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Traduire

traduire...Interpréter

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TRADUIRE… INTERPRÉTER<br />

définit le poème, c’est-à-dire la poésie 1 . Mais cet intraduisible a fait lui-même<br />

l’objet d’une traduction dans la mesure où il faut passer de la « pensée » 2 au langage.<br />

Valéry précise qu’« [i]l ne suffit pas de comprendre, il faut éperdument traduire ».<br />

Et pour traduire le plus exactement possible, il faut travailler. C’est là où se situe<br />

tout le « faire » du poète, chercher le mot juste, l’image et la représentation les plus<br />

fidèles, la mélodie, la structure et la sensation qui conviennent car, par exemple,<br />

« pour le poète, il ne s’agit jamais de dire qu’il pleut. Il s’agit de créer la pluie. » (C,<br />

XVI, 246). En outre, Valéry rapproche deux facultés, celle de traduire et celle de<br />

représenter. Cette représentation ne passe pas seulement par l’écriture, elle a besoin<br />

de passer par un autre système sémiotique, ne serait-ce que pour son propre<br />

imaginaire : ce système est la représentation picturale. ADONIS résume la complexité<br />

de la tâche du poète, et la dure réalité du traducteur : « On ne traduit que ce qui est<br />

autour, ses images et quelques rapports qui rappellent ces images […]. Toutefois, si<br />

le poète ne peut pas mettre en mots ce qu’il ressent viscéralement, comment un<br />

traducteur pourrait-il traduire ce que ce poète n’arrive pas, lui-même, à exprimer » 3 .<br />

Hélas le texte publié masque tout ce travail, le traducteur n'a que la substance et le<br />

contenu que ce dernier lui offre avec toutes ses énigmes.<br />

TRADUCTION DANS UNE AUTRE LANGUE<br />

Le traducteur, jouant le rôle d’un passeur et d’un médiateur pour transmuter<br />

un texte d'une langue et d'un système à une autre langue ayant son propre système, a<br />

une triple tâche : une assimilation mentale, une interprétation du texte, et une<br />

transposition. Son seul souci est celui de susciter, sinon les mêmes effets, du moins<br />

des effets analogues, proches ou autres.<br />

Un véritable travail de création commence mais aussi un travail de la langue 4 .<br />

Ici ce sont des mots arabes qui résonnent dans l'esprit du traducteur, qui stimulent<br />

son imaginaire et qui doivent ensuite peser sur le lecteur du texte cible.<br />

<strong>Traduire</strong> un texte certes, c'est transposer un contenu déjà existant. Mais sa<br />

signification dépend, comme le souligne le linguiste Nicolas JOURNET 5 , aussi de<br />

l'interprétation que fait tout récepteur et donc le lecteur de ce texte, ici en<br />

l'occurrence le traducteur. Cette signification dépend aussi de l'ensemble des choix<br />

qu'il aurait effectués dans sa propre langue 6 quand il a été amené à recréer le texte<br />

source. Pour la langue arabe, c'est une re-création 7 presque totale qui se situe sur<br />

plusieurs niveaux, qu'il faudra prendre en compte pour saisir le sens accordé aux<br />

1 « La poésie, dit-il, dans le poème est ce que nous ne pouvons traduire. », cité par ADONIS, op. cit.,<br />

p. 127.<br />

2 « Ce qu'on appelle ordinairement pensée n'est encore qu'une langue à vrai dire très particulière et dont<br />

les axiomes diffèrent beaucoup des axiomes du langage ordinaire » (CIV, 63).<br />

3 Op. cit., p. 127.<br />

4 « Je pense en français, écrit Valéry c’est-à-dire que ce sont des mots français qui en moi provoquent<br />

directement et sont provoqués univoquement – mes phénomènes directs, réels, non traduits. Il y a échange<br />

direct entre ces signes et les images ». (CIII, 71).<br />

5 Cf. « La liberté de l’interprète selon Umberto Eco » in Le Langage, p. 117.<br />

6 Il faut attirer l’attention sur « l’irréversibilité » qui introduit la temporalité dans le langage comme le<br />

souligne Sylvain ARNOUX, « Le langage dans le cerveau, Entretien avec Sylvain ARNOUX », propos<br />

recueillis par J-F. DORTIER et M. FAGOT, in Le langage, éditions sciences humaines, 2001, p. 174, d’où la<br />

nécessité d’avoir plusieurs traductions d’une même œuvre.<br />

7 Cf. mon article « Re-création et interprétation, La Jeune Parque de Paul VALÉRY en Arabe » in La TILV,<br />

TILV, pp. 114-127.<br />

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