22.06.2016 Views

Traduire

traduire...Interpréter

traduire...Interpréter

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

TRADUIRE… INTERPRÉTER<br />

seulement se nourrir de sa pensée, mais encore le lire en phase avec son lectorat<br />

premier ». Cela vaut aussi pour une bande dessinée comme Astérix qui, traduite du<br />

français en allemand, change complètement ses repères communicationnels. Enfin,<br />

comme l’ont bien vu Mounin (1963) ou Eco (2003), la traduction comporte une<br />

forte composante ethnographique, en ce qu’il lui faut intégrer les données<br />

culturelles, parfois très différentes, des publics-sources et des publics-cibles. Dans<br />

ce sens, toute traduction oscille entre deux difficultés. Si elle conserve trop les<br />

représentations culturelles du public premier, elle risque de manquer son impact<br />

auprès du public second. Si au contraire elle adapte trop le texte initial selon les<br />

« culturèmes » (dans l’acception d’Abastado 1980) du public second, elle court le<br />

danger de perdre l’esprit de ce texte à l’arrivée. Face à ce dilemme, Zimmer (1997)<br />

prône une solution radicale. D’après lui, on doit traduire seulement le matériau<br />

linguistique sans toucher aux faits culturels qu’il convient alors d’expliquer au<br />

public second par des annotations en bas de page.<br />

Par delà ces difficultés générales, la traduction d’une bande dessinée comme<br />

Astérix, texte pluricodique, pose plusieurs problèmes spécifiques. Ces derniers ont<br />

du reste été mentionnés par Gudrun Penndorf, la traductrice d’Astérix en allemand,<br />

dans un article de 2001 et lors d’une interview pour le magazine Écoute en 2005.<br />

D’abord, la dimension iconique d’Astérix crée des contraintes préliminaires. Ainsi, il<br />

est impossible de modifier la place et la grosseur des bulles. Cela oblige à garder un<br />

texte d’une longueur à peu près identique quand on passe du français à l’allemand,<br />

ce qui n’est pas toujours évident à faire. De même, selon Penndorf, quand on traduit<br />

Astérix, il est malaisé de conserver la même relation intersémiotique entre le texte et<br />

l’image, tant la moindre nuance introduite par la traduction peut susciter une<br />

réinterprétation des composantes iconiques. À cela s’ajoute le rendu délicat des<br />

anachronismes intrinsèques à Astérix, comme l’injection d’allusions socioculturelles<br />

ou politiques modernes dans la Gaule antique. De surcroît, Penndorf souligne toutes<br />

les difficultés proprement linguistiques auxquelles elle a été confrontée dans son<br />

travail de traduction au niveau des zones sensibles d’Astérix : onomatopées, jeux de<br />

mots, gallicismes… Nous aurons l’occasion de revenir sur ces problèmes que<br />

Penndorf a tenté de résoudre en professionnelle 1 , même si le résultat n’est pas<br />

toujours satisfaisant.<br />

La traduction comme modulation fonctionnelle<br />

Confrontés aux problèmes précédents, nous pouvons passer en revue<br />

quelques théories de la traduction pour voir les solutions qu’elles nous proposent.<br />

Signalons en premier lieu trois théories binaires qui s’avèrent en fait trop simples.<br />

Ainsi, Delisle (1993 : 48) estime que la traduction s’effectue sur deux plans, « celui<br />

de la langue et celui de la parole, c’est-à-dire au niveau de la signification et à celui<br />

du sens ». Quant à Lederer (1994 : 82-86), elle identifie deux types de traduction :<br />

– d’un côté, la « traduction linguistique » qui cherche à établir des<br />

correspondances lexicales et syntaxiques entre la langue-source et la langue-cible. Si<br />

1 Penndorf est en effet professeure de français à l’Institut des langues et d’interprétariat de l’Université de<br />

Munich.<br />

80

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!