FINAL
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LA<br />
FORCE<br />
EN<br />
DEDANS<br />
Raymond Reynaud et l’art singulier<br />
DESSINS, PEINTURES, SCULPTURES
-2-
LA<br />
FORCE<br />
EN<br />
DEDANS<br />
Raymond Reynaud et l’art singulier<br />
En avril 2017, l’Association des Amis du Singulier<br />
Raymond Reynaud, avec la collaboration du service<br />
culturel de la mairie d’Arles, organise une exposition<br />
autour de l’oeuvre et du travail pédagogique de l’artiste<br />
Raymond Reynaud. Cette exposition prendra<br />
place dans le cadre de l’Eglise des Frères Prêcheurs.<br />
En 2003 déjà, la mairie d’Arles avait soutenu un<br />
évènement entièrement dédié à cet artiste. Avec<br />
cette nouvelle exposition, seront présentés un choix<br />
de peintures et de sculptures représentatives du travail<br />
de ce singulier de l’art en regard d’une sélection<br />
de travaux réalisés par certains de ses élèves (Martine<br />
Bayle, Jeanne Disdero, Renée Fontaine, André Gouin,<br />
Arlette Watelet Thozet) à l’Atelier du Quinconce Vert,<br />
que Raymond Reynaud anima de 1977 à 1990. En<br />
parallèle, pour illustrer le rayonnement de l’oeuvre<br />
de Raymond Reynaud, des oeuvres réalisées<br />
par certains des artistes avec lesquels il entretint<br />
de fructueux échanges tout au long de sa vie, tels<br />
Jaber, Danielle Jacqui et Fernand Michel. Enfin, une<br />
salle tentera de recréer l’esprit « cabinet de curiosités<br />
» d’une des pièces de la maison de l’artiste dans<br />
laquelle il accrochait dans un ordre aléatoire les dessins,<br />
peintures et sculptures troqués ou offerts par ses<br />
amis artistes, tels Pakito Bolino, Paul Duchein, Bruno<br />
Montpied, Marie Morel, Gérard Nicollet et beaucoup<br />
d’autres encore.<br />
-3-
L'ART<br />
INVENTIF<br />
SON ÉCOLE<br />
RAYMOND REYNAUD<br />
La Provence riche d’un passé artistique et d’un foisonnement de courants d’expression plastique,<br />
autant autochtones qu’extérieurs, a vu apparaître voilà un quart siècle, l’Art Inventif, un concept<br />
imaginé par Raymond Reynaud.<br />
-4-<br />
Ce passionné de peinture, également musicien, suivit tout d’abord l’enseignement des Beaux-arts<br />
à Salon, puis se perfectionna au cours de stages dans la capitale. Face au savoir-faire traditionnel<br />
rapidement un blocage et une impossibilité de peindre s’installera durant des années. Puis la<br />
découverte des travaux d’artistes naïfs et des œuvres de Gaston Chaissac l’amenèrent à comprendre<br />
que l’imaginaire devait se libérer d’un savoir-appris et d’une technique emprisonnant<br />
la spontanéité. Il élaborera alors sa propre expression artistique. Sans le savoir, à l’époque, il<br />
rejoignait déjà les préoccupations identiques de Jean Dubuffet, du groupe Cobra, des Hors-lesnormes,<br />
des Singuliers et de bien d’autres artistes de ces dernières décennies.<br />
Comme eux, tâtonnant, il cherchera un langage plastique qui rende au mieux sa vision du monde.<br />
Il forgera les propres outils de son expression artistique. Tel un enfant attentif et émerveillé,<br />
il redécouvrira alors le monde. Ainsi, une série de gouaches évoque avec délectation foires et<br />
cirques, fanfares, orchestres et divas. Devenu chantre de l’homme du commun, il revisite l’art<br />
populaire. Pour impressionner le spectateur, le lion ne doit-il pas être dix fois plus grand que le<br />
dompteur et la diva avoir une bouche capable d’avaler tout un orchestre ?<br />
Ces observations de la vie au quotidien lui serviront de point de départ pour une quête initiatique<br />
de plus en plus exigeante. Son œuvre s’avancera toujours plus avant dans la recherche du<br />
mystique, du sacré, du besoin d’absolu. Dans sa série des péchés capitaux, il explore à travers une<br />
mise en scène des plus évocatrices, les turpitudes de la nature humaine, tandis que sa longue<br />
fresque « la danse macabre », témoigne de notre lente déchéance jusqu’à la mort inévitable.
