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TRADUIRE L’HUMOUR ?<br />

l’occupation : au cours d’un spectacle un officier allemand arrivant en retard, peine<br />

à ôter son pardessus et dérange. Le chansonnier dit : « Alors, Monsieur, on a du mal<br />

à passer la manche ? ». La double signification ne peut être comprise et traduite en<br />

allemand. D’où le « bon » rôle que se donne l’humoriste en faisant de l’esprit<br />

(contre la force que symbolise l’occupant).<br />

Supposons que je raconte l’histoire de deux chiens qui se rencontrent. L’un<br />

dit : « Vous avez vu le nouveau lampadaire ? Venez, ça s’arrose ». Si l’interlocuteur<br />

ne comprend pas la polysémie de l’expression « ça s’arrose » en français, l’effet<br />

comique sera double et à chaque fois que dans le groupe quelqu’un fera ses besoins,<br />

il y en aura un autre pour répéter, avec une bouteille, que « ça s’arrose » !<br />

L’IRONIE DE LA TRADUCTION<br />

Un mot pour terminer sur l’article de W. Benjamin « La tâche du<br />

traducteur » 1 . Il y a chez ce penseur messianique l’idée d’une convergence possible<br />

de toutes les langues qui s’enrichiraient en se traduisant, permettant parfois une<br />

maturation posthume dans le langage cible dans lequel « l’original croît et s’élève<br />

dans une atmosphère pour ainsi dire plus haute et plus pure », indiquant par moment<br />

« le lieu promis et interdit où les langues se réconcilieront et s’accompliront ».<br />

Ironiquement, le prétendu reflet sera ainsi plus vrai que l’original !<br />

« La diversité, sur terre, des idiomes, n’empêche personne de proférer les<br />

mots qui, sinon, se trouveraient, par une frappe unique, elle-même matériellement la<br />

vérité 2 ».<br />

Ainsi fait-on mûrir parfois dans la traduction « la semence du pur langage »<br />

dit W. Benjamin. Pas, bien sûr, de mot à mot ennuyeux.<br />

« Racheter dans sa propre langue ce pur langage exilé dans la langue<br />

étrangère, libérer en le transposant le pur langage captif dans l’œuvre, telle est la<br />

tâche du traducteur ».<br />

Ainsi « l’ironie » de la traduction vient du fait que ce sont ses difficultés<br />

même, le « quamvis » (bien que) qui deviennent outil « quia » (parce que), comme<br />

le dirait V. Jankélévitch, le fils du traducteur de Freud 3 .<br />

1 Œuvres, Idées, tome 3, p. 244-261.<br />

2 Mallarmé, “Crise de vers”, Variations sur un sujet.<br />

3 Traité des vertus, Bordas, Paris, 1960.<br />

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