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Traduire

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LES DÉFICIENCES DU SYSTÈME<br />

OU DE L’IMPOSSIBLE TRADUCTION<br />

Pour avoir été reconnue et sacrée comme instrument d’échange et de<br />

communication incontournable dans le monde contemporain, et à l’heure où<br />

s’élèvent de partout des voix prônant l’universalisme, l’internationalisme, la<br />

traduction, toute indispensable et toute pratiquée qu’elle est, ne s’en trouve pas<br />

moins frappée d’anathème ; elle est grevée de taxations les unes plus péjoratives que<br />

les autres ; elle n’arrive pas à se défaire de son image larvée de produit secondaire ;<br />

elle est considérée comme objet utilitaire à n’utiliser qu’en dernière alternative.<br />

En effet, une prospection tant en diachronie qu’en synchronie nous permet de<br />

constater que - contrairement à l’interprétation et à la critique littéraire - elle<br />

n’apparaît pas comme un acte valorisé ni dans l’institution universitaire ni dans le<br />

monde socioculturel en général. De tous les exercices de reformulation et de<br />

réécriture, la traduction apparaît comme le parent pauvre d’une longue liste de<br />

pratiques textuelles.<br />

Que vaut traduire aujourd’hui et comment appréhende-t-on la traduction ? Et<br />

pourquoi en fin de compte cet acharnement, cette condamnation sans appel malgré<br />

une « consommation » toujours plus importante des produits de la traduction ?<br />

Les différentes théories de l’antiquité ou des siècles passés montrent, dans<br />

l’ensemble, un profond dédain pour le métier de traducteur et pour les oeuvres<br />

traduites.<br />

Chez les anciens, les querelles entre traducteurs et orateurs ont instauré pour<br />

tous les siècles à venir une hiérarchie des activités scripturaires, mais surtout, et par<br />

analogie des exercices pratiqués sur les textes sacrés, une précellence, une unicité<br />

incomparable et inimitable du texte source sur le texte cible : toute intervention sur<br />

le texte premier, qu’elle soit exégétique ou traductrice, est profanation. Or les temps<br />

modernes n’ont pas fait beaucoup de chemin depuis Saint-Jérôme, Horace ou<br />

Cicéron.<br />

Au XVI e siècle, Du Bellay défendait dans sa Pléiade que, le modèle original<br />

étant idéal, inaccessible, la traduction ne peut qu’être une pâle copie, « un pis aller »<br />

selon ses propres dires. L’image qu’il emploie du « cannibalisme » de<br />

« l’anthropophagie » est très parlante dans la mesure où toute l’opération traductrice<br />

est assimilée à un acte barbare et sauvage d’ingestion, de digestion, ensuite de<br />

conversion en sang et nourriture. Pis encore, Du Bellay pratiquait la traduction<br />

quand il était à court d’inspiration, l’activité ne relevant pas du domaine de la<br />

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