expliquer des<br />
tableaux, toi qui peint ça t’intéresserait ».<br />
J’y suis allée et là j’ai r<strong>en</strong>contré <strong>Raymond</strong>,<br />
ce petit bonhomme qui payait pas de<br />
mine avec sa casquette, ses grosses<br />
lunettes, un peu gauche, qui a comm<strong>en</strong>cé<br />
à expliquer. Il a expliqué et pour moi, c’est<br />
dev<strong>en</strong>u une évid<strong>en</strong>ce, j’ai tout compris.<br />
Ensuite, je suis allée au Quinconce Vert<br />
à Salon. Là, un mercredi après-midi, je<br />
me pointe là-bas et il me dit : « Installe<br />
toi là », il me donne une feuille blanche<br />
et un crayon et il me dit : « Essaie de dessiner<br />
comme les autres le village de Jean<br />
de Florette ». Comme ça de but <strong>en</strong> blanc,<br />
dessiner un village, sans avoir de motif<br />
devant moi, j’étais incapable de faire<br />
quelque chose. J’ai dit : « Je m’<strong>en</strong> vais ».<br />
Et la semaine suivante, je suis retournée<br />
et là petit à petit, je suis r<strong>en</strong>trée dans<br />
sa façon de faire., qui était d’imaginer<br />
devant la page blanche le ress<strong>en</strong>ti de<br />
quelque chose. Chaque semaine, on<br />
avait un thème, le village, le boulanger...<br />
Chacun s’exprimait à se façon, et sur une<br />
quinzaine qu’on était, il n’y avait aucune<br />
chose de pareil. <strong>Raymond</strong> m’a permis<br />
d’exprimer ce que j’avais au fond de moi.<br />
R<strong>en</strong>ée Fontaine<br />
-21-
ANDRÉ GOUIN<br />
Né <strong>en</strong> 1946 à Sénas où il vit toujours<br />
aujourd’hui.<br />
Difficile quand on doit parler d’un<br />
peintre brut de ne pas faire référ<strong>en</strong>ce<br />
à Jean Dubuffet. Résumons. L’art brut :<br />
l’art de ceux qui n’ont jamais appris le<br />
métier de peintre, l’art des fous, des<br />
prisonniers, de la France profonde, l’art<br />
<strong>en</strong> marge.<br />
Cet art si difficile à cerner, à <strong>en</strong>fermer<br />
dans les digues du discours critique,<br />
que les conservateurs des arts<br />
plastiques y perd<strong>en</strong>t leurs mots : l’art<br />
brut est tantôt singulier, indompté,<br />
irrégulier, instinctif...<br />
L’art d’André Gouin s’accommode<br />
de tous ces qualificatifs. Singulier,<br />
parce qu’il se singularise face<br />
aux productions contemporaines<br />
montrées et comm<strong>en</strong>tées dans les<br />
galeries et les musées. Indompté<br />
parce qu’il contrevi<strong>en</strong>t aux modes et<br />
aux snobismes. Indompté parce qu’il<br />
suit uniquem<strong>en</strong>t sa s<strong>en</strong>sibilité.<br />
André Gouin n’a jamais appris la<br />
peinture. Il peint depuis cinq ou six<br />
ans seulem<strong>en</strong>, guidé par sa seule<br />
passion. Mais il a fait une r<strong>en</strong>contre<br />
ess<strong>en</strong>tielle, celle de Rymond<br />
<strong>Reynaud</strong>, peintre singulier, fondateur<br />
du « mouvem<strong>en</strong>t singulier <strong>Raymond</strong><br />
<strong>Reynaud</strong> ». Ce mouvem<strong>en</strong>t est une<br />
école de contestation et de remise <strong>en</strong><br />
cause de la peinture d’aujourd’hui qui<br />
a eu le souti<strong>en</strong> de Jean Dubuffet et de<br />
Michel Thevoz. <strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong><br />
aide ceux qui vi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t travailler avec<br />
lui à découvrir ce qu’ils ont à dire et à<br />
trouver les moy<strong>en</strong>s de le dire.<br />
André Gouin s’est soumis à cette sorte<br />
de maïeutique et il a appris à connaître<br />
son monde intérieur, à savoir ce qu’il<br />
avait <strong>en</strong>vie de peindre : « les péchés<br />
capitaux », « les fables de <strong>La</strong> Fontaine »,<br />
« les masques », qui sont autant de<br />
reflets de la physionomie humaine.<br />
André Gouin, agriculteur de son métier,<br />