Dans sa représentation de son Don<br />
Quichotte où dit-il : «J’ai voulu interroger<br />
notre culture méditerranéenne et retrouver<br />
nos racines profondes», comment ne pas<br />
y voir cette éternelle dualité de l’homme<br />
évoluant entre utopies et réalités terrestres.<br />
La Provence riche d’un passé artistique et<br />
d’un foisonnement de courants d’expression<br />
plastique, autant autochtones qu’extérieurs,<br />
a vu apparaître voilà un quart siècle, l’Art<br />
Inventif, un concept imaginé par Raymond<br />
Reynaud.<br />
Ce passionné de peinture, également<br />
musicien, suivit tout d’abord l’enseignement<br />
des Beaux-arts à Salon, puis se perfectionna<br />
au cours de stages dans la capitale. Face<br />
au savoir-faire traditionnel rapidement un<br />
blocage et une impossibilité de peindre<br />
s’installera durant des années. Puis la<br />
découverte des travaux d’artistes naïfs et<br />
des œuvres de Gaston Chaissac l’amenèrent<br />
à comprendre que l’imaginaire devait<br />
se libérer d’un savoir-appris et d’une<br />
technique emprisonnant la spontanéité.<br />
Il élaborera alors sa propre expression<br />
artistique. Sans le savoir, à l’époque, il rejoignait<br />
déjà les préoccupations identiques<br />
de Jean Dubuffet, du groupe Cobra, des<br />
Hors-les-normes, des Singuliers et de bien<br />
d’autres artistes de ces dernières décennies.<br />
Comme eux, tâtonnant, il cherchera un langage<br />
plastique qui rende au mieux sa vision<br />
du monde. Il forgera les propres outils de<br />
son expression artistique. Tel un enfant<br />
attentif et émerveillé, il redécouvrira alors<br />
le monde. Ainsi, une série de gouaches<br />
évoque avec délectation foires et cirques,<br />
fanfares, orchestres et divas. Devenu chantre<br />
de l’homme du commun, il revisite l’art populaire.<br />
Pour impressionner le spectateur, le<br />
lion ne doit-il pas être dix fois plus grand<br />
que le dompteur et la diva avoir une bouche<br />
capable d’avaler tout un orchestre ?<br />
Ces observations de la vie au quotidien lui<br />
serviront de point de départ pour une quête<br />
initiatique de plus en plus exigeante. Son<br />
œuvre s’avancera toujours plus avant dans la<br />
recherche du mystique, du sacré, du besoin<br />
d’absolu. Dans sa série des péchés capitaux,<br />
il explore à travers une mise en scène des<br />
plus évocatrices, les turpitudes de la nature<br />
humaine, tandis que sa longue fresque « la<br />
danse macabre », témoigne de notre lente<br />
déchéance jusqu’à la mort inévitable. Dans<br />
sa représentation de son Don Quichotte où<br />
dit-il : «J’ai voulu interroger notre culture<br />
méditerranéenne et retrouver nos racines<br />
profondes», comment ne pas y voir cette<br />
éternelle dualité de l’homme évoluant<br />
entre utopies et réalités terrestres.<br />
-5-
Face à cette désespérante réalité, émergent des<br />
compositions très architecturées, des mandalas<br />
chargés de mysticisme. A ce niveau-là, il rejoint<br />
ce que Jung avance devant les peintures symboliques<br />
indiennes ou tibétaines : “L’artiste n’y<br />
dépeint pas la froide imagerie de quelques traités<br />
d’iconographie, mais il y déverse les fantasmes de<br />
son ego, subconscient dont il peut à la fois prendre<br />
connaissance et se libérer<br />
A travers ses rapports à la création plastique,<br />
proches des traditions du compagnonnage, on<br />
conçoit que tout naturellement il ait voulu partager<br />
son expérience. Une nécessité intérieure l’a<br />
poussé vers les autres pour les amener vers une<br />
expression plastique la plus authentique possible,<br />
libérée du formalisme et de la tradition.<br />
Ainsi, en 1976 à la Maison de la Culture de<br />
Salon-de-Provence, il fonde un groupe expérimental<br />
de peintres : “Le Quinconce -Vert”. Là, durant<br />
une quinzaine d’années, assez curieusement une<br />
centaine de femmes, plus stagiaires qu’élèves,<br />
vont à son contact désapprendre traditions et<br />
ritualisme des beaux-arts. Initiateur attentif, il va<br />
sans cesse insister sur le rôle de la réinvention.<br />
Pour cela il fait appel aux rêves, à l’imaginaire le<br />
plus débridé, aux analogies avec la musique ainsi<br />
qu’à d’autres disciplines.<br />
l’autre révèle des similitudes proches de celle de<br />
l’analyste.<br />
En 1989, il arrête I’ “enseignement collectif’, pour<br />
se consacrer à un échange plus étroit entre maître<br />
et élève. En même temps, une remise en question<br />
sur la créativité aboutit au “Mouvement Raymond<br />
Reynaud”.<br />
Toujours soumis à de perpétuelles interrogations,<br />
il a avancé dans son existence, construisant sa<br />
propre cosmogonie vers la lumière d’un ailleurs,<br />
assurément secret. Il laisse une œuvre majeure<br />
dans la mouvance de l’art singulier, comme de l’art<br />
tout court, heureusement préservée par l’association<br />
des Amis de Raymond Reynaud. Mais dans<br />
l’aventure de la Singularité il reste aussi le maître<br />
de Sénas, celui qui a amené des centaines d’élèves<br />
sur les voies d’une création autre libérée de bien<br />
des formalismes.<br />
Jean-Claude Caire, 20 juin 2016<br />
Dans son “enseignement “ des plus spécifiques,<br />
il cherche à amener ses “élèves” sur la voie d’une<br />
création impliquant toute leur personnalité.<br />
Certains le comparent à un maïeuticien, aidant<br />
à l’éclosion, à la libération du potentiel de création<br />
de tout individu, mais sa relation aussi avec<br />
-6-
QU’EST-CE<br />
