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TRADUCTION DE L’IRONIE :<br />

MISSION IMPOSSIBLE ?<br />

Sur le sujet de l’intraduisibilité de l’ironie beaucoup d’encre a été versée.<br />

Pour de nombreux théoriciens, l’ironie et l’humour seraient « des phénomènes<br />

langagiers et culturels insurmontables pour les traducteurs » 1 . Pourtant, cela<br />

n’empêche pas les traducteurs de faire leur travail. Certains d’entre eux trouvent<br />

même le courage d’ironiser sur leur situation peu confortable. Ainsi, Douglas<br />

Robinson, traducteur et professeur de traduction, écrit à propos de l’ironie : «The<br />

ideosemantics 2 of perfectionism […] set up a dead-end dialectic between the<br />

possibility and impossibility of translation : we cannot translate but we must. It is<br />

possible to fail (in an infinite variety of ways), impossible to succeed (in the one true<br />

way) » 3 .<br />

Pourquoi l’ironie fait-elle partie des phénomènes « insurmontables » ?<br />

Depuis que Wayne Booth a proposé que la lecture de l’ironie est en elle-même une<br />

forme de traduction, la théorie de la traduction des textes ironiques d’une langue<br />

vers l’autre est devenue un jeu de miroirs complexe. En effet, le traducteur d’un tel<br />

texte est confronté à une double tâche : d’abord, il doit identifier l’ironie dans le<br />

texte source, puis il doit la (re-)produire dans le texte cible. C’est un travail exigent,<br />

une traduction au pied de la lettre ayant souvent pour effet d’effacer toutes traces<br />

d’ironie. Les théoriciens insistent fort sur le fait que l’ironie ne se traduit que<br />

librement 4 . Selon Katrien Lievois, la première tâche, la reconnaissance de l’ironie<br />

dans le texte source, est largement ignorée par les théoriciens. Pourtant, comme le<br />

note la même chercheuse, la pratique de la traduction montre que « cette première<br />

mission peut s’avérer délicate : l’ironie n’a pas été reconnue » 5 . Et Lievois de<br />

conclure : « le problème de la traduction de l’ironie n’est pas tant celui de la<br />

production de l’ironie dans la langue cible que celui de l’identification de l’ironie<br />

dans le texte source » 6 .<br />

Cependant, il ne faut pas croire qu’un traducteur qui ne perçoit pas l’ironie<br />

d’un texte manque d’intelligence ou de connaissances linguistiques. Comme<br />

l’affirment la plupart des spécialistes, le problème trouve son origine dans la nature<br />

sociale de l’ironie. Par exemple, Pierre Schoentjes affirme que « loin d’être l’affaire<br />

d’intelligence abstraite, la reconnaissance de l’ironie est une question d’engagement<br />

1 Katrien Lievois, « <strong>Traduire</strong> l’ironie : entre réception et production », L’ironie aujourd’hui : lectures<br />

d’un discours oblique, ed. Mustapha Trabelsi, Clairemont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal,<br />

2006, p. 83.<br />

2 Le terme est proposé par Robinson dans Performative Linguistics : Speaking and Translating as Doing<br />

Things with Words, New York and London, Routledge, 2003, et désigne une « ideology as somatically<br />

stored and channelled iterative repetition ».<br />

3 Douglas Robinson, The Translator’s Turn, Baltimore, London, Johns Hopkins University Press, 1991,<br />

p. 167.<br />

4 Lievois, op. cit., p. 84.<br />

5 Ibid., p. 86.<br />

6 Idem.<br />

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