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TRADUIRE… INTERPRÉTER<br />
Répondant à Raymond Picard (notre Nicole Grépat à nous, en quelque<br />
sorte !... bien entendu, mon plaidoyer ne s’adresse pas à Mme Grépat<br />
personnellement - j’insiste sur ce point - mais en réaction plus globalement, à travers<br />
elle, à une certaine représentation de la recherche universitaire qu’elle qualifie ellemême<br />
d’académique, en d’autres termes fondée sur une vérité objective 1 ), S.<br />
Doubrovsky écrivait déjà en 1966, non sans ironie :<br />
On voit donc mieux en quoi Roland Barthes 2 et, avec lui, la « nouvelle critique »<br />
sont, selon le mot révélateur de Raymond Picard, dangereux. Ils violent un<br />
double tabou ou, si l’on veut, ils prennent, d’un seul coup, deux bastilles. A une<br />
extrémité, ils touchent soudain à Racine, dernier bastion de la clarté, dernier<br />
symbole de la grandeur ; sur cet auteur lauré et vétuste, ils portent une main<br />
moderne et sacrilège, ils pénètrent par effraction dans une chasse jalousement<br />
gardée. A l’autre extrémité, ils mettent en question le sens de l’acte critique luimême,<br />
ils en dénoncent l’exercice traditionnel. Avec l’éclatement de ce double<br />
verrou de sûreté, avec la rupture de ce barrage, tout saute. On passe, sans crier<br />
gare, du XVIIe siècle ou du XIXe, en plein XXe siècle 3 .<br />
S. Doubrovsky, on l’aura compris, n’est pas tendre avec ceux qui nient<br />
l’apport de la Nouvelle Critique 4 . Je ne résiste pas au plaisir de vous livrer ce<br />
passage :<br />
La compréhension de la littérature doit, elle aussi, entrer dans le XXe siècle. On<br />
ne s’étonnera pas que certains s’indignent ou crient « casse-cou » qu’ils serinent<br />
à qui mieux mieux « Patience-Modestie-Prudence : ce conservatisme de la<br />
pensée n’est qu’un dérisoire combat d’arrière-garde. Ici, patience veut dire<br />
piétinement : modestie, médiocrité ; prudence, paralysie. On conçoit sans peine<br />
les grincements de dents des gens en place, qui, de leurs positions établies,<br />
entendent faire des positions retranchées : leur culture est en grande partie à<br />
refaire 5 .<br />
Plus loin :<br />
Lorsqu’une nouvelle forme de pensée existe (et telle est bien désormais la<br />
critique moderne, dans ses manifestations les plus notables), il est absurde et<br />
inutile de combattre son existence au nom d’habitudes révolues : si l’on n’est pas<br />
satisfait, il convient, certes, de la discuter, de l’aménager, voire de l’attaquer,<br />
mais de l’intérieur, en la dépassant, non en la niant 6 .<br />
Dans la première partie de son essai, S. Doubrovsky, plus apaisé, semble<br />
apporter une vision plus distanciée et par conséquent peut-être plus juste de la<br />
Nouvelle Critique :<br />
1 Lorsque N. Grépat écrit dans son compte rendu « soulignons que cet essai veut plus persuader que<br />
convaincre […] » convaincre suppose, comme chacun en a conscience, des arguments rationnels et la<br />
persuasion, des arguments d’ordre plus subjectif en l’occurrence. En ce sens, S. Doubrovsky fustige les<br />
termes de « vérité » et « objectivité » rattachés à la norme universitaire, leur préférant « validité » et<br />
« subjectivité ». Relevons, pour notre part, le paradoxe du compte rendu (encore un !) qui, dans le même<br />
temps qu’il prône une lecture objective du critique, est cousu (irions-nous jusqu’à employer le terme de<br />
rabâchement ?) de citations de Julia Kristeva qui se rattache (il n’est pas inutile, à cet égard, de le<br />
souligner) au groupe Tel Quel, directement influencé par Roland Barthes, à l’origine, on vient de le voir,<br />
de la Nouvelle Critique.<br />
2 Roland Barthes, critique auquel S. Doubrovsky fait remonter la naissance de la Nouvelle Critique,<br />
datant de 1963, sur laquelle il prend appui pour mieux asseoir sa propre conception.<br />
3 DOUBROSKY Serge, Pourquoi la nouvelle critique, op. cit., p. 12-13.<br />
4 J’ai pris le parti de mettre des majuscules.<br />
5 DOUBROSKY Serge, Pourquoi la nouvelle critique, op. cit., p 14.<br />
6 DOUBROSKY Serge, Pourquoi la nouvelle critique, op. cit., p. 15.<br />
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