QUE L’ART<br />
SINGULIER<br />
Si l’art singulier ne se laisse pas enfermer facilement par<br />
une définition, il est également difficile de dater avec<br />
précision l’apparition de ce terme. La plupart des spécialistes<br />
s’accordent cependant pour l’associer à la mythique<br />
exposition organisée en 1978 au musée d’art moderne de la<br />
ville de Paris par Alain Bourbonnais et Michel Ragon. Si une<br />
définition exacte semble lointaine, un certain nombre de constantes<br />
se retrouve néanmoins chez la plupart des créateurs<br />
dits singuliers. Si certains sont autodidactes, d’autres ont reçu<br />
une formation académique, mais s’en sont ensuite très vite<br />
détournés au profit d’une démarche beaucoup plus personnelle.<br />
Les productions d’un artiste singulier, lorsque ce dernier<br />
ne cède pas à des facilités que dénonçait avec vigueur Raymond<br />
Reynaud, répondent d’abord à un besoin vital de création. Un<br />
besoin qui le pousse à emprunter des voies différentes pour<br />
parvenir à exprimer son monde intérieur. Il découvre et invente<br />
souvent ses propres techniques picturales au fur et à mesure que<br />
son univers imaginaire s’affirme.<br />
?<br />
Plus souple que la notion d’art brut, moins puriste et<br />
restrictif, c’est aujourd’hui le concept d’ «art singulier» qui semble en fait<br />
le meilleur équivalent français de la notion d’art outsider.<br />
Laurent Danchin<br />
-7-
-8-
RAYMOND<br />
REYNAUD<br />
Révélateur d’âmes<br />
Raymond Reynaud, était un artiste, un vrai,<br />
mais aussi un formidable révélateur d’âmes<br />
pour ceux qui acceptaient de s’engager à<br />
ses côtés au sein de l’atelier du Quinconce<br />
Vert. Il savait accompagner tses « élèves »<br />
jusqu’aux tréfonds d’eux-mêmes, là où la<br />
peinture n’était plus une simple activité de<br />
peintre du dimanche, mais devenait une<br />
aventure tant plastique que spirituelle.<br />
Mais c’était aussi un bon copain, avec qui<br />
on pouvait parler d’art, de cuisine ou de<br />
jardinage. Avec ses mots inimitables, sa<br />
bonhomie naturelle, il parlait plus juste que<br />
bien des intellectuels patentés.<br />
Nous nous étions rencontrés en 1991 alors<br />
que je venais d’arriver dans la région. A<br />
Caphan, chez Renée Fontaine, je lui avais<br />
montré mon travail. Et bien que ne faisant<br />
pas partie du cercle d’artistes singuliers issus<br />
du Quinconce Vert, l’atelier qu’il avait animé<br />
avec rigueur et passion pendant 15 années<br />
à Salon-de-Provence, il avait accepté mes<br />
collages au sein de l’exposition collective<br />
“Peintures singulières” à Saint Martin de<br />
Crau.<br />
-9-
A de multiples occasions, nos chemins<br />
se sont ensuite croisés lors<br />
de visites à sa maison atelier de<br />
Sénas, que j’ai fait découvrir à mes<br />
proches ainsi qu’à de très nombreux<br />
amis, ou lors de sa première<br />
exposition arlésienne en 2003.<br />
Raymond avait aussi eu la gentillesse<br />
de m’organiser une exposition<br />
individuelle à Sénas au Cellier Saint<br />
Augustin, cave à vins transformée<br />
pour l’occasion en galerie d’art.<br />
Raymond Reynaud avait cette<br />
faculté rare de pouvoir entrer en<br />
contact avec des gens d’âge et<br />
de milieu très différents tout en<br />
restant toujours lui-même, fidèle<br />
à sa vision d’un art inspiré, authentique<br />
et sauvagement mystique.<br />
Il voulait sans cesse aller plus loin<br />
dans sa peinture, était rarement<br />
satisfait, poursuivant sa quête perpétuelle<br />
d’une peinture « vraie » et<br />
authentique.<br />
Mais loin d’être centré sur son<br />
seul travail, il aidait les artistes qui<br />
l’approchaient à progresser, à se<br />
frayer un chemin au cœur de leur<br />
imaginaire. Il était très méfiant envers<br />
les profiteurs, les rapaces, les<br />
capitalistes, les pollueurs, les magouilleurs,<br />
ceux qui représentaient<br />
à ses yeux le pouvoir de l’argent.<br />
Gérard Nicollet<br />
-10-
UN ART VISCÉRAL, ÉCORCHÉ, ÉLECTRIQUE, DONT LE GRAPHISME TREMBLÉ, LA FRAGMENTATION<br />
INFINIE DE L’IMAGE, LES SYMÉTRIES APPROXIMATIVES À MAIN LEVÉE OU LES EFFETS BIZARRES<br />
D’ENCADREMENTS DÉCORATIFS FONT TOUT LE CHARME ÉTRANGE ET DÉROUTANT.<br />
LAURENT DANCHIN<br />
-11-
BIOGRAPHIE<br />
Raymond Reynaud est né le 8 octobre 1920 à Salonde-Provence.<br />
Il est le fils de François Reynaud et de<br />
Charlotte Vouland, commerçants en grains et fourrages.<br />
Raymond perd sa mère vers l’âge de douze ans et<br />
sera élevé par sa « marâtre » après le remariage de<br />
son père.<br />
Peintre, sculpteur et plasticien français, proche de<br />
la démarche artistique de Jean Dubuffet, il s’inscrit<br />
dans le mouvement de l’art singulier maïeutique.<br />
Grand admirateur de Chaissac et de l’art brut, il se<br />
définissait lui-même comme un artiste « singulier ».<br />
En 1934, il entre en apprentissage de peintre en bâtiment,<br />
ayant échoué au certificat d’études.<br />
De 1935 à 1939, il suit parallèlement les cours du<br />
soir de peinture-décoration, d’anatomie, de fusain<br />
et de crayon à l’école d’art de Salon, où enseignent<br />
des artisans bénévoles. Il obtient un premier prix de<br />
dessin anatomique et un troisième prix de fusain.<br />
Bouleversé par la découverte d’un nu cubiste de Picasso,<br />
il continue à peindre des paysages provençaux<br />
dont il n’est pas satisfait. Par suite de problèmes<br />
cardiaques, il est réformé au conseil de révision.<br />
De 1938 à 1944, il travaille comme peintre de lettres<br />
