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TRADUIRE… INTERPRÉTER<br />

possibles. De la sorte la traduction participe à la compréhension du texte source, elle<br />

contribue à la critique et oriente la lecture. Une question surgit cependant : faut-il<br />

être spécialiste du poète qu’on traduit ?<br />

Un autre apport du texte cible est celui de remonter à la genèse du texte pour<br />

mieux comprendre la stratégie de traduction adoptée. Cette démarche n’est pas sans<br />

conséquences sur la signification du texte.<br />

Le fragment « Printemps 1 » (vv. 222-34), à connotations sexuelles, situé à la<br />

fin du premier diptyque du poème, est un appel à la vie. Il passe pour l’une des<br />

réussites les plus incontestables mais, comme le dit Valéry, fut improvisé vers la fin<br />

« pour attendrir le poème » 2 . Il y a là donc une intention du poète ou plutôt une<br />

intention qu’on lui a attribuée de son vivant lors de la première publication chez<br />

Gallimard et qui apparemment a eu des effets 3 sur les lecteurs. La question est de<br />

savoir comment traduire cette intention et cet effet dans le texte arabe ?<br />

Écoute… N’attend plus… La renaissante année<br />

A tout mon sang prédit de secrets mouvements :<br />

Le gel cède à regret ses derniers diamants…<br />

Demain, sur un soupir des Bontés constellées,<br />

Le printemps vient briser les fontaines scellées :<br />

L’étonnant printemps rit, viole… On ne sait d’où<br />

Venu ? Mais la candeur ruisselle à mots si doux<br />

Qu’une Tendresse prend la terre à ses entrailles… (vv. 222-9)<br />

اصغِ...‏ ال تُكثر التمھل من بعدُ...فإنّ‏ العامَ‏ الجديدَ‏ الطالعْ‏<br />

لدمي كلھ تنّبّٲ بالرعشات تترى ‏،محجوبةً‏ ببراق ‏ْع<br />

الجليدُ‏ الممتدّ‏ يتركُ‏ بالر ُّغم خريد الماساتِ‏ منهُ‏ األَخير ‏ْة...‏<br />

وغداً،‏ عند نھدةٍ‏ من حنايا آلھات الس ِّماح تلك المنيرة<br />

يفدُ‏ الطالعُ‏ الر َّبيعُ‏ فيفجو محكماتِ‏ األَقفالِ‏ ‏ِفوق الن ُّبوعِ:‏<br />

:<br />

الر َّبيعُ‏ المھيب يضحكُ،‏ يفتض ُّ البكارات.طِلسماً‏ في الطلوعِ‏<br />

غڍرٲّن النقاء ڍرَشُح قطرًا في كالٍم مر َّفھ الد ِّل غاوي<br />

قيروُح الحناُن يمتلُك األرَض‘حناٌن في مھ ‏ِجۃ األرِض<br />

Les différents éléments de la nature célèbrent cette liberté annoncée par<br />

l’arrivée du printemps (vv. 222-29). Le texte arabe respecte l’ordre et la progression<br />

du texte français, à l’exception du rejet « venu ? » qui, par la même occasion, annule<br />

la phrase interrogative. Il met bien en valeur le désir intime de transformation de<br />

l’être « لدمي كلھ تنّبّٲ بالرعشات تترى ». De même la personnification du « gel » se trouve<br />

encore plus renforcée en ajoutant le terme « خريد », qui souligne la pureté de l’eau<br />

pour faire écho à la pureté des diamants, les astres, du début du poème (v. 18).<br />

D’autre part, ces diamants annoncent « la candeur » اڶنقاء»‏ » et les « mots si doux »,<br />

symboles sans doute de cette poésie pure à laquelle aspirait Valéry, « mots » que le<br />

traducteur voit filtrer au compte–goutte « ڍرَشُح قطرًا » et non point ruisseler comme<br />

l’évoque la construction toute hugolienne « La candeur ruisselle ». A l'idée<br />

1<br />

Quand Valéry songe à introduire le chant du printemps, il choisit un court poème intitulé<br />

« Renaissance » qui semblerait reprendre avec quelques retouches un état antérieur du même fragment<br />

intitulé « Avril » 1 avec comme rime nodale le terme « entrailles » permettant l’articulation des deux<br />

pièces et le développement métaphorique. Cf. Paul Valéry, La Jeune Parque, étude critique par Octave<br />

Nadal, Le club du meilleur livre, 1957, 275 p.<br />

2 Dans une lettre à Albert MOCKEL, en 1917, Valéry précise : « J’ai même été forcé, pour attendrir un peu<br />

peu le poème, d’y introduire des morceaux non prévus et faits après coup. Tout ce qui est sexuel est<br />

surajouté. » (OE, I, 1621).<br />

3 « Tel, le passage central sur le Printemps qui semble maintenant d’importance essentielle. » (ibid, 1621).<br />

1621).<br />

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