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TRADUIRE… INTERPRÉTER<br />

rêt renouvelé, avant tout à la suite des travaux de C. Fuchs, en dernier lieu, en 1994,<br />

Paraphrase et énonciation. Notons aussi l’ouvrage de B. Daunay, Défense de la<br />

paraphrase, en 2002. Ces deux ouvrages accordent toute la place méritée au rôle de<br />

la paraphrase dans l’éducation et la rhétorique antiques, citant certains textes<br />

importants. Mais une rectification est ici cruciale. Greimas et Courtès distinguent<br />

« les paraphrases substitutives (ou dénotatives) qui visent l’équivalence directe avec<br />

l’énoncé paraphrasé » (C. Fuchs parle de « reformulation imitative ») et « les<br />

paraphrases obliques (en partie connotatives) dont le contenu désambiguïse l’énoncé<br />

premier » (« reformulation explicative » chez C. Fuchs) 1 . Seul le premier type est<br />

appelé paraphrasis chez les Grecs et les Romains 2 . Le second emploi du terme<br />

apparaît, semble-t-il, au XVI e siècle. Quand C. Fuchs distingue de la paraphrase<br />

païenne une paraphrase « biblique » (qu’elle semble curieusement considérer<br />

comme antérieure), elle étend à l’antiquité le sens moderne 3 . L’idée d’autre part que<br />

« la paraphrase comme pratique de production de discours s’est rapidement (?)<br />

transmuée en pratique du commentaire » 4 n’a aucun fondement. Inexactitudes mineures<br />

dans le contexte de ces ouvrages, mais qu’on se doit ici de rectifier.<br />

La traduction est-elle une forme particulière de paraphrase ? Le<br />

rapprochement a été souvent fait entre les deux exercices (Greimas et Courtès<br />

parlent à propos de la paraphrase substitutive de « traduction intralinguistique »). En<br />

tout cas, pour en revenir à nos Romains, le vocabulaire est le même pour l’un et pour<br />

l’autre. Ainsi, dans le texte essentiel de Quintilien (10, 5, 2-8) sur lequel on aura<br />

d’autres occasions de revenir, à quelques lignes de distance, uertere, « tourner,<br />

retourner, changer (d’un état en un autre) » signifie « traduire » (d’où « version »)<br />

ou « paraphraser ». Le verbe le plus fréquent pour « traduire » est partout<br />

conuertere, mais l’abstrait conuersio correspond au grec paraphrasis. Transferre<br />

(cf. l’anglais « translate ») vaut pour l’une et l’autre 5 . Le rapport apparaît étroit entre<br />

la paraphrase, exercice déjà pratiqué par les Grecs, et la traduction, pratique<br />

inaugurée à Rome par un Grec.<br />

On considèrera d’abord rapidement, d’un point de vue historique, une<br />

évolution, dans la littérature latine de la traduction à la paraphrase. Passant à un<br />

point de vue rhétorique et pédagogique, on montrera la place de la paraphrase dans<br />

la théorie, puis dans la pratique de l’orateur. On s’attachera enfin au rôle de la<br />

paraphrase (ou de la traduction paraphrastique) dans la composition littéraire, en un<br />

temps où s’épanouit un recours à l’intertextualité sans équivalent dans d’autres<br />

littératures.<br />

1 Greimas et Courtés 1993, p. 268.<br />

2 Certaines pratiques relevant du second type peuvent assurément être relevées (cf. Nicolas 2009) ; mais<br />

le terme de paraphrasis ne leur est jamais appliqué.<br />

3 Fuchs 1994, p. 4-7. Les emplois du terme par Philon et Origène (références : Fuchs 1982, p. 10, n. 2) ne<br />

diffèrent en rien de ceux qu’on étudie ici. Dire, à propos de Quintilien, 10, 5, 5 (cité infra), qu’il s’agit de<br />

« construire un nouveau texte T’ qui tout en restant fidèle à l’esprit de T le développe et l’explicite »<br />

(c’est nous qui soulignons) n’est pas exact.<br />

4 Daunay 2002, p. 73.<br />

5 Sur ces termes (et d’autres tels que interpretare ou imitari), ainsi que sur les termes grecs (hermêneuein,<br />

metaphrazein), Traina 1989, p. 96-99. Notons que le latin préfère exprimer l’action par un verbe plutôt<br />

que de la figer dans un substantif (c’est là un des secrets du thème).<br />

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