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LA PRAGMATIQUE DU TEXTE ÉROTIQUE<br />

Le présent article est une version retravaillée d’une communication qui<br />

suscita quelques réactions lorsqu’elle fut livrée le 14 juillet 2010, jour où la chaleur<br />

torride semblait curieusement de connivence avec le sujet de l’exposé : le récit<br />

érotique. Nous nous intéressons au récit érotique contemporain dans la perspective<br />

des contraintes de traduction qu’il est susceptible d’imposer. Proche du roman<br />

d’aventure ou à énigme par la fonction pragmatique qu’il remplit, exciter le lecteur,<br />

le récit érotique s’en distingue par la finalité organique de la jouissance recherchée.<br />

En termes jolis, nous considérons le texte érotique comme un adjuvant à<br />

l’onanisme ; cet instrumentalisme est affirmé sans détour par les auteurs érotiques<br />

qui vivent grassement de leur art, tel Rupert Smith (alias James Lear) : « [e]rotic<br />

fiction has a purpose, and it’s not a very highbrow one. James Lear’s novels are<br />

designed specifically as aids to masturbation » (Smith 2008). À partir de ce<br />

présupposé pragmatique, la question que nous posons est la suivante : que faut-il<br />

écrire et comment pour faire jouir ? La pragmatique s’intéresse à l’usage qui est fait<br />

des signes au regard du « comportement qu’ils devraient faire apparaître chez le<br />

destinataire » (Iser 1985 : 101). La présente étude s’inscrit en préambule d’un projet<br />

de traduction, car nous estimons que la connaissance du fonctionnement du texte<br />

érotique éclairera le travail du traducteur.<br />

Dans la république des lettres, les textes qui nous intéressent ne bénéficient<br />

d’aucun capital symbolique. Sans valeur stylistique ni potentiel herméneutique, le<br />

texte érotique contemporain, ne présentant même pas l’intérêt du recul historique,<br />

est laissé pour compte. Pourtant, à y regarder de plus près, nous constatons que sa<br />

conception résulte de procédés techniques, qui nous semblent échoir au traducteur<br />

comme autant d’impératifs régissant son travail de rédaction. Avant de faire état de<br />

ces procédés, nous présenterons quelques considérations sur les modes de lecture du<br />

texte érotique. Ensuite, nous analyserons et illustrerons les moyens lexicaux,<br />

syntaxiques et discursifs mis en œuvre par les pornographes dans la trame narrative<br />

afin de produire un texte de jouissances.<br />

TEXTE ÉROTIQUE OU PORNOGRAPHIQUE ?<br />

Nous recourons à la théorie des actes de langage, avancée par John Langshaw<br />

Austin (1962) et poursuivie par John Rogers Searle (1969) dans le développement<br />

de la linguistique pragmatique, et l’appliquons, suivant Wolfgang Iser (1985), à<br />

définir notre objet littéraire. Du point de vue de la pragmatique, la fiction érotique<br />

accomplit un acte perlocutoire, en cela que l’auteur entraîne par son écriture une<br />

réaction chez le lecteur. Dans cette perspective pragmatique, nous levons d’entrée de<br />

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