sait observer, se taire, pr<strong>en</strong>dre le<br />
temps de réfléchir. Il est poète sans le<br />
savoir, humoriste aussi, naïf et critique<br />
à la fois.<br />
Alice Anglade<br />
-22-
Fils d’agriculteur et voisin de <strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong>,<br />
j’ai connu Arlette et <strong>Raymond</strong> p<strong>en</strong>dant plus de<br />
tr<strong>en</strong>te ans, et à maintes et maintes reprises vu<br />
ses œuvres, attiré, intrigué et passionné par son<br />
travail, sa persévérance et sa recherche.<br />
Un jour d’automne 1985, Arlette et <strong>Raymond</strong><br />
m’ont demandé de faire un tableau, alors que<br />
je n’avais jamais peint de ma vie, j’étais d’ores et<br />
déjà dans cet art imaginaire qui vous dévore et<br />
passionne.<br />
Cela m’apporte une grande réflexion et me fait<br />
voir un monde tout autre. Dommage que je n’ai<br />
point assez de rev<strong>en</strong>u pour arrêter le travail et me<br />
consacrer tout <strong>en</strong>tier à la peinture, j’ai l’impression<br />
de perdre mon temps et ma vie au travail.<br />
Merci <strong>Raymond</strong> et Arlette.<br />
André Gouin<br />
André Gouin - Sans titre<br />
-23-
Arlette Watelet Thozet - <strong>La</strong> Colère (<strong>en</strong>cre de chine, papiers découpés et collés)<br />
ARLETTE WATELET THOZET<br />
Née <strong>en</strong> Lorraine. Vit à Miramas.<br />
Aussi loin que remonte mes souv<strong>en</strong>irs,<br />
j’ai toujours dessiné sans trop savoir<br />
pourquoi.<br />
Toute petite j’amusais ma famille <strong>en</strong><br />
dessinant une petite femme avec un<br />
chapeau à plumes et un parapluie.<br />
Adolesc<strong>en</strong>te, j’ai passé des journées<br />
<strong>en</strong>tières <strong>en</strong>fermée dans une cave peignant<br />
des morceaux de draps agrafés sur<br />
un vieil échiquier.<br />
Mariée et mère de famille, j’ai essayé de<br />
faire du merveilleux pour mes <strong>en</strong>fants.<br />
Et puis j’ai r<strong>en</strong>contré <strong>Raymond</strong>, c’était fatal<br />
! Il a été fait pour moi et pour quelques<br />
autres. J’ai laissé son univers m’absorber<br />
toute <strong>en</strong>tière, lucide et cons<strong>en</strong>tante.<br />
L’av<strong>en</strong>ture vécue au sein de ce groupe<br />
et auprès de cet étrange et étonnant<br />
personnage a été fantastique.<br />
Arlette Watelet Thozet<br />
-24-
(1931-2011)<br />
Toute petite déjà, j’aimais peindre et dessiner. Adolesc<strong>en</strong>te, j’ai été<br />
prise d’une nouvelle frénésie de peindre des paysages et autres.<br />
Une fois mariée, j’ai du cesser car je n’avais plus le temps, les<br />
<strong>en</strong>fants... et autres. C’est par une émission de télévision régionale<br />
<strong>en</strong> 1981 que j’ai connu <strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong>, de l’exist<strong>en</strong>ce de son<br />
groupe (Le Quinconce Vert).<br />
JEANNE DISDERO-REY<br />
Cela m’a bi<strong>en</strong> intéressée. Malgré ma grande timidité, j’ai pris le<br />
courage d’aller m’inscrire à ses cours. Je ne l’ai pas regretté.<br />
C’est merveilleux, il a su nous faire découvrir cette peinture<br />
personnelle qui nous vi<strong>en</strong>t de notre moi profond, notre subconsci<strong>en</strong>t.<br />
Je peins de préfér<strong>en</strong>ce le soir au mom<strong>en</strong>t où tombe la nuit<br />
avec toutes ses ombres et son mystère.<br />
Je peins avec mes <strong>en</strong>trailles, avec mon<br />
âme, avec mon souffle.<br />
Dans les couleurs, je verse l’amour des êtres<br />
qui viv<strong>en</strong>t sur cette terre, les mille traits de<br />
Dieu, les miroirs de la vie, le calme de la<br />
mort, la transpar<strong>en</strong>ce de l’oubli.<br />
Je sais que cette voie est la bonne, c’est<br />
pourquoi aujourd’hui je suis heureuse de<br />
peindre. Et jamais je ne pourrai m’<strong>en</strong> passer<br />
