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1. LES CAUSES D’INTRADUISIBILITÉ<br />

TRADUIRE… INTERPRÉTER<br />

1.1. L’écart poétique<br />

La première cause d’intraduisibilité ne peut- être que l’écart poétique qui<br />

détermine cette poésie écrite en langue française et la rend hors-norme. Nous<br />

reprendrons la remarque de Fawzia Sari : « Nul doute que le mot se lie chez<br />

l’écrivain à l’expérience essentielle de l’écart. Derrière l’usage des mots de la langue<br />

française, on repère, en effet, une volonté délibérée de détour, de prise de<br />

distance….obsession de la distance, M.Dib la retrouve dans la structure même de<br />

l’acte d’écriture… » 1 .<br />

L’œuvre de M.Dib, du fait de l’écart poétique, est une œuvre littéraire écrite,<br />

finie, qui ne peut être ni modifiée ni retouchée. Elle est unique en son genre par son<br />

vouloir-dire s’exprimant par un langage propre au poète ; elle n’est pas illisible mais<br />

incommunicable pour des raisons internes : d’une part, elle a été écrite en français,<br />

donc écart par rapport à la langue du peuple opprimé, d’autre part elle porte en elle<br />

l’algérianité du poète. L’écart se situe entre le fond et la forme, entre l’exil réel du<br />

poète et l’exil linguistique.<br />

1.2. Les idées reçues sur l’intraduisibilité<br />

La deuxième cause d’intraduisibilité est liée à la conception même<br />

d’intraduisibilité telle qu’elle perdure dans l’inconscient collectif des intellectuels et<br />

chercheurs comme un héritage indéfectible.<br />

C’est ainsi qu’un consensus tacite a circulé à travers les cultures et les<br />

civilisations du monde pour cantonner la poésie dans l’intraduisibilité, pour ancrer<br />

dans l’inconscient collectif des idées reçues emmagasinées, génération après<br />

génération, afin de faire croire définitivement au caractère intouchable de la poésie.<br />

Certes, intouchable elle l’était par la mainmise des Rois de l’Égypte-ancienne<br />

sur la traduction afin de protéger les secrets d’Etat. Poésie et traduction étaient un<br />

bien royal et privé. Mais les arabes, à l’époque des Khalifes et des Emirs les<br />

différenciaient entre elles : la poésie était leur ornement, leur force, et même s’ils<br />

encourageaient le mouvement de traduction du grec et du latin vers l’arabe, il n’en<br />

restait pas moins qu’ils concédaient volontiers le métier de traducteur aux chrétiens<br />

et aux juifs. Mais voilà que Jahiz au 2 ème siècle de l’Hégire, 8 ème siècle de l’ère<br />

Chrétienne, confortant cette position, a décrété dans le livre des Animaux « El<br />

Hayawan » pour des raisons politico-linguistiques, que la poésie arabe était<br />

intraduisible. Cette idée persiste jusqu’à nos jour chez les intellectuels arabes<br />

et personne n’ose contredire ce propos concernant l’évolution de la littérature arabe.<br />

En effet ces idées reçues ont traversé le temps pour persister encore<br />

aujourd’hui avec Roman Jakobson (1959) ; Italo Calvino (1923-1985) qui prévient<br />

que « la poésie en vers est intraduisible » ; bien d’autres encore prônent<br />

l’intraduisilité de la poésie.<br />

En outre est encore ancrée dans les esprits aujourd’hui cette idée venant des<br />

traductologues : la traduction de la poésie ne doit être faite que par des poètes ;<br />

Baudelaire traduit Alan E.Poe ; Hölderlin/ Goethe ; J. E. Bencheikh /Hijazi<br />

…Encore une fois, toutes ces idées reçues nous viennent en héritage pour rendre la<br />

poésie intraduisible et mettre des barrières au vouloir- dire du poète ; pourtant U.Eco<br />

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