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Traduire

traduire...Interpréter

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TRADUIRE… INTERPRÉTER<br />

langage retrouve un peu sa fonction primitive), cette régression procure au récepteur<br />

un sentiment de plénitude, une satisfaction et linguistique et poétique.<br />

Le sens recueilli n’est pourtant qu’un mirage de sens, une approche<br />

approximative et impressionniste qui remplit cependant le contrat sémioticosémantique.<br />

Donc, l’accès à la signification dans une langue étrangère pour ce<br />

premier cas de figure est un accès limité où le sens reste généralement imparfait ou<br />

défectueux.<br />

Aux antipodes de cette attitude nous retrouvons une attitude plus humble,<br />

celle de la lecture des traductions, des adaptations en langue cible qui d’emblée<br />

apparaît (comme on l’a vu) comme une atteinte aux textes, une trahison du sens dans<br />

sa partie extensive notamment : traduire, c’est perdre du sens, sacrifier du sens.<br />

Toute traduction est une sélection sémique qui active selon des facteurs différents<br />

certains aspects du sens, mais ne peut prétendre les couvrir tous. Elle ne serait<br />

qu’une « paraphrase », c’est-à-dire une vague approximation du sens, un<br />

‘approchant’ sémantique, un ‘équivalent’ douteux et pointé du doigt dans tous les<br />

cas.<br />

Est-ce à dire que le texte étranger reste inaccessible, incompris et vaguement<br />

assimilé, qu’il soit appréhendé en langue source ou en langue cible ? Son étrangeté<br />

lui serait intrinsèque et son contenu sémantique soumis à plusieurs aléas<br />

linguistiques et culturels qui en limitent, pour tout lecteur étranger, la<br />

compréhension. Les deux opérations lectrices sacrifient des procédés formels et<br />

s’accompagnent soit d’un apport sémantique supplémentaire (comme la projection<br />

sur le texte de son affect et de son désir de transfert), soit d’une déperdition ou pour<br />

reprendre l’expression de Ladmiral d’une entropie du sens. Les deux voies sont<br />

exclusives à l’égard du sens, malhabile et naïvement déformante du dire premier. Ce<br />

dernier est et reste prisonnier de son étrangeté, étrangeté intraduisible, non<br />

transférable, non transcodable. Une création littéraire artistique, tout universelle<br />

qu’elle est, est irrémédiablement inscrite dans son anglicité, sa francité, sa<br />

germanité, son hispanité, etc. S’en prendre aux traductions et aux traducteurs, c’est<br />

donc se venger sur un bouc émissaire<br />

Le problème de l’intraduction serait, à notre sens, à repositionner, non pas au<br />

niveau inférieur parce que secondaire de la traduction, mais au niveau premier de<br />

l’accès à une langue-culture étrangère. Il serait à expliquer par des phénomènes qui<br />

ne sont pas inhérents au processus traductif, mais qui relèvent d’un niveau supérieur.<br />

En effet, les reproches formulés à l’égard de la traduction sont, à ceci près,<br />

les mêmes que l’on formule à l’égard du langage d’une manière générale :<br />

Il y a d’abord l’imperfection du langage et l’inadaptation des codes<br />

linguistiques à nos besoins expressifs, que la langue soit maternelle ou étrangère :<br />

les mots sont ou en deçà ou au-delà de nos intentions ; ils débordent, excèdent, ou ne<br />

couvrent pas l’aire de signification visée par le locuteur ou l’écrivain. Nous<br />

pratiquons tous et à chaque prise de parole une véritable traduction au sens où<br />

l’entendaient Baudelaire et Proust par exemple, celle d’une sémiotique<br />

onomasiologique qui cherche à traduire les choses en mots, les impressions en<br />

expressions, donc à effectuer une opération de transfert d’un code à l’autre. Ce<br />

parcours onomasiologique, qui a occupé linguistes et philosophes (on pense à la<br />

notion de l’Idée et de son mouvement chez Hegel par exemple), se traduit par une<br />

véritable dictature du signifiant et concentre tous les efforts linguistiques sur le plan<br />

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