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SIGNIFICATION<br />

ENTRE INTERPRÉTATION ET TRADUCTION<br />

La Jeune Parque 1 de Paul VALÉRY en arabe<br />

Vie mentale - série infinie de traduction. (C1, 872)<br />

S’il y a un sujet qui a fort intéressé Paul VALÉRY, c’est bien celui de la<br />

traduction. En traduisant lui-même Les Bucoliques de VIRGILE (OE, I, 207-22) il a<br />

fait l’expérience de passer d’une langue à une autre. Réfléchissant sur le<br />

fonctionnement de l’esprit, il a souvent constaté que la vie intérieure et/ou la vie<br />

mentale est une série de traductions. Aussi conçoit-il l'acte d'écrire sous le signe de<br />

la traduction : « Écrire quoi que se soit […] est un travail de traduction exactement<br />

comparable à celui qui opère la transmutation d’un texte d’une langue à une autre. »<br />

(OE, I, 211) et comme Marcel PROUST, pense qu’il ne s’agit pas de trouver ni<br />

d’inventer « le seul livre vrai » 2 à faire mais de traduire.<br />

Par ailleurs, si l’on s’accorde avec Charles BAUDELAIRE que la poésie est la<br />

traduction du phénomène du monde intérieur que le lecteur ressentira avec un<br />

décalage temporel, la traduction de la poésie ne serait-elle pas la traduction de la<br />

« traduction » déjà faite et établie par le poète lui-même ? Cette traduction<br />

n'accentuerait-elle pas davantage ce décalage, dans la mesure où le produit final<br />

passe par un autre « faire » et par une autre interprétation, ceux du traducteur ? Dans<br />

cette retraduction, cette transmutation, cette re-création, quelle stratégie, en vue de<br />

quelle signification, quelle représentation et quelle intention, si intention il y a ?<br />

TRADUCTION DU MONDE INTÉRIEUR<br />

Nous sommes donc devant une double traduction. La première est celle qui<br />

émane d'une « parole intérieure » 3 qui frôle l’intraduisible comme l’attestent tous les<br />

poètes mais que le poète finit pas nous faire partiellement partager à travers sa<br />

propre traduction dans ses écrits et ses poèmes. Même si cette dernière se concrétise<br />

par un tracé visuel et lisible sur le papier, elle garde sa part de mystère et<br />

d’inconscience. ADONIS, poète et traducteur, nomme cet intraduisible le « Viscéral,<br />

l’instinctif » 4 , le poète américain Robert FROST voit en lui ce qui caractérise et<br />

1 Poème faisant partie des Œuvres (OE, I, 96-110). Traduction arabe et commentaire par Édouard<br />

TARABAY, dar al majani, Beyrouth, 1996, 211 p.<br />

2 Cf. À la recherche du temps perdu, tome II, nrf, éditions Gallimard, Paris, 1947, p. 589.<br />

3 Cf. « Variation sur les Bucoliques » où Valéry commente son travail de traducteur des Bucoliques de<br />

Virgile : « Le poète est une espèce singulière de traducteur qui traduit le langage ordinaire, modifié par<br />

une émotion, en « langage des dieux » ; et son travail intérieur consiste moins à chercher des mots pour<br />

ses idées qu’à chercher des idées pour ses mots et ses rythmes prédominants » (OE, I, 212).<br />

4 Le regard d’Orphée, Conversations avec Houria ABDELOUAHED, Fayard, 2009, p. 127.<br />

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