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DU « SILENCE » DE L’ÉCRITURE JURIDIQUE<br />

ET DE SON PARADOXE INTERPRÉTATIF<br />

Étant inspirée par la problématique proposée par le colloque d’Albi<br />

« Langage et signification », nous avons décidé d’y proposer une réflexion portant<br />

sur ce qu’on nomme « écriture juridique », en changeant la perspective que les<br />

études traditionnelles embrassent généralement.<br />

Toutes les sociétés fonctionnent grâce à leurs dimensions significatives, aux<br />

sens que leur attribuent les individus et les groupes qui les composent. Dans la<br />

perception commune, la signification juridique est « transparente » à son référent,<br />

elle est censée être claire, explicite et univoque. L’ambiguïté, l’implicite, la<br />

subjectivité, l’ellipse sont, théoriquement, des phénomènes bannis de l’écriture<br />

juridique. Corrélativement, l’interprétation juridique, en raison de sa finalité<br />

coercitive, voire punitive, est censée fonctionner sans équivoque.<br />

En réalité, si l’on examine plus étroitement les particularités de l’écriture<br />

juridique (ce qu’on s’appliquera à faire dans le présent travail), on s’apercevra que<br />

les écarts par rapport à ces normes présumées sont, plus qu’évidentes,<br />

indispensables et définitoires pour le fonctionnement du discours juridique. Les<br />

« trous » qui existent dans le texte, les lacunes, la distribution énonciative des rôles<br />

relèvent de la présence d’une Autorité cachée, presque mystique. On est devant un<br />

discours où le pouvoir de l’interprète, loin de se réduire à la simple transposition des<br />

normes aux faits, se trouve agrandi par le droit qu’on lui assigne de lire au-delà des<br />

mots, de combler les vides du texte.<br />

Si l’on convient que le discours juridique se caractérise par une écriture<br />

particulière, on s’avise que le « langage juridique » ou bien « le style juridique »<br />

sont des concepts qui acquièrent des acceptions variées dans les études qu’on leur a<br />

consacrées. Nous remarquons que dans la plupart de ces travaux, la mise en<br />

évidence de l’opposition saussurienne entre langue et parole exerce encore son<br />

attrait, elle fonctionne comme une sorte paradigme épistémologique chez bien des<br />

linguistes. Ainsi, ils se sont plutôt fixés sur le lexique juridique, sur « la vie des<br />

mots », sur la mise en évidence des usages les plus divers et de leur étymologie.<br />

Il semble que le vocabulaire juridique ait été au centre de l’intérêt grâce,<br />

premièrement, aux effets qu’il entraîne : parfois, le langage juridique n’est pas<br />

compris par le profane, qui subit un « sentiment d’étrangeté » 1 . La communication<br />

s’y heurte à un « écran linguistique » 2 . Comme dans toute langue, en français il y a<br />

des termes qui n’ont d’autre sens que leur sens juridique. Ce sont les termes<br />

1 Sourioux J.-L., Lerat P., Le langage du droit, Paris : PUF, 1975.<br />

2 Cornu G., Linguistique juridique, Paris, Montchrestien, 1990.<br />

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