car ce serait être privée de parole, privée de<br />
regard sur le monde.<br />
J’avance les yeux ouverts, afin de discerner<br />
l’arrière-fond de cet univers.<br />
Jeanne Disdero-Rey<br />
Jeanne Disdero-Rey - Les signes du Zodiaque<br />
-25-
LES<br />
AMIS<br />
ARTISTES<br />
Jaber El Majoub est né <strong>en</strong> 1938 dans une<br />
famille de bergers de M’Sak<strong>en</strong> (banlieue<br />
de Sousse) <strong>en</strong> Tunisie.<br />
A l’âge de 6 ans il a perdu sa mère<br />
et a été pratiquem<strong>en</strong>t élevé par sa<br />
soeur. Il n’a pas pu fréqu<strong>en</strong>ter l’école<br />
car il devait garder les animaux pour<br />
nourrir sa famille. Il n’a donc jamais pu<br />
appr<strong>en</strong>dre à lire et écrire.<br />
En 1958 il pr<strong>en</strong>d la direction de<br />
Marseille et y travaille comme<br />
boulanger avant de monter à<br />
Paris deux ans plus tard. Les petits<br />
<strong>en</strong>fants du boulanger de la rue des<br />
Blanc-Manteaux se souvi<strong>en</strong>n<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong>core de lui, car le grand-père a<br />
soigneusem<strong>en</strong>t conservé quelques<br />
pièces de Jaber.<br />
En effet dès qu’il avait une pause, il<br />
dessinait par terre au charbon de bois<br />
et faisait cuire la pâte à pain <strong>en</strong> forme<br />
d’oiseau, de poisson ou de fleur.<br />
L’après-midi, il v<strong>en</strong>dait ses gouaches<br />
et amusait le public place St Michel.<br />
Il s’intéressait aussi à la boxe et a<br />
effectué dix-sept combats. Ses tal<strong>en</strong>ts<br />
de chanteur-auteur-compositeur<br />
lui ont ouvert les portes du Petit<br />
Conservatoire de Mireille. Il <strong>en</strong>registra<br />
deux 45 tours chez Pathé-Marconi.<br />
Quelques années plus tard, il fut<br />
découvert par une riche américaine<br />
qui l’emm<strong>en</strong>a <strong>en</strong> Amérique. Elle<br />
avait découvert à juste titre qu’il avait<br />
la carrure pour dev<strong>en</strong>ir un artiste<br />
de dim<strong>en</strong>sion internationale. Ils se<br />
marièr<strong>en</strong>t rapidem<strong>en</strong>t et Jaber ouvrit<br />
une galerie très bi<strong>en</strong> située à San Francisco.<br />
Au bout de quelques mois, la galerie<br />
était dev<strong>en</strong>ue le lieu de r<strong>en</strong>dez-vous<br />
de tous les adeptes de la scène Flower<br />
Power. L’aspect commercial de l’affaire<br />
ne l’intéressait pas. Il préférait offrir ses<br />
travaux aux visiteurs.<br />
En 1971, il obtint le premier prix de<br />
peinture parmi 800 candidats au<br />
Plainfield Art Festival.<br />
Il devint célèbre, mais son mariage fut<br />
un échec.<br />
JABER<br />
De retour à Paris il exposa <strong>en</strong> 1977<br />
à l’American C<strong>en</strong>ter of Artists, ce qui<br />
relança sa carrière à Paris. Ses amis et<br />
collectionneurs le fir<strong>en</strong>t participer ou<br />
organisèr<strong>en</strong>t pour lui de nombreuses<br />
expositions prestigieuses.<br />
Il <strong>en</strong>tra dans bon nombre de collections<br />
privées et publiques de par le<br />
monde et figure aujourd’hui dans tous<br />
les musées consacrés à l’art brut ou<br />
outsider.<br />
Comme pour de nombreux artistes, sa<br />
période de gloire connut son déclin<br />
avec la crise de la fin des années<br />
1990. Les galeries qui le déf<strong>en</strong>dai<strong>en</strong>t<br />
disparur<strong>en</strong>t.<br />
Au lieu de se lam<strong>en</strong>ter, il prit son sort<br />
<strong>en</strong> main <strong>en</strong> v<strong>en</strong>dant à nouveau ses<br />
gouaches cette fois dans le quartier<br />
Beaubourg, nouveau haut lieu de l’art<br />
contemporain.<br />
-26-
Une peinture de Jaber se lit comme un rébus, ou comme on déchiffre une carte de<br />