au camp d’aviation de Salon et il étudie le saxophone<br />
et le solfège. Il anime de nombreux bals pendant<br />
cinq ans (Donald et ses Boys, puis Right Music, Bikini<br />
Jazz et Atomic Jazz), gagnant assez d’argent pour<br />
s’établir à son compte.<br />
-12-
En 1949, il devient artisan peintre à<br />
Sénas où il exercera cette activité pendant<br />
dix-sept ans. Il prend l’habitude,<br />
quand il termine un chantier, de laisser<br />
une de ses peintures au-dessus de la<br />
cheminée.<br />
temps de réflexion, se sentant bloqué<br />
et prisonnier d’un système.<br />
En 1959, il épouse Arlette Roux,<br />
membre du groupe des Alpilles. Le<br />
couple s’installe à Orgon.<br />
sept péchés capitaux, les cirques, les<br />
fanfares.<br />
En 1973, première exposition<br />
personnelle à la mairie de<br />
Saint-Maximin.<br />
En 1950, sur le conseil d’un instituteur,<br />
Jean-Marie Serre, il suit un premier<br />
stage d’arts plastiques auprès de peintres<br />
travaillant dans le courant de l’Ecole<br />
de Paris.<br />
Jusqu’en 1980, devenu lui-même<br />
animateur, il suivra de nombreux stages<br />
à Marly-le-Roi, Dinan et Boulouris, dans<br />
le cadre des Académies Populaires ou<br />
d’associations liées à la Fédération Léo<br />
Lagrange. Ses instructeurs sont Lucien<br />
Lautrec, Gilles Duché, Renée David et<br />
Pierre Hussenot.<br />
En 1952, il fonde le Groupe d’arts plastiques<br />
des Alpilles sous la direction<br />
de la fédération des Académies populaires<br />
d’arts plastiques et y reste<br />
jusqu’en 1957. La direction nationale<br />
des Académies populaires, présidée<br />
par Lucien Lautrec, contribue à cette<br />
époque à la formation d’un grand<br />
nombre d’artistes, tant à Paris qu’en<br />
province.<br />
Pendant dix ans de 1958 à 1968, il<br />
arrête ses activités plastiques pour un<br />
En 1964, ils déménagent au Quartier<br />
de la Peyronnette à Sénas.<br />
En septembre 1965 il met fin à son<br />
entreprise d’artisan-peintre, affaibli par<br />
de graves problèmes de santé (jusqu’à<br />
la retraite, il percevra une pension). Dix<br />
ans de dépression s’en suivent.<br />
En 1968, il se remet au dessin puis à<br />
la peinture, sous le choc de la découverte<br />
des naïfs yougoslaves et de<br />
Gaston Chaissac, au musée des Ponchettes,<br />
à Nice. Son œuvre personnelle<br />
commence. Il travaille par thèmes<br />
ou par séries : les quatre saisons, les<br />
En 1976, il participe à une exposition<br />
«Autour de Chaissac» à l’abbaye<br />
St-Pierre de Maillezais, en Vendée.<br />
En 1977, il crée et anime un atelier de<br />
peinture pour adultes Le Quinconce<br />
Vert à Salon-de-Provence. Cet atelier<br />
donne une formation artistique à des<br />
personnes sans expérience dans les<br />
arts plastiques ou non satisfaites de<br />
l’enseignement académique. Le but de<br />
Raymond Reynaud est de travailler sur<br />
l’imaginaire et de le faire déboucher sur<br />
une expression plastique singulière.<br />
Il travaille ses premiers totems et<br />
assemblages de bois récupérés dans<br />
les ‘bordilles’, les berges de la Durance.<br />
Jean Dubuffet lui apporte ses<br />
encouragements, de même que Michel<br />
Thévoz, conservateur de la Collection de<br />
l’art brut de Lausanne.<br />
En 1979, il expose au Couvent Royal de<br />
St Maximin, organisée par Jean-Claude<br />
Caire, avec la participation de Frédéric<br />
Altmann.<br />
-13-
En août 1980, il visite la Collection de l’Art Brut de Lausanne<br />
et rencontre Michel Thévoz.<br />
De 1980 à 1981, il travaille sur une série intitulée « Les<br />
grandes Figures » dans laquelle il réinvente le portrait en peignant<br />
des visages qui occupent la toile entière.<br />
Le 8 avril 1982, il reçoit une lettre d’encouragement de Jean<br />
Dubuffet. Par la suite, les travaux de Raymond Reynaud<br />
entreront dans la collection Neuve Invention à Lausanne<br />
(collection annexe de l’art brut).<br />
En 1984, il envoie deux sculptures à Lausanne.<br />
En 1985, après quatre années de travail, il termine le polyptyque<br />
« Jean de Florette », inspiré des personnages du roman<br />
de Marcel Pagnol.<br />
En 1986, il entre en contact avec Madeleine Lommel de<br />
l’Aracine, Alain Bourbonnais de La Fabuloserie et Françoise<br />
Henrion d’Art en Marge, à Bruxelles.<br />
En 1987, il rend visite à Chomo, dans la forêt de Fontainebleau.<br />
Le 20 septembre 1988, il est opéré du cœur à l’hôpital de La<br />
Timone à Marseille.<br />
En 1989, l’œuvre de Reynaud fait l’objet d’un mémoire de<br />
maîtrise rédigé par Alice Splimont-Anglade et soutenu à la<br />
faculté Paul Valéry de Montpellier sous le titre de « Raymond<br />
Reynaud, peintre singulier ». C’est la première fois qu’un<br />
peintre singulier est représenté à l’université. Ces travaux de<br />
recherche ont été dirigés par le professeur et historien de l’art<br />
Marie-Domitille Porcheron.<br />
L’année 1990 voit la création du Mouvement singulier<br />
Raymond Reynaud à Sénas et la dissolution de l’atelier du<br />
Quinconce Vert. Ce mouvement regroupe des élèves ou des<br />
peintres dans la mouvance de l’art singulier. La même année,<br />
sa Maison Musée à Sénas, où l’artiste habite avec son épouse<br />
Arlette et où sont installées des centaines de tableaux et<br />
de sculptures, est répertoriée dans le livre de Claude Arz, le<br />
« Guide de la France insolite » aux éditions Hachette- 1995.<br />
De 1992 à 1994 : polyptyque sur le thème du Don Quichotte<br />
de Cervantès.<br />
