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TRADUIRE… INTERPRÉTER<br />

« d’appartenance juridique exclusive » 1 et c’est par leur existence qu’on justifie<br />

l’emploi du syntagme « langage juridique », vu au sens de façon particulière de<br />

s’exprimer. Entre les deux études citées, la différence est, quand même, sensible.<br />

Sourioux et Lerrat affirment que « l’activité juridique est faite d’exercices de<br />

vocabulaire », alors que G. Cornu ne considère ces termes que les premiers témoins<br />

du langage du droit. Pour le dernier, ce qui vaut dans l’analyse linguistique c’est<br />

plutôt le discours juridique, même si son existence est moins évidente que celle du<br />

vocabulaire.<br />

Le développement (assez récent) de la sémantique et de la pragmatique<br />

juridique, autorise le linguiste à se soucier plutôt des relations entre le langage et ses<br />

possibles emplois dans la réalité, sans s’enfermer dans des unités étroites de<br />

vocabulaire. Il y a aussi des études portant sur le langage juridique 2 où on discute<br />

des phénomènes reliés à la subjectivité langagière, tels les notions vagues, les<br />

figures de style, l’implicite. Il est à observer, néanmoins, qu’on assigne à ces<br />

manifestations langagières un caractère plutôt marginal, accidentel, puisqu’on est<br />

renseigné toujours que la langue du législateur est sobre, dépouillée, sans emphase,<br />

fioriture, attentive à dire l’essentiel, sans intentions littéraires, plus explicite que<br />

possible. Stylistiquement parlant, la loi est censée proposer un langage de la raison,<br />

son style suggérant la sérénité, la modération, la pondération, la sagesse. Elle ne<br />

peut jouer nullement d’ironie ou de plaisanterie, de la polémique, du sarcasme ou de<br />

la satire.<br />

Nous sommes d’avis qu’en mettant à profit les instruments théoriques fournis<br />

par la pragmatique et la sémiotique du discours on peut mieux saisir les<br />

organisations discursives significatives dans les diverses formes que le discours<br />

juridique recouvre. Une telle approche a été déjà esquissée dans notre livre résultat<br />

de la recherche de doctorat 3 . Tout en continuant les idées que nous avions soutenues<br />

à cette époque-là, on se propose, dans la présente intervention, de témoigner d’une<br />

recherche particulière dans le domaine du discours du droit, étroitement liée au<br />

spécifique de son écriture. L’énonciation juridique se caractérise par une<br />

organisation particulière, que nous avons appelé « le silence qui fait sens »,<br />

phénomène qui constitue, selon nous, une partie déterminante de sa construction<br />

discursive.<br />

Pour étayer notre démonstration, nous suivrons les traces de l’écriture<br />

juridique (terme peu employé dans les études que nous avons consultées). On sait<br />

que Roland Barthes parle d’écriture en la plaçant dans la sphère du discours<br />

littéraire 4 . Selon lui, le style et la langue sont des objets, alors que l’écriture est une<br />

fonction qui repose sur le rapport entre la création et la société. Comme le langage<br />

n’est jamais innocent, comme les mots ont une seconde mémoire qui engendre<br />

toujours de nouvelles significations, nous pouvons définir l’écriture comme un<br />

compromis entre liberté et le souvenir, comme une liberté souvenante, nous suggère<br />

Barthes.<br />

1 Cornu G., op. cit., p.19.<br />

2 Nous faisons référence, en particulier, à quelques recherches collectives, telles Le Langage de la justice<br />

pénale, 1977, dir. L. M. Raymondis, Le langage du droit, 1991, dir. Léon Ingber, Lire le droit. Langue,<br />

texte, cognition, 1992, dir. D. Bourcier, P. Mackay, Français juridique et science du droit, dir. G. Snow,<br />

J. Vanderlinden 1995.<br />

3 Mastacan S., Discursul implicit al dreptului (Le discours implicite du droit), Iaşi: Junimea 2004.<br />

4 Barthes R., Le degré zéro de l’écriture, Paris : Seuil, 1953.<br />

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