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PARAPHRASER, TRADUIRE LE TRAVAIL SUR L’EXPRESSION, DE LA GRÈCE À ROME<br />

maîtrise parfaite de l’expression : c’est à propos de cet entraînement que sont<br />

étudiées à la fois paraphrase et traduction (10, 5, 2-11). Seconde source, le manuel<br />

plus détaillé et plus technique que Théon consacre spécifiquement aux<br />

progymnasmata. Dans cet ouvrage, le développement sur la paraphrasis n’est connu<br />

que par une traduction arménienne : c’est seulement en 1997 que l’édition de M.<br />

Patillon l’a mis à la disposition de tous 1 .<br />

Ces deux textes de base peuvent paraître relativement tardifs : on situe en<br />

général Théon au milieu du 1 er siècle ap. J.-C., quelques décennies avant Quintilien.<br />

Mais deux témoignages plus succincts permettent de remonter, pour Rome, jusqu’au<br />

II e siècle av. J.-C. 2 Suétone, évoquant l’époque où grammairiens et rhéteurs grecs<br />

faisaient l’éducation des Romains, mentionne paraphrase (Gr. 4, 7) et traduction (25,<br />

8). Dans le De oratore d’autre part Cicéron fait dire à Crassus, un de ses maîtres,<br />

qu’après avoir pratiqué la paraphrase pour son entraînement, il lui préfère la<br />

traduction (1, 154-155). Plus tard, Pline le Jeune, qui fut l’élève de Quintilien,<br />

pratique aussi ces exercices (Ep. 7, 9, 2-6) et ils n’ont cessé d’être en honneur et<br />

dans l’éducation et dans le cabinet où s’entraîne l’orateur durant toute la période où<br />

a fleuri la littérature latine, païenne, puis chrétienne.<br />

Pour apprécier dans quelles conditions l’élève s’initie d’abord à la<br />

paraphrase, il convient de replacer cet apprentissage dans le cadre plus large de<br />

l’éducation antique. La méthode, à tous les niveaux, est absolument analytique, avec<br />

un souci d’exhaustivité : on ne craint pas de rabâcher et le fouet est toujours là pour<br />

les récalcitrants — Horace ou Augustin en conservent de cuisants souvenirs. Au<br />

niveau le plus élémentaire, il ne suffit pas de connaître par cœur l’alphabet et de le<br />

chanter (Augustin parle d’odieuse ritournelle, odiosa cantio, Conf. 1, 22). On doit<br />

savoir le réciter dans un ordre différent : à l’envers, en sautant tel nombre de lettres,<br />

voire en faisant succéder première et dernière lettre, AX, seconde et pénultième, BV,<br />

puis CT... Pour les syllabes, d’abord celles de 2 lettres, B A ba, B E be... Puis celles<br />

de 3 lettres, bra..., bar... On ne néglige surtout pas les monosyllabes difficiles et<br />

rébarbatifs : l’élève saura écrire le nom, grec et latin, du lynx ou du sphinx, avant<br />

celui du chien, disyllabique, kuôn, canis 3 . Quintilien est formel dans sa<br />

condamnation de toute méthode qui tendrait à devenir globale :<br />

Pour les syllabes, pas de raccourci : il faut les apprendre absolument toutes et<br />

non, comme on le fait en général, différer les plus difficiles afin de les apprendre<br />

ensuite en écrivant les mots. Bien au contraire il ne faut pas se fier étourdiment<br />

au premier enregistrement de la mémoire : il est plus utile de les répéter et de les<br />

inculquer longuement (1, 1, 30-31).<br />

Lettres, syllabes, mots, phrases, autant de phases successives : « on ne saurait<br />

croire quel retard apporte à l’enseignement de la lecture la précipitation » (Id., 32).<br />

La même minutie se retrouve quand l’élève en vient, quelques années plus tard, au<br />

travail sur l’expression. Laissons à Denys d’Halicarnasse le soin de décrire le rude<br />

chemin à parcourir, bien avant de parvenir à la parfaite aisance des Maîtres :<br />

1 M. Patillon a été assisté pour la partie en arménien par G. Bolognesi. C. Fuchs n’a pu connaître ce texte ;<br />

B. Dugain cite Théon, mais n’a pas eu connaissance de cette édition enfin complète.<br />

2 En Grèce, Démosthène, selon Plutarque (Dem. 8, 2), s’exerçait déjà à la paraphrase (cf. Théon, 63, 29-<br />

64, 24 [p. 6-7]). On pense en général que le système d’éducation que nous connaissons s’est développé<br />

peu à peu durant l’époque hellénistique.<br />

3 Cribiore 2001, p. 164-176 (utilise les nombreux documents que la sécheresse de l’Égypte a préservés).<br />

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