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TRADUIRE… INTERPRÉTER<br />

traductions qui ne sont pas « invisibles », qui sont donc « visibles » selon les termes<br />

utilisés par Venuti, calquent le caractère étranger des œuvres originales ainsi que les<br />

valeurs qu’elles ramènent avec elles. Pour Venuti, le traducteur est visible et doit<br />

profiter de cette visibilité en accentuant la différence entre la culture source et la<br />

culture cible. Mais cette stratégie comporte des risques, dont le plus important et<br />

néfaste est celui de tomber dans l’excès de l’exotisme. Ces deux techniques de<br />

traduction, bien que radicalement opposées, peuvent exercer les mêmes influences<br />

sur le texte « exotique » traduit. Le traducteur peut tomber dans l’excès, orientaliser<br />

les textes orientaux, archaïser les textes archaïques et « exotiser » les textes qui sont<br />

déjà considérés comme exotiques 1 .<br />

C’est ce que nous allons vérifier dans cet article où nous analysons la<br />

traduction d’un roman de Tahar Ben Jelloun intitulé Les yeux baissés. Le roman a<br />

été a été publié en 1991. Il a été traduit en espagnol en 1992 par Malika Embarek<br />

López, sous le titre de Con los ojos bajos. Pour mieux déterminer la stratégie de<br />

traduction suivie par la traductrice et son effet sur le texte traduit, nous avons décidé<br />

de ne nous arrêter que sur quelques éléments lexicaux du roman qui nous donnent<br />

une idée claire sur « le ton » du texte cible. Nous pensons, que dans le cas de ce<br />

roman traduit, la stratégie d’exotisation ne remplit pas pleinement son objectif. Car,<br />

au lieu de montrer un texte dynamique, elle le fige en mettant l’accent sur les clichés<br />

et les stéréotypes ancrés dans la culture cible. La traductrice, en respectant<br />

l’étrangeté du texte, tombe dans l’excès de l’exotisme.<br />

RÉSUMÉ DU ROMAN LES YEUX BAISSÉS<br />

L’histoire du roman Les yeux baissés est simple : une jeune fille issue d’un<br />

petit village marocain immigre avec ses parents en France où elle découvre les<br />

routes, les immeubles, les livres ; en somme « la civilisation ». Elle est porteuse d’un<br />

secret, le secret du trésor qui délivrera son village natal de la misère et de la<br />

pauvreté. En effet, avant son décès, le grand-père désigne la petite fille, Fathma,<br />

comme la seule personne apte à déterrer le trésor. Le récit est polyphonique : la<br />

narratrice cède la parole à des personnages imaginaires qu’elle invente mais qui se<br />

retournent contre elle et prennent possession de l’histoire de sa vie. Comme dans la<br />

plupart des romans maghrébins postcoloniaux, la narratrice est déchirée entre ses<br />

origines marocaines, la haine de la misère, de la pauvreté et de l’ignorance et son<br />

pays d’adoption, la France, avec ses multiples facettes, pays de la civilisation et de<br />

la culture mais aussi de la haine de l’autre et du racisme naissant. Ben Jelloun<br />

« [juxtapose] avec adresse deux mondes dans un effort pour ‘concilier<br />

l’inconciliable’, pour ‘réunir deux univers faits pour s’opposer’. Bien que la<br />

narration se révèle riche, elle conserve toutefois des éléments de mystère et c’est<br />

sans aucun doute cette dialectique entre le réel et l’imaginaire qui confère au récit<br />

toute sa profondeur ». (Côté, 1992 : 849).<br />

MALIKA EMBAREK LÓPEZ, TRADUCTRICE DU ROMAN LES YEUX BAISSÉS<br />

Malika Embarek López n’a pas seulement traduit Les yeux baissés de Tahar<br />

Ben Jelloun mais presque la totalité de son œuvre en espagnol. Dans un entretien<br />

publié dans la revue Sendebar, Malika Embarek López raconte comment elle a<br />

1 Ovidi Carbonnel i Cortés, « Orientalismo, exotismo y traducción: aproximación a las (circunstancias y)<br />

dificultades de la traducción cultural », Pensamiento y circulación de las ideas en el Mediterráneo : el<br />

papel de la traducción, op. cit., p. 169.<br />

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