corsaire, avec tous ses détails à décrypter dans tous les coins. <strong>La</strong>ur<strong>en</strong>t Danchin<br />
Jaber - Tête<br />
-27-
-28-
DANIELLE JACQUI<br />
Danielle Jacqui, dite « Celle qui peint », est une<br />
peintre et sculptrice , née le 1er janvier 1934 à Nice.<br />
Elle vit à Roquevaire (Bouches-du-Rhône, où<br />
elle est célèbre pour avoir <strong>en</strong>tièrem<strong>en</strong>t décoré<br />
sa maison.<br />
Fondatrice du festival d’art singulier de Roquevaire,<br />
elle est l’une des plus emblématiques<br />
figures de ce mouvem<strong>en</strong>t issu de l’art brut et<br />
de l’ art hors-les-normes.<br />
Danielle Jacqui naît d’un père joaillier et d’une<br />
mère militante féministe. <strong>La</strong> rapide séparation<br />
de ses par<strong>en</strong>ts constitue un déchirem<strong>en</strong>t<br />
à la suite duquel elle est placée <strong>en</strong> p<strong>en</strong>sion,<br />
pour être finalem<strong>en</strong>t confiée à un couple<br />
d’instituteurs <strong>en</strong> 1945.<br />
Elle est alors formée à la méthode Freinet à<br />
Saint-Remy-de-Prov<strong>en</strong>ce, ce qui marquera durablem<strong>en</strong>t<br />
son travail par le développem<strong>en</strong>t<br />
d’une énergie de libre expression.<br />
À la fin de la seconde, elle doit arrêter ses<br />
études et épouse, à l’âge de 18 ans, un maçon<br />
dont elle aura quatre <strong>en</strong>fants.<br />
À la suite de son divorce <strong>en</strong> 1970, elle devi<strong>en</strong>t<br />
brocanteuse, métier qui lui donne le goût de la<br />
récupération.<br />
À partir de 1971, elle <strong>en</strong>tame une production<br />
de peintre qu’elle comm<strong>en</strong>ce à montrer.<br />
En 1976, lors de sa première exposition à<br />
Marseille, elle découvre les li<strong>en</strong>s qui exist<strong>en</strong>t<br />
<strong>en</strong>tre son travail et ceux des autres artistes<br />
« <strong>en</strong> marge » et, <strong>en</strong> 1981, après une visite<br />
au musée Robert Tatin, elle débute l’œuvre<br />
monum<strong>en</strong>tale qui la r<strong>en</strong>dra célèbre : la décoration<br />
de sa propre maison, dont le principe est<br />
de ne pas laisser un seul c<strong>en</strong>timètre carré sans<br />
son interv<strong>en</strong>tion <strong>en</strong> peinture, mosaïques, etc.<br />
En 1990, elle fonde et organise le festival d’art<br />
singulier de Roquevaire, puis d’Aubagne<br />
À partir de novembre 2006 , elle est invitée à<br />
réaliser un « Colossal d’art brut » à Aubagne.<br />
Le travail de Danielle Jacqui est représ<strong>en</strong>té<br />
dans des lieux et collections concernant<br />
l’art singulier : lla Fabuloserie (Dicy), le Site<br />
de la Création Franche (Bègles), le musée<br />
international d’art naïf Anatole Jakovsky (Nice).<br />
-29-
RE<br />
MERCI<br />
EMENTS<br />
Christophe Lespilette,<br />
Service culturel de la ville d’Arles,<br />
Jean-Claude Caire,<br />
Bulletin des amis de François Oz<strong>en</strong>da<br />
<strong>La</strong>ur<strong>en</strong>t Danchin,<br />
Amis de Mycelium,<br />
Jean-Michel Zazzi.<br />
Les citations de <strong>La</strong>ur<strong>en</strong>t Danchin sont extraites du livre :<br />
“Aux frontières de l’art brut, Le Livre d’art”, Collection Mycelium, 2014<br />
Avec le souti<strong>en</strong> du service culturel de la ville d’Arles<br />
-30-
CONTACT<br />
Association des Amis du Singulier <strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong><br />
464, Boulevard Saint Roch<br />
84240 <strong>La</strong> Tour d’Aigues.<br />
Tél : 04 90 68 21 75<br />
06 10 97 54 90<br />
06 26 97 91 88<br />
<strong>Raymond</strong> <strong>Reynaud</strong> sur Internet :<br />
http://reynaud.raymond.free.fr/<br />
https://www.facebook.com/AssociationdesAmisduSingulier<strong>Raymond</strong><strong>Reynaud</strong>/<br />
https://fr.pinterest.com/sonolor/raymond-reynaud/<br />
-31-