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DE L’INTERPRÉTATION DU DROIT COMME ÉCRIT D’ÉCRAN...<br />

celle rendant compte de sa valeur politique, de la même manière que la meilleure<br />

lecture d’un texte littéraire est celle qui restitue sa valeur esthétique. Si on admet<br />

qu’un jugement ne peut pas être que subjectif dans le domaine de l’esthétique ou de<br />

la morale, alors il l’est aussi dans celui du droit. Ronald Dworkin conteste<br />

radicalement l’idée d’objectivité : « La question de l’objectivité des interprétations<br />

est elle-même une question d’interprétations » (Ronald Dworkin, 1996, p. 219).<br />

Le débat sur l’interprétation dans lequel s’inscrit Ronald Dworkin a pour<br />

corrélat celui soulevé par Paul Ricœur dans le champ des théories du discours et du<br />

texte. Dans « Le problème de la liberté de l’interprète en herméneutique générale et<br />

en herméneutique juridique », pour Paul Ricœur, l’application d’une règle juridique<br />

requiert la complexité du conditionnement mutuel de l’interprétation des faits et de<br />

celle de la norme (Paul Ricœur, 1995, p. 180). L’auteur envisage la nécessité<br />

d’admettre le caractère vague du langage juridique, les conflits entre les normes, le<br />

silence de la loi dans certains cas inédits et la nécessité imposant parfois de choisir<br />

entre la lettre et l’esprit de la loi.<br />

Au-delà des divergences de point de vue, les auteurs s’accordent à penser que<br />

l’interprétation parachève le droit ; elle le complète de manière productrice. Sa<br />

fonction est de produire sa réalisation concrète. En portant sur des cas concrets,<br />

l’interprétation du droit oblige à un jugement. Dans le cadre du tribunal, ce jugement<br />

est déterminant, au sens kantien, c’est-à-dire qu’il consiste à subsumer le particulier<br />

sous l’universel. Mais la subsomption est productrice. L’interprétation effectuée par<br />

un acteur social, comme ceux que nous étudions, c’est-à-dire par exemple le<br />

membre d’une association qui anime un site ou par un membre d’un forum, ne fait<br />

bien sûr pas jurisprudence. En revanche, la contribution de celui-ci est le fruit d’un<br />

jugement. Un acteur social n’effectue pas par là un acte de connaissance et sa<br />

démarche se distingue donc de l’interprétation que nous venons de décrire. Il répond<br />

à une logique sociale et par là œuvre à la fixation de règles du jeu. Comment un<br />

membre de la société civile, un acteur social, comprend-il un signe ? Comment cette<br />

opération le conduit-elle à une réaction en conformité avec son interprétation ?<br />

Nous travaillons sur les réactions de la société civile, sur l’internet, et<br />

observons celles des membres du Forum des droits sur l’internet depuis 2002. Pour<br />

ce faire, le corpus est dessiné à partir des communiqués de presse, des rapports et<br />

des interviews accordées par la présidente de l’association 1 . La veille scientifique<br />

permet de recenser et tenir à jour les consultations publiques. Elle s’étend jusqu’au<br />

15 janvier 2009 (dix-huit forums en ligne), date limite de la dernière consultation,<br />

intitulée « Vie privée numérique » (septembre 2008-janvier 2009), organisée en<br />

partenariat avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés,<br />

concernant la protection de la vie privée par rapport à la conservation des données<br />

personnelles des internautes par les acteurs privés et publics. Le corpus a été<br />

1 Il s’agit de 182 communiqués, des 5 rapports d’activités (du premier rapport en 2003 à 2007), des 3<br />

rapports sur les consultations des internautes (2007 et 2008, 2009), d’entretiens de la présidente Isabelle<br />

Falque-Pierrotin accordés à la presse en ligne (Le Monde Interactif du 20 août 2001 et le Journal du Net<br />

du 15 octobre 2001), de ses écrits (Les enjeux juridiques d’Internet : les propositions du rapport au<br />

ministre délégué à la Poste, aux télécommunications et à l’Espace et au ministre de la culture, Paris :<br />

Éditions La documentation française, 1997, 151 p. et « La gouvernance du monde en réseau », Cahiers du<br />

centre de recherches informatique et droit, n°22, 2002, p. 109-115.). Enfin, une observation participante a<br />

permis un travail sur la communication d’un chargé de mission de l’association, Jean Gonié (Vox<br />

Internet, 28 janvier 2005).<br />

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