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TRADUIRE… INTERPRÉTER<br />

TRADUCTION TRANSMISSION ET PARTAGE<br />

Comment transposer la valeur symbolique du signe et sa valeur culturelle qui<br />

pourraient échapper à un lecteur non averti, ne connaissant ni la poétique ni le<br />

fonctionnement de l’esprit du poète ? Cette question soulève une problématique<br />

spécifique au texte poétique : faut-il être spécialiste du poète qu’on traduit ?<br />

Pour chanter le mariage du ciel et de la terre, pour marquer la participation de<br />

tous les éléments de la nature sollicitée par le printemps (air, terre, eau), et célébrer<br />

la fête des sens, il lui fallait un symbole 1 . Ce symbole, lieu par excellence de toutes<br />

les interprétations, ne pouvait être que « l’arbre » 2 qui l’a toujours fasciné 3 . L’arbre<br />

de ce printemps (vv. 230-34) résume la nature toute entière. En lui toutes les espèces<br />

se conjuguent, l’arbre-poisson ou l’arbre-serpent « recouvert d’écaille », l’arbrehomme<br />

« [c]hargés de tant de bras », puis l’arbre-bouc avec « leurs tonnantes<br />

toisons », enfin l’arbre-oiseau montant dans les hauteurs avec « toutes leurs ailes »<br />

avant de devenir l’arbre -rameur 4 .<br />

Les arbres regonflés et recouverts d’écailles<br />

Chargés de tant de bras et de trop d’horizons,<br />

Meuvent sur le soleil leurs tonnantes toisons,<br />

Montent dans l’air amer avec toutes leurs ailes<br />

De feuilles par milliers qu’ils se sentent nouvelles… (vv. 230-34)<br />

( p.130)<br />

ما يسات اڶَأشجار نفخھا اڶرّي جديدًا وغلفتھا اڶبراعْم<br />

وآفاقھا اڶرحاب اڶنواعْم،‏ مثقاڶِت بر ف أجنحھا اڶأڶف<br />

راحت اڶآن فؤق،‏ مفرق اڶشمس ‏،تذّري شعورھا اڶمرعدات<br />

وتحت ا لتصعيد في حسرة اڶجو بآڶآڶف أجنح ممورقات<br />

تتندى ريا وتزھو اخضرارا ، فتحس الفروع منھا جديدة<br />

،<br />

L’arbre enraciné dans les profondeurs, où il puise sa substance, aspiré par les<br />

hauteurs est le protecteur de la terre qu’il couvre de ses banches et de sa profusion<br />

de feuillages, il est aussi le reflet du foisonnement de l’esprit du poète.<br />

Dans la traduction, le symbole est là mais le traitement des différentes images<br />

et représentations 5 en est autre. Ici comme ailleurs se pose la question des<br />

métaphores et autres figures qu'on retrouve certes dans tout texte mais qui dans un<br />

texte poétique acquièrent une signification particulière par le choix du poète qui<br />

reflète sa vision du monde et son imaginaire, vision propre non seulement au poète<br />

،<br />

1 Charles Sanders PEIRCE (1839-1914) fait intervenir l’interprétation dans le processus de signification et<br />

distingue trois sortes de signe : l’indice (la fumée par rapport au feu), l’icône (une image ou une photo du<br />

feu), le symbole (le mot « feu »), in Écrits sur le signe, Textes rassemblés traduits et commentés par<br />

G. DELEDALLE, Seuil, 1978, cité par N. JOURNET, ibid. p. 131.<br />

2 « L’arbre, corps énorme entre la finesse de ses principes dans la terre et la finesse de ses conséquences<br />

aériennes. » (CVIII, 216), cité par Brian STIMPSON. « Les images du monde naturel, dit-il, même lorsque<br />

suscitées par une observation particulière, assument dès lors des qualités métonymiques, pourvues d’un<br />

caractère générique par les yeux de l’esprit ; ainsi en est-il d’un arbre seul qui s’élance dans les éléments<br />

avec ses propres intelligences, extrêmement subtiles », Paul Valéry, L’écriture en devenir, Peter Lang,<br />

2009, p. 56.<br />

3 Comme l’attestent les fragments textuels et les représentations picturales aussi bien dans le dossier<br />

génétique du poème que dans les Cahiers. Paul RAYAN en a compte 70, Paul Valéry et le dessin, Peter<br />

Lang, 2007, pp. 237-42.<br />

4 O. NADAL voit dans les vers suivants « presque l’image de l’arche de Noé », (op. cit., p.341) et Régine<br />

PIETRA, « l’arbre-rameur », Valéry, direction spatiales et parcours verbal, Bibliothèque des lettres<br />

modernes 32, Minard, Paris, 1981, p. 446.<br />

5 Charles Sanders PEIRCE précise : « L’interprétation d’un representatem (qui est une forme exprimée de<br />

signe, pas nécessairement une forme linguistique, mais aussi un terme linguistique, une phrase, ou un<br />

texte entier) est une autre représentation référée au même objet », cité par U. ECO, op. cit., p. 100.<br />

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