En 1993, sort un documentaire de Stéphane Jean-Baptiste,<br />
Pascale Massicot et Eric Potte (Art et Communication, Nevers)<br />
« Raymond Reynaud : le troisième cerveau ».<br />
En 1993, deux tableaux sont envoyés à la Collection de l’art<br />
brut de Lausanne.<br />
D’octobre 1995 à juillet 1996, Don Quichotte est présenté<br />
dans Art Brut & Compagnie, à la Halle Saint Pierre, à Paris.<br />
En 1995, création de l’Association des Amis de Raymond<br />
Reynaud. Un projet de musée et de fondation voir le jour<br />
mais n’aboutira pas faute de moyens financiers.<br />
Le 21 avril 1996, visite d’une délégation du Folk Art Museum<br />
de New York guidée par Chris Cappiello et Beth Bergin.<br />
En 1998, il participe à la réalisation de « Hôpital brut », un film<br />
d’animation du collectif « Le dernier cri » diffusé sur Canal +.<br />
Depuis les années 1980, il est l’objet de nombreux articles<br />
dans la presse culturelle et de reportages télévisés. En effet,<br />
l’universitaire spécialiste de l’art brut et singulier Laurent<br />
Danchin consacre plusieurs analyses de ses travaux dans<br />
le magazine d’art anglais Raw Vision (cette publication périodique<br />
a obtenu le Prix Camera de l’UNESCO de meilleur<br />
magazine d’Art en 1998).<br />
En 1999, Alain Paire édite « Raymond Reynaud, un singulier<br />
de l’art » (En Manœuvres Editions, Marseille).<br />
En 2000 il termine sa ‘monumentoile’ Pierrot des lunes (4m<br />
x 3m) pour les Ateliers Publics d’Allonnes.<br />
-14-
Raymond Reynaud est présenté aux côtés d’autres<br />
artistes sur Arte lors du Théma « Les allumés de l’art<br />
brut ».<br />
En octobre et novembre 2001, rétrospective à Martigues.<br />
En janvier et février 2003, exposition à l’Espace<br />
Van Gogh, à Arles.<br />
D’avril à juin 2004, exposition au Château des Templiers<br />
de Gréoux-les-Bains.<br />
Le 10 juillet 2007, Raymond Reynaud décède<br />
à Cavaillon, soit trois jours avant le début d’une<br />
exposition rétrospective, présentant plus de<br />
cinquante années de création, au château de<br />
l’Empéri à Salon-de-Provence.<br />
Après son décès, il fait l’objet de nombreux hommages<br />
dont l’inauguration d’un square à son nom<br />
le 28 septembre 2007 et d’une statue en présence<br />
de l’actrice Andréa Ferréol le 21 mai 2008 à Sénas.<br />
Il a réalisé aussi d’étranges mandalas d’un graphisme<br />
électrique qui n’est pas sans rapport avec<br />
les problèmes nerveux dont il se plaignait.<br />
On doit fuir le calculé, le professionnel, le peintre doit aller vers le spontané, le<br />
mystérieux, le fantasme, le rêve, véritables langages primitifs et naturels des<br />
communications universelles.<br />
-15-
LE<br />
QUIN<br />
CONCE<br />
VERT<br />
Raymond Reynaud anima<br />
l’atelier du Quinconce Vert de<br />
1977 à 1990. Cet atelier était<br />
original car il était ouvert à des<br />
personnes de formations diverses<br />
issues de milieux sociaux très<br />
variés.<br />
Il apportait une formation<br />
plastique à des gens qui n’avaient<br />
jamais peint ou qui étaient mal<br />
à l’aise dans les écoles traditionnelles.<br />
La majorité des participants étaient<br />
des femmes, seuls quelques<br />
hommes étaient présents.<br />
Le but de son fondateur était de<br />
révéler l’imaginaire présent en<br />
chacun des élèves à travers une<br />
expression plastique singulière et<br />
personnelle.<br />
Jean Dubuffet apporta ses<br />
encouragements à cet atelier,<br />
de même que Michel Thévoz,<br />
conservateur de la collection d’art<br />
brut de Lausanne.<br />
-16-
J’ai créé mon école pour plusieurs raisons...<br />
D’abord je pensais que je pouvais apprendre à dessiner et<br />
à peindre à ceux qui en avaient le désir, ensuite, je trouvais<br />
qu’il fallait défendre la bonne peinture et amener les gens<br />
à distinguer une œuvre valable d’un tableau médiocre.<br />
L’école a été fondée avec l’accord de la MJC de Salon.<br />
Nous l’avons appelée “Le Quinconce Vert”.<br />
Elle a fonctionné avec un nombre d’élèves important.<br />
Au bout de quelques années, j’ai estimé que le travail<br />
stagnait et qu’il fallait avoir de plus grandes exigences.<br />
J’ai donc augmenté la difficulté.<br />
Certains se sont découragés, le nombre des<br />
élèves s’est réduit. C’est un bien :<br />
la qualité est plus grande.<br />
Soucieux de maintenir ce<br />
niveau, j’ai décidé d’arrêter mon<br />
enseignement à la MJC.<br />
Cependant je ne renonce pas<br />
à faire travailler ceux qui sont<br />
désireux de poursuivre avec moi :<br />
le groupe se restreint et se donne<br />
d’autres exigences.<br />
C’est tout et c’est bien. Désormais,<br />
il s’appelle : “Mouvement<br />
Singulier Raymond Reynaud”<br />
Raymond Reynaud<br />
Affiche du Quinconce Vert (1984)<br />
-17-
LES<br />
ÉLÉVES<br />
MARTINE BAYLE<br />
Née en 1949 à Sénas<br />
Martine Bayle est une coloriste de grand<br />
talent qui, avec une maîtrise parfaite des<br />
graphismes et des harmonies, sait, en<br />
très peu de couleurs donner l’impression<br />
d’une grande explosion de tonalités.<br />
Jeanine Rivais<br />
J’ai pensé à Raymond Reynaud parce<br />
que je le connaissais par le biais des<br />
élèves que j’avais eu, qui trouvaient<br />
que c’était quelqu’un de rigoureux dans<br />
le travail, même peut-être un peu trop,<br />
finalement était venu le moment où j’en<br />
avais besoin et que je l’acceptais, et j’ai<br />
été voir Raymond Reynaud. La première<br />
chose qu’il m’a demandé c’est : « Vous<br />
êtes venu me voir pourquoi ? ».<br />
Et là ça été la grande surprise parce que<br />
je n’avais pas pensé du tout à ce qu’on me<br />
pose comme ça brutalement la question,<br />
et que finalement c’était la question profonde<br />
que j’aurais du me poser, et je me<br />
suis entendue dire : « J’ai un problème<br />
de fond et de forme ». Il m’a demandé<br />
si j’acceptais de lui montrer mon travail,<br />
et en lui montrant mon travail, ce dont<br />
il s’est aperçu et qui était flagrant, c’est<br />
qu’en fait la forme avait vraiment pris la<br />
place du fond et que ça s’était inversé.<br />
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Il m’a dit : « Ce qui va être gênant chez vous, c’est<br />
votre métier, vous avez un parcours classique, vous<br />
avez fait les beaux-arts, vous avez été enseignante,<br />
donc vous avez un discours culturel sous une certaine<br />
forme, et est-ce que vous allez être capable<br />
d’enlever toute certitude et de travailler sur un trait,<br />
la qualité d’un trait par rapport à une émotion, de<br />
rester très prêt de cette chose là ».<br />
Et effectivement, ça été très dur parce que je ne<br />
m’étais jamais aperçu que le passé culturel et le<br />
savoir faire avaient pesé si lourd dans la balance.<br />
Je pense que quand Raymond dit « J’amène les<br />
gens vers l’art singulier », je pense qu’il veut dire,<br />
j’amène les gens depuis où ils sont, dans leur<br />
culture, avec ce qu’ils sont, et ce qu’ils ont acquis,<br />
de trop, de pas assez, et en trouvant le fil conducteur<br />
propre à chacun. Il a un côté très intuitif qui<br />
fait qu’il sent très bien qu’il y a ce petit fil conducteur,<br />
il le découvre, et il vous le fait découvrir<br />
après, et il vous amène petit à petit à vous faire<br />
reconnecter avec vos possibilités profondes. Même<br />
si c’est quelque chose qui ne va pas sortir sous<br />
une forme jolie, esthétique, c’est quelque chose<br />
qui vous appartient profondément, qui ne lui<br />
appartient pas, et finalement être singulier c’est<br />
être profondément original.<br />
Martine Bayle<br />
Extrait de « La force en dedans » (2000),<br />
documentaire de Jean-Michel Zazzi<br />
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-20-<br />
Une oeuvre de Renée Fontaine
RENÉE FONTAINE<br />
Née en 1936. Vit à Saint-Martin-de-Crau.<br />
Institutrice à la retraite.<br />
Peintre amateur de reproductions ou de<br />
paysages, elle avait cessé de peindre en<br />
1975, ne trouvant plus les moyens de<br />
progresser dans son travail.<br />
En 1982, elle rencontre Raymond Reynaud<br />
à l’occasion d’une conférence<br />
destinée aux enseignants où ce dernier<br />
présente sa conception de la peinture.<br />
Depuis, Renée Fontaine a fréquenté<br />
l’atelier du Quinconce Vert jusqu’à sa<br />
fermeture. La peinture est pour elle un<br />
moyen d’aller chercher au plus profond<br />
d’elle-même l’émotion ressentie face au<br />
monde, et de l’exprimer avec des couleurs<br />
et des formes, au delà des mots et<br />
des apparences, pour mieux s’en libérer<br />
et retrouver une forme de sérénité.<br />
En octobre 1983, j’ai rencontré Raymond<br />
à une journée pédagogique dans le<br />
cadre des maternelles. J’avais été invité<br />
par une collègue de Salon qui m’avait dit<br />
« Tu devrais venir, demain après-midi, il y<br />
a un peintre qui vient nous expliquer des<br />
tableaux, toi qui peint ça t’intéresserait ».<br />
J’y suis allée et là j’ai rencontré Raymond,<br />
ce petit bonhomme qui payait pas de<br />
mine avec sa casquette, ses grosses<br />
lunettes, un peu gauche, qui a commencé<br />
à expliquer. Il a expliqué et pour moi, c’est<br />
devenu une évidence, j’ai tout compris.<br />
Ensuite, je suis allée au Quinconce Vert<br />
à Salon. Là, un mercredi après-midi, je<br />
me pointe là-bas et il me dit : « Installe<br />
toi là », il me donne une feuille blanche<br />
et un crayon et il me dit : « Essaie de dessiner<br />
comme les autres le village de Jean<br />
de Florette ». Comme ça de but en blanc,<br />
dessiner un village, sans avoir de motif<br />
devant moi, j’étais incapable de faire<br />
quelque chose. J’ai dit : « Je m’en vais ».<br />
Et la semaine suivante, je suis retournée<br />
et là petit à petit, je suis rentrée dans<br />
sa façon de faire., qui était d’imaginer<br />
devant la page blanche le ressenti de<br />
quelque chose. Chaque semaine, on<br />
avait un thème, le village, le boulanger...<br />
Chacun s’exprimait à se façon, et sur une<br />
quinzaine qu’on était, il n’y avait aucune<br />
chose de pareil. Raymond m’a permis<br />
d’exprimer ce que j’avais au fond de moi.<br />
Renée Fontaine<br />
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ANDRÉ GOUIN<br />
Né en 1946 à Sénas où il vit toujours<br />
aujourd’hui.<br />
Difficile quand on doit parler d’un<br />
peintre brut de ne pas faire référence<br />
à Jean Dubuffet. Résumons. L’art brut :<br />
l’art de ceux qui n’ont jamais appris le<br />
métier de peintre, l’art des fous, des<br />
prisonniers, de la France profonde, l’art<br />
en marge.<br />
Cet art si difficile à cerner, à enfermer<br />
dans les digues du discours<br />
critique, que les conservateurs des arts<br />
plastiques y perdent leurs mots : l’art<br />
brut est tantôt singulier, indompté,<br />
irrégulier, instinctif...<br />
L’art d’André Gouin s’accommode<br />
de tous ces qualificatifs.<br />
Singulier, parce qu’il se singularise<br />
face aux productions contemporaines<br />
montrées et commentées dans les<br />
galeries et les musées. Indompté<br />
parce qu’il contrevient aux modes et<br />
aux snobismes. Indompté parce qu’il<br />
suit uniquement sa sensibilité.<br />
André Gouin n’a jamais appris la<br />
peinture. Il peint depuis cinq ou six<br />
ans seulemen, guidé par sa seule<br />
passion. Mais il a fait une rencontre<br />
essentielle, celle de Rymond<br />
Reynaud, peintre singulier, fondateur<br />
du « mouvement singulier Raymond<br />
Reynaud ». Ce mouvement est une<br />
école de contestation et de remise en<br />
cause de la peinture d’aujourd’hui qui<br />
a eu le soutien de Jean Dubuffet et de<br />
Michel Thevoz. Raymond Reynaud<br />
aide ceux qui viennent travailler avec<br />
lui à découvrir ce qu’ils ont à dire et à<br />
trouver les moyens de le dire.<br />
André Gouin s’est soumis à cette sorte<br />
de maïeutique et il a appris à connaître<br />
son monde intérieur, à savoir ce qu’il<br />
avait envie de peindre : « les péchés<br />
capitaux », « les fables de La Fontaine »,<br />
« les masques », qui sont autant de<br />
reflets de la physionomie humaine.<br />
André Gouin, agriculteur de son métier,<br />
sait observer, se taire, prendre le<br />
temps de réfléchir. Il est poète sans le<br />
savoir, humoriste aussi, naïf et critique<br />
à la fois.<br />
Alice Anglade<br />
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Fils d’agriculteur et voisin de Raymond Reynaud,<br />
j’ai connu Arlette et Raymond pendant plus de<br />
trente ans, et à maintes et maintes reprises vu<br />
ses œuvres, attiré, intrigué et passionné par son<br />
travail, sa persévérance et sa recherche.<br />
Un jour d’automne 1985, Arlette et Raymond<br />
m’ont demandé de faire un tableau, alors que<br />
je n’avais jamais peint de ma vie, j’étais d’ores et<br />
déjà dans cet art imaginaire qui vous dévore et<br />
passionne.<br />
Cela m’apporte une grande réflexion et me fait<br />
voir un monde tout autre. Dommage que je n’ai<br />
point assez de revenu pour arrêter le travail et me<br />
consacrer tout entier à la peinture, j’ai l’impression<br />
de perdre mon temps et ma vie au travail.<br />
Merci Raymond et Arlette.<br />
André Gouin<br />
Un dessin d’André Gouin<br />
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Arlette Watelet Thozet, “La Colère” (encre de chine, papiers découpés et collés)<br />
ARLETTE WATELET THOZET<br />
Née en Lorraine. Vit à Miramas.<br />
Aussi loin que remonte mes souvenirs,<br />
j’ai toujours dessiné sans trop savoir<br />
pourquoi.<br />
Toute petite j’amusais ma famille en<br />
dessinant une petite femme avec un<br />
chapeau à plumes et un parapluie. Adolescente,<br />
j’ai passé des journées entières<br />
enfermée dans une cave peignant des<br />
morceaux de draps agrafés sur un vieil<br />
échiquier.<br />
Mariée et mère de famille, j’ai essayé de<br />
faire du merveilleux pour mes enfants.<br />
Et puis j’ai rencontré Raymond, c’était fatal<br />
! Il a été fait pour moi et pour quelques<br />
autres. J’ai laissé son univers m’absorber<br />
toute entière, lucide et consentante.<br />
L’aventure vécue au sein de ce groupe et<br />
auprès de cet étrange et étonnant personnage<br />
a été fantastique.<br />
Arlette Watelet Thozet<br />
-24-
(1931-2011)<br />
Toute petite déjà, j’aimais peindre et dessiner. Adolescente, j’ai été<br />
prise d’une nouvelle frénésie de peindre des paysages et autres.<br />
Une fois mariée, j’ai du cesser car je n’avais plus le temps, les enfants...et<br />
autres. C’est par une émission de télévision régionale<br />
en 1981 que j’ai connu Raymond Reynaud, de l’existence de son<br />
groupe (Le Quinconce Vert).<br />
JEANNE DISDERO-REY<br />
Cela m’a bien intéressée. Malgré ma grande timidité, j’ai pris le<br />
courage d’aller m’inscrire à ses cours. Je ne l’ai pas regretté.<br />
C’est merveilleux, il a su nous faire découvrir cette peinture personnelle<br />
qui nous vient de notre moi profond, notre subconscient.<br />
Je peins de préférence le soir au moment où tombe la nuit avec<br />
toutes ses ombres et son mystère.<br />
Je peins avec mes entrailles, avec mon<br />
âme, avec mon souffle.<br />
Dans les couleurs, je verse l’amour des êtres<br />
qui vivent sur cette terre, les mille traits de<br />
Dieu, les miroirs de la vie, le calme de la<br />
mort, la transparence de l’oubli.<br />
Je sais que cette voie est la bonne, c’est<br />
pourquoi aujourd’hui je suis heureuse de<br />
peindre. Et jamais je ne pourrai m’en passer<br />
car ce serait être privée de parole, privée de<br />
regard sur le monde.<br />
J’avance les yeux ouverts, afin de discerner<br />
l’arrière-fond de cet univers.<br />
“Les signes du Zodiaque” par Jeanne Disdero-Rey<br />
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JABER<br />
Une peinture de Jaber se lit comme un rébus,<br />
ou comme on déchiffre une carte de<br />
corsaire ,avec tous ses détails à décrypter<br />
dans tous les coins. Laurent Danchin<br />
Jaber El Majoub est né en 1938 dans<br />
une famille de bergers de M’Saken<br />
(banlieue de Sousse) en Tunisie.<br />
A l’âge de 6 ans il a perdu sa mère<br />
et a été pratiquement élevé par sa<br />
soeur. Il n’a pas pu fréquenter l’école<br />
car il devait garder les animaux pour<br />
nourrir sa famille. Il n’a donc jamais pu<br />
apprendre à lire et écrire.<br />
En 1958 il prend la direction de<br />
Marseille et y travaille comme<br />
boulanger avant de monter à<br />
Paris deux ans plus tard. Les petits<br />
enfants du boulanger de la rue des<br />
Blanc-Manteaux se souviennent<br />
encore de lui, car le grand-père a<br />
soigneusement conservé quelques<br />
pièces de Jaber.<br />
En effet dès qu’il avait une pause, il<br />
dessinait par terre au charbon de bois<br />
et faisait cuire la pâte à pain en forme<br />
d’oiseau, de poisson ou de fleur.<br />
L’après-midi, il vendait ses gouaches<br />
et amusait le public place St Michel.<br />
Il s’intéressait aussi à la boxe et a<br />
effectué dix-sept combats. Ses talents<br />
de chanteur-auteur-compositeur<br />
lui ont ouvert les portes du Petit<br />
Conservatoire de Mireille. Il enregistra<br />
deux 45 tours chez Pathé-Marconi.<br />
Quelques années plus tard, il fut<br />
découvert par une riche américaine<br />
qui l’emmena en Amérique. Elle<br />
avait découvert à juste titre qu’il avait<br />
la carrure pour devenir un artiste<br />
de dimension internationale. Ils se<br />
marièrent rapidement et Jaber ouvrit<br />
une galerie très bien située à San Francisco.<br />
Au bout de quelques mois, la galerie<br />
était devenue le lieu de rendez-vous<br />
de tous les adeptes de la scène Flower<br />
Power. L’aspect commercial de l’affaire<br />
ne l’intéressait pas. Il préférait offrir ses<br />
travaux aux visiteurs.<br />
En 1971, il obtint le premier prix de<br />
peinture parmi 800 candidats au<br />
Plainfield Art Festival.<br />
Il devint célèbre, mais son mariage fut<br />
un échec.<br />
De retour à Paris il exposa en 1977 à<br />
l’American Center of Artists, ce qui relança<br />
sa carrière à Paris. Ses amis et<br />
collectionneurs le firent participer ou<br />
organisèrent pour lui de nombreuses<br />
expositions prestigieuses.<br />
Il entra dans bon nombre de collections<br />
privées et publiques de par le<br />
monde et figure aujourd’hui dans tous<br />
les musées consacrés à l’art brut ou<br />
outsider.<br />
Comme pour de nombreux artistes, sa<br />
période de gloire connut son déclin<br />
avec la crise de la fin des années<br />
1990. Les galeries qui le défendaient<br />
disparurent.<br />
Au lieu de se lamenter, il prit son sort<br />
en main en vendant à nouveau ses<br />
gouaches cette fois dans le quartier<br />
Beaubourg, nouveau haut lieu de l’art<br />
contemporain.<br />
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Jaber, “Tête” (Peinture)<br />
-27-
-28-<br />
Une oeuvre de Danielle Jacqui
DANIELLE JACQUI<br />
Danielle Jacqui, dite « Celle qui peint », est une<br />
peintre et sculptrice , née le 1er janvier 1934 à Nice.<br />
Elle vit à Roquevaire (Bouches-du-Rhône, où<br />
elle est célèbre pour avoir entièrement décoré<br />
sa maison.<br />
Fondatrice du festival d’art singulier de Roquevaire,<br />
elle est l’une des plus emblématiques<br />
figures de ce mouvement issu de l’art brut et<br />
de l’ art hors-les-normes.<br />
Danielle Jacqui naît d’un père joaillier et d’une<br />
mère militante féministe. La rapide séparation<br />
de ses parents constitue un déchirement<br />
à la suite duquel elle est placée en pension,<br />
pour être finalement confiée à un couple<br />
d’instituteurs en 1945.<br />
Elle est alors formée à la méthode Freinet à<br />
Saint-Remy-de-Provence, ce qui marquera durablement<br />
son travail par le développement<br />
d’une énergie de libre expression.<br />
À la fin de la seconde, elle doit arrêter ses<br />
études et épouse, à l’âge de 18 ans, un maçon<br />
dont elle aura quatre enfants.<br />
À la suite de son divorce en 1970, elle devient<br />
brocanteuse, métier qui lui donne le goût de la<br />
récupération.<br />
À partir de 1971, elle entame une production<br />
de peintre qu’elle commence à montrer.<br />
En 1976, lors de sa première exposition à<br />
Marseille, elle découvre les liens qui existent<br />
entre son travail et ceux des autres artistes<br />
« en marge » et, en 1981, après une visite<br />
au musée Robert Tatin, elle débute l’œuvre<br />
monumentale qui la rendra célèbre : la décoration<br />
de sa propre maison, dont le principe est<br />
de ne pas laisser un seul centimètre carré sans<br />
son intervention en peinture, mosaïques, etc.<br />
En 1990, elle fonde et organise le festival d’art<br />
singulier de Roquevaire, puis d’Aubagne<br />
À partir de novembre 2006 , elle est invitée à<br />
réaliser un « Colossal d’art brut » à Aubagne.<br />
Le travail de Danielle Jacqui est représenté dans<br />
des lieux et collections concernant l’art singulier<br />
: lla Fabuloserie (Dicy), le Site de la Création<br />
Franche (Bègles), le musée international d’art<br />
naïf Anatole Jakovsky (Nice).<br />
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RE<br />
MERCI<br />
MENTS<br />
Christophe Lespilette,<br />
Service culturel de la ville d’Arles,<br />
Jean-Claude Caire,<br />
Bulletin des amis de François Ozenda<br />
Laurent Danchin,<br />
Amis de Mycelium,<br />
Jean-Michel Zazzi.<br />
Les citations de Laurent Danchin sont extraites du livre :<br />
“Aux frontières de l’art brut, Le Livre d’art”, Collection Mycelium, 2014<br />
Avec le soutien du service culturel de la ville d’Arles<br />
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CONTACT<br />
Association des Amis du Singulier Raymond Reynaud<br />
464, Boulevard Saint Roch<br />
84240 La Tour d’Aigues.<br />
Tél : 04 90 68 21 75<br />
06 10 97 54 90<br />
06 26 97 91 88<br />
Raymond Reynaud sur Internet :<br />
http://reynaud.raymond.free.fr/<br />
https://www.facebook.com/AssociationdesAmisduSingulierRaymondReynaud/<br />
https://fr.pinterest.com/sonolor/raymond-reynaud/<br />
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