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DU « SILENCE » DE L’ÉCRITURE JURIDIQUE ET DE SON PARADOXE INTERPRÉTATIF<br />

loi peuvent être imprécis à divers degrés et (…) les procédés traditionnels de<br />

définition et de classification réussissent mal à en saisir le sens. » 1 .<br />

L’auteur cité énonce la thèse du non-gaspillage, valable dans la<br />

communication juridique en général, et qui repose sur l’idée que la division des rôles<br />

entre le législateur, le pouvoir exécutif et les tribunaux se développe de manière à<br />

minimiser les coûts engendrés par la formulation et l’application des règles de droit.<br />

Les termes choisis par le législateur sont en fonction de cette division des rôles. Par<br />

conséquent, le législateur peut confier aux juges – et aux autres interprètes du droit -<br />

la tâche de préciser certaines règles juridiques.<br />

Des syntagmes tels paix, ordre et bon gouvernement (Loi constitutionnelle de<br />

1867), société libre et démocratique 2 supposent, compte tenu de leur ambiguïté, un<br />

effort de précision. Dans la pratique des instances roumaines (que nous avons eu la<br />

possibilité d’examiner de plus près), nous avons identifié beaucoup de termes et<br />

syntagmes ayant cette propriété, et qui exigent un effort d’interprétation<br />

supplémentaire : în timpul nopții (pendant la nuit), par exemple, peut signifier, selon<br />

le cas, l’heure astronomique ou le moment où la lumière commence à baisser (en<br />

favorisant, de la sorte, les infractions). La distinction opérée par le juge a permis<br />

l’encadrement différent d’une infraction.<br />

Quand la pression des faits l’impose, le législateur est obligé de mieux<br />

préciser la portée de ces notions-cadre, comme a été le cas en Roumanie, sous<br />

l’influence des législations européennes. Une tentative récente de corrélation avec la<br />

législation européenne est le changement du contenu de l’article 197 du Code pénal<br />

roumain concernant l’infraction de viol. Le remplacement du syntagme « rapport<br />

sexuel » par « acte sexuel » et « personne de sexe féminin » par « personne de sexe<br />

différent » entraîne et impose à la fois un changement de mentalité.<br />

Au moment de la traduction juridique, la charge culturelle implicite du<br />

langage juridique conduit, parfois, à la conclusion qu’il n’y a pas de véritable<br />

équivalent entre les deux langues, vu que chaque civilisation engendre sa culture<br />

juridique, étant le reflet et le modèle d’un ordre social particulier. Même une notioncadre<br />

assez banale, comme le terme mariage, en français (căsătorie, en roumain),<br />

qui semble relier les mêmes notions (l’union d’un homme et d’une femme) peut<br />

poser des problèmes épineux. Pour parler réellement d’équivalents, il faudrait<br />

comparer l’ensemble des dispositions qui règlementent ces deux notions en français<br />

et en roumain, vérifier la nature de cette union, les conditions d’âge, l’influence de<br />

l’aspect religieux.<br />

La charge culturelle pose des problèmes non seulement pour la traduction des<br />

notions-cadre, mais aussi pour résoudre d’autres difficultés d’ordre terminologique.<br />

Par exemple, on traduit garde des sceaux par portărel, et crime par infracțiune (vu<br />

son sens général « d’infraction grave »), à côté du sens spécial de « homicide,<br />

meurtre ». Dans d’autres situations, ces notions vagues renvoient à des principes,<br />

des doctrines distinctes (par exemple, âge de la majorité, à 18 ou 21 ans, âge de la<br />

retraite, régime matrimonial (monogamique ou polygamique). Le référent se<br />

1 Mackaay E., « Les notions floues en droit et l’économie de l’imprécision », Langages 53, Paris : Didier-<br />

Larousse, 1979, p. 36.<br />

2 Lajoie A., Robin R., Chitrit A., « L’apport de la rhétorique et de la linguistique à l’interprétation des<br />

concepts flous », in Lire le droit. Langue, texte, cognition, Paris : Librairie générale de droit et de<br />

jurisprudence, 1992, p. 162.<br />

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