22.06.2016 Views

Traduire

traduire...Interpréter

traduire...Interpréter

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

SIGNIFICATION ENTRE INTERPRÉTATION ET TRADUCTION<br />

mais propre à chacune de ses oeuvres 1 . Faut-il les traduire ? Ou faut-il les expliciter<br />

pour éviter l’intraduisible ?<br />

Nous avons là un bel exemple de négociation interculturelle. Tout d’abord,<br />

dans « Les arbres regonflés et recouverts d’écailles » faut-il traduire « écailles » par<br />

»? Les deux termes sont envisagés dans le اڶبراعْم « par » ou bien الحراشف «<br />

commentaire du traducteur mais c’est اڶبراعْم»‏ » qui est retenu visant le premier<br />

niveau de lecteur, donc de sens, pour évoquer les premiers bourgeons du printemps.<br />

D’où la suppression de l’image qu’évoque la métaphore d’éclatement de la peau qui<br />

s’écarte comme des écailles, ce qui enlève aussi à l’arbre une partie de sa valeur<br />

symbolique. De même l’arbre-homme disparaît partiellement au profit de l’arbreoiseau<br />

puisque le terme « bras » cède la place au terme « aile » qui est explicitement<br />

associé au dense feuillage « ممورقات ‏.«أجنح Mais en rendant le verbe d’action<br />

« monter » par le nom qui lui correspond « ‏,«التصعيد celui-ci perd toute sa<br />

signification, et avec lui l’image de l’arbre-oiseau. La personnification finale de<br />

l’arbre, avec la disparition dans le texte arabe de l’équivalent du terme « entrailles »,<br />

la trouvaille de Valéry pour réunir les deux pièces du fragment, s’évanouit à son<br />

tour.<br />

Le deuxième cas concerne la représentation de l’arbre-bouc avec<br />

« leurs tonnantes toisons شعورھا اڶمرعدات » qui a été maintenue grâce à une traduction<br />

littérale. Mais en gardant la double figure métonymie/métaphore, le traducteur a<br />

introduit d’une part une ambiguïté au niveau de l’interprétation, de la signification et<br />

de la représentation, le terme « شعور » étant en Arabe polysémique, et d’autre part<br />

une image insolite qui produira des effets et suscitera des interrogations. N’est-ce<br />

pas là une preuve que la traduction est une ouverture sur l’autre 2 ?<br />

Il va de soi que nous ne pouvons dissocier le fond et la forme, et que la<br />

signification d’un texte, surtout d’un poème réside dans sa poéticité. C’est pourquoi<br />

au-delà des écarts et des dérives, il faut surtout souligner la poéticité de la traduction<br />

qui assure la transposition de la voix du poème et de son euphonie. C’est cette<br />

poéticité qui devrait être le moteur de tout processus de traduction afin de « mieux<br />

faire saisir la nature du langage poétique » 3 .<br />

Dans le texte français, c’est par une série de « coups rythmés » que la nature<br />

convie tous les instruments dans une étonnante orchestration, à entonner l’hymne à<br />

la joie et à la vie, comme Régine PIETRA le montre dans sa thèse, en relevant une<br />

assonance en [ã] qui non seulement débute l'ouverture mais se prolonge, structurant<br />

tout le morceau. Ce son vocalique relie tout un réseau de termes « n’attend plusrenaissant-<br />

sang- diamant- printemps- étonnant- printemps- candeur- tendresseprend-<br />

entrailles » (op. cit., p. 447) permettant de passer de la Jeune Parque à la<br />

nature confondant presque l'inanimé et l'animé. Il en va de même pour l’allitération<br />

en [t], laquelle est respectée dans la traduction et combinée à deux autres, sous-<br />

1 « Je suis un écrivain de qui les productions résultent d'une traduction des données et des impressions<br />

particulières relatives à chaque œuvre - dans certain système de réflexions et de définitions générales qui<br />

me sont propres, et d'une retraduction de cette transposition dans le langage ordinaire. » (C2, 264), précise<br />

Valéry.<br />

2 ADONIS considère la traduction comme une rencontre (op. cit., p. 125) et une expérience ; elle est aussi<br />

l’occasion de « forger une nouvelle langue dans la langue cible », op. cit., p. 121.<br />

3 Cf. Florence LAUTEL-RUBNSTEIN, « De l’empire de la poésie à l’empire de la traductologie : La<br />

poéticité comme outil de critique littéraire », in La TILV, p. 15.<br />

147

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!