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TRADUIRE… INTERPRÉTER<br />

« Où allait-il ? Qui s’en occupa ? Il resta plus d’un an parti. » – dont Lilao fait une<br />

double planche. C’est, confie-t-il, parce qu’il a voulu le montrer, pour en dire plus,<br />

pour créer une nouvelle rupture, une immersion lumineuse avant de replonger dans<br />

le récit. C’est aussi ce qu’il a fait p. 63, en réintroduisant le duc : est-il mélancolique<br />

ou déterminé ? Il a voulu le mettre là pour lui donner un peu d'ambiguïté, c’est un<br />

rappel voulu. Un autre exemple d’interprétation du récit de Barbey, la vignette 1 de<br />

la p. 61. La duchesse a les yeux fermés, elle se tait. C’est derrière ses yeux clos qu’il<br />

faut visualiser la scène du meurtre. Ce qu’on ne sait pas, il prend le parti de le<br />

montrer plus fortement. Faut-il y voir une façon personnelle d’adapter l’épigraphe<br />

latine Fortiter, « plus fortement », utilisée par Barbey ? Lilao ne le nie pas :<br />

« Parfois, il faut dire plus fortement par l’image. » 1 On pourrait ajouter quelques<br />

remarques sur la couverture de l’album, qui nous dit beaucoup de choses, aussi bien<br />

par son organisation que par les signes iconiques : la diagonale, le crucifix qui,<br />

d’ailleurs, ne figure pas dans la description de Barbey. Il convient d’interpréter la<br />

couverture, dit l’auteur, « comme une métaphore, celle du côté houleux du<br />

catholicisme de Barbey. » Lilao voit dans cette femme un Christ inversé, un<br />

sacrifice « non catholique » 2 Par sa couverture, Lilao bouscule littéralement les<br />

choses.<br />

Nous proposons (Fig. 5) un inédit de<br />

Lilao, un projet de couverture, avec une partie<br />

droite en plus, l’artiste voulait un cadrage à la<br />

moitié du dos, la diabolique, par l’effet<br />

saisissant de ce que l’on ne voit pas derrière<br />

elle, est davantage livrée. Car l’important, dans<br />

l’image est parfois ce qui n’est pas montré…<br />

Mais l’éditeur a demandé un autre cadrage,<br />

finalement mois osé. Cette incursion dans la<br />

coulisse de l’adaptation-recréation nous<br />

rappelle à la réalité : la BD est un art, mais elle<br />

appartient aussi au monde des médias 3 …<br />

Toute la nouvelle est le passage d’un<br />

état rationnel (la ressemblance) à une<br />

instauration lente et précise de la sensualité du<br />

corps de la duchesse (description). Ensuite le<br />

passage à l’amour mystique pour Esteban et<br />

enfin à la dureté et à la froideur de la<br />

vengeance. Cette passion est décrite par<br />

étapes, d’un état initial à un état final tandis que sa consommation est due à la mort<br />

de la protagoniste. Le corps se consume comme la passion qu’il abrite.<br />

Cette nouvelle pourrait être décrite en employant un modèle narratif : un sujet<br />

S1 (duc) va à la rencontre d’un sujet S2 (duchesse) à cause d’un désir, d’une<br />

sensation, d’un manque à combler. S2 devient un programme d’usage (PNU) du<br />

personnage féminin qui l’utilise pour accomplir sa vengeance. Les deux<br />

1 Entretien.<br />

2 Id.<br />

3 Cf. La bande dessinée, art reconnu, média méconnu, Hermès n° 54, sous la direction de Dominique<br />

Wolton, Éric Dacheux coord. Paris, CNRS éditions, 2009.<br />

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