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TRADUIRE… INTERPRÉTER<br />

Le paratexte présente une véritable cohérence, et fonctionne dans ce cas très<br />

particulier, comme une sorte de mode d'emploi de la lecture du roman, lecture qui ne<br />

peut finalement se concevoir sans au moins consulter Madame Bovary. Il est vrai<br />

que cette cohérence paratextuelle tient, comme pour tout ouvrage, à la situation de<br />

communication qui s'établit entre l'auteur et le lecteur, mais cette communication est<br />

de nature très particulière car elle s'établit en fait entre un lecteur d'un hypertexte<br />

dont l'auteur, lecteur évident de l'hypotexte, le relit, le cite et le commente<br />

constamment au fur et à mesure qu'il écrit. Le paratexte prépare en fait le lecteur à<br />

lire cette superposition d'un texte réel, celui de Ferry, et d'un texte in absentia, celui<br />

de Flaubert. Chaque fois qu'il y a intertextualité cette superposition existe, mais nous<br />

dirons que dans le cas qui nous intéresse, le texte "in absentia" se manifeste comme<br />

étant très "présent" dans l'hypertexte…<br />

Pour en terminer avec le paratexte, dont nous n'avons pas exploité tous les<br />

éléments (comme la quatrième de couverture, par exemple), nous dirons qu'avant<br />

même que le lecteur ait "attaqué" la première page du roman de Ferry, il sait déjà<br />

qu'au delà de ce que le texte explicitera clairement, il lui faudra détecter le discours<br />

oblique le sous-tendant, et que ce discours concerne l'œuvre de Flaubert.<br />

L'INCIPIT<br />

Éva était très belle. Elle doit l'être encore. C'est notre femme. C'était, puisqu'elle<br />

est partie. Avec un militaire. Ou quelque chose comme ça. Un marin. Glabre,<br />

fuselé, bourru. La quarantaine séduisante. Le cheveu court, roux comme Judas.<br />

Tête d'or en vérité.<br />

À l'imparfait du verbe être de la première phrase de Madame Bovary,<br />

correspond un imparfait du verbe être dans la première phrase du roman de Ferry.<br />

C'est par une évaluation de la beauté d'Éva que commence le roman, ce qui met<br />

d'emblée le lecteur en présence d'un élément de la subjectivité du narrateur. Au "je"<br />

présent dans le "nous" de "Nous étions à l'étude…", répond un "je" présent dans le<br />

"notre" de "C'est notre femme."L'imparfait marque beaucoup plus fortement<br />

l'imperfectivité que ne l'aurait marqué le présent, même si cette imperfectivité est<br />

renforcée par le présent de la deuxième phrase, même si le semi-auxiliaire "doit"<br />

atténue l'effet de durée, la persistance de la beauté d'Éva devenant hypothétique mais<br />

probable. On comprend que dans l'esprit du narrateur, Éva n'en finit pas d'être belle.<br />

Le premier imparfait est un embrayeur d'énonciation qui transpose, et fait remonter<br />

dans le présent, l'expérience vécue de l'énonciateur. Ce qui est frappant, c'est que sur<br />

le plan du style, cette phrase fonctionne comme une incise de second plan, si l'on se<br />

réfère à la théorie des plans de Weinrich. La beauté d'Éva nous est imposée comme<br />

en vue panoramique sur laquelle vont commencer à défiler les anecdotes constituant<br />

la narrativité du récit.<br />

Si nous prenons en compte l'aspect paradigmatique de l'isotopie, (que dans ce<br />

cas nous préfèrerions désigner par le terme "champ lexical"), nous constatons que<br />

deux isotopies ouvrent le roman : la beauté et la féminité :<br />

/ féminité / : Éva, elle, belle, elle, l'(qui anaphorise était "très belle")<br />

/ beauté / : très belle, l'<br />

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