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TRADUIRE… INTERPRÉTER<br />

enrichissement ou réduction, de même la variété des adjectifs qui peut relever tout<br />

simplement de l'ornement peut aussi créer des associations et des images. On dévie<br />

ainsi du formel vers une modification du thématique.<br />

La Parque se regarde, le froid la rend étrangère à elle-même et devient<br />

Constellation ; elle crie son avidité de comprendre et s’adresse aux astres. « […]<br />

ayant quitté / Ma couche » est rendu par « j’ai quitté mon lit الطري ِّ chaud, tendre,<br />

douillet ». Le terme « couche » a plusieurs équivalents en arabe. Le traducteur a<br />

privilégié le substantif « lit » « سرير » qui explicite la matérialisation du lieu de<br />

couchage. Pourquoi ce choix et pour quel effet ? L'adjectif « الطري ِّ tiède » ajouté,<br />

pose lui aussi un problème, il suggère implicitement une idée d'opposition par<br />

rapport à froid, connotation qui n’est pas dans « couche » mais plutôt dans<br />

« tremblante », pour marquer une opposition entre l’intérieur et l’extérieur ? 1 Ces<br />

contraintes modifient le sens des mots et la signification est, elle aussi, altérée<br />

comme le souligne M. BLANCHOT : « la poésie suggère […] un sens dont la structure<br />

est propre 2 . » […] la signification poétique est ce qui ne peut être séparé des mots,<br />

ce qui rend chaque mot important ».<br />

LA CONTRAINTE SYNTAXICO-MÉTRICO-RYTHMIQUE<br />

La métrique de la poésie arabe classique ne tolérant pas l’enjambement<br />

conduit le traducteur à faire correspondre la phrase au mètre. Ainsi, le rejet qui<br />

permet de mettre en valeur un terme, ici le groupe nominal « Ma couche » se voit<br />

déplacé à la fin du vers précédent en position de rime ce qui lui préserve son<br />

importance mais l’effet ne sera pas le même.<br />

Je suis seule avec vous, tremblante, ayant quitté<br />

Ma couche<br />

معكِ‏ ٳني وحيدةٌ،أَتداعى،قد تخل ِّيتُ‏ عن سريري الطر ِّي ...<br />

Pour obtenir les 24 syllabes propres au mètre choisi c’est-à-dire le « Hafif »,<br />

très souvent le traducteur a recours à la caractérisation adjectivale (parfois double)<br />

de certains noms. Ce procédé qui relève plus d’une contrainte d‘usage n’est pas sans<br />

conséquence sur la signification, comme dans l’exemple ci-dessus cité où le vers se<br />

termine par la rime imposée « ‏«سريري » en [i], se voit suivre de l’adjectif<br />

». tiède الطري ِّ «<br />

De ces contraintes découlent des problématiques auxquelles s’en ajoutent<br />

d’autres 3 liées à la stratégie de traduction ou à l’esthétique du texte.<br />

PROBLÉMATIQUE DES CONTRESENS<br />

Que faire de tel incident sur la signification du poème ? Je me limite ici à un<br />

seul exemple qui touche la traduction des pronoms qui ne pose aucun problème en<br />

Arabe, sauf pour le « vous » de politesse ou de majesté.<br />

Je suis seule avec vous, tremblante, ayant quitté[…]<br />

EDLER p. 304 in La forme comme paradigme du traduire, (dir.) Nadia AMÉLIO,É<br />

1 Mais cet adjectif verbal « tremblante » est-il lié à un état de peur ou de froid ? Notons que l’idée de<br />

« tiédeur » apparaît bien plus loin et plus tard vers la fin du poème dans les vers « 465-66 » qui font écho<br />

à ceux que je suis en train d'examiner. On retrouve le terme « couche » en position de rejet, cette fois-ci<br />

l'idée de tiédeur est associée à la couche, et les deux appartenant au champ lexical de la mort :<br />

« DÉLICIEUX LINCEULS, mon désordre tiède, / Couche où je me répands, je m’interroge et me cède, ».<br />

2 Op. cit., p. 127-28.<br />

3 On peut souligner le remplissage, le commentatif, la clarification l’amplification et l’ambiguïté.<br />

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