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TRADUIRE… INTERPRÉTER<br />

vite, cette nuit là, toute longue que l’hiver la faisait, s’était passée inaperçue. On<br />

venait seulement de penser à souper, et il était quatre heures du matin.<br />

Quant à Prosper Mérimée 1 (1849) il opte pour : On jouait chez Naroumof,<br />

lieutenant aux gardes à cheval. Une longue nuit d’hiver s’était écoulée sans que<br />

personne ne s’en aperçût, et il était cinq heures du matin quand on servit le souper.<br />

Аndré Gide (1935 2 ) traduit : On jouait chez Naroumov, officier aux gardes à<br />

cheval. La longue nuit d’hiver s’écoula sans qu’on s’en aperçût. On se mit à souper<br />

vers cinq heures du matin.<br />

André Meynieux 3 (1973) suit Mérimée à la lettre. Sa traduction de La Dame<br />

de Pique est celle, revue et corrigée, de Mérimée. Les différences néanmoins sont<br />

considérables.<br />

La traduction de Dimitri Sesemann 4 (1989) est légèrement différente : On<br />

avait joué aux cartes chez le chevalier-garde Naroumov. La longue nuit d’hiver<br />

avait passé sans qu’on s’en aperçût. On soupa vers cinq heures du matin ; (les<br />

gagnants mangeaient de bel appétit,...)<br />

La traduction de Michel Niqueux 5 (1999) joue sur la différence : Une fois on<br />

jouait chez le garde à cheval Naroumov. La longue nuit d’hiver s’était écoulée<br />

insensiblement ; on s’était mis à souper après quatre heures du matin 6 .<br />

Ces exemples, aussi brefs qu’ils soient, montrent que si dans certains cas le<br />

choix de l’article est unanime (le garde à cheval), dans d’autres il est sujet à des<br />

variations. Ainsi la retraduction de la / une longue nuit d’hiver donnerait toujours<br />

долгая зимняя ночь. La question est de savoir, à qui ou à quoi attribuer cette<br />

différence, dont Mérimée fait l’objet. Il est évident, que l’article indéfini est dans ce<br />

cas précis plus riche sur le plan sémantique. C’est une nuit de plus, une nuit parmi<br />

d’autres Ŕ nuance qui se perd avec l’article défini.<br />

Est-ce un simple jeu de synonymes ? Où une nuance liée à la diachronie ?<br />

Quelque chose qui caractérise le style de Mérimée ? L’étude des textes donne une<br />

réponse affirmative à cette dernière question. L’article indéfini est beaucoup plus<br />

fréquent chez Mérimée (et encore plus chez Meynieux) par rapport aux autres<br />

traducteurs. Par exemple, dans la phrase Il voyait sortir de chaque portière ouverte<br />

tantôt le petit pied d’une jeune femme, tantôt la botte à l’écuyère d’un général (une<br />

botte sonore chez Meynieux), cette fois un bas à jour, cette autre un soulier<br />

diplomatique nous sommes en présence de deux (trois chez Meynieux) articles<br />

celle, très complète, d’André Meynieux. La Dame de Pique est avec La fille du capitaine l’œuvre de<br />

Pouchkine le plus souvent rééditée en France.<br />

1 Prospère Mérimée. La Dame de Pique (Traduit de Pouchkine), Z. Kernozé éd. Mérimée Pouchkine,<br />

« Raduga », Moscou 1987.<br />

2 Alexandre Pouchkine. La Dame de Pique. Traduit du russe par André Gide et Alexandre Schiffrine.<br />

Gallimard, Raris, 1995. Il y a d’autres indications sur la date de parution de la traduction d’André Gide<br />

(1923) ainsi que sur ses co-traducteurs, le nom de B. Schleutzer étant aussi mentionné, notamment chez<br />

Hélène Henry (op.cit).<br />

3 A.S. Pouchkine, Œuvres complètes, publiées par André Meynieux. Préface de Louis Martinez. Éditions<br />

l’Âge d’homme, 1973. Meynieux reprend la traduction de Mérimée, après avoir « supprimé tout ce qui<br />

est du cru de Mérimée, rétabli tout ce qu’il a supprimé... corrigé tous les contresens et... inexactitudes ».<br />

4 Pouchkine. La Dame de Pique suivie de récits de feu Ivan Petrovitch Belkine. Commentaire et notes de<br />

Jean-Louis Bakès. Traduction nouvelle par Dimitri Sesemann. Le livre de poche, Classiques ; Paris 1989<br />

5 Alexandre Pouchkine. La Dame de Pique. Traduit du russe, présentation et notes de Michel Niqueux.<br />

Éditions du Globe, Paris 1999.<br />

6 Paradoxalement, Niqeux est le seul à ne pas se tromper sur l’indication de l’heure. В пятом часу veut<br />

dire exactement après quatre heures et non pas vers cinq heures.